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Premières coopérations franco-américaines

SANS | publié le : 21.05.2002 |

A plusieurs reprises, ces dernières semaines, des syndicalistes français sont partis à la rencontre de leurs homologues américains. L'objectif : mener des actions communes sur l'exercice du droit syndical dans les filiales américaines de groupes français.

Depuis quelques semaines, syndicats américains et français de différents groupes d'origine française jettent des ponts entre les deux rives de l'Atlantique. Le syndicat Unite (textile et habillement) de Brylane, une filiale américaine de PPR, et une intersyndicale française se sont rencontrés à trois reprises : en novembre, dans l'Indiana, puis en février (voir Entreprise & Carrières n° 611) et en avril, en France.

Des délégués de l'Ugict-CGT de Technip-Coflexip sont partis rendre visite, en avril, à leurs homologues du Swat (chantiers navals) de la filiale texane Gulf Marine Fabricators. Tandis que des syndicalistes de l'UAW (automobile, aérospatiale, outillage agricole) de l'entreprise Norton, filiale de Saint-Gobain, rencontraient à Paris, au mois de décembre dernier, des membres de la fédération CFDT chimie-énergie.

Pressions sur les salariés

Toujours en décembre, enfin, des délégués du Here (hôtels-restaurants) de Mariott, propriété de Sodexho, rencontraient des syndicalistes de la fédération CGT du commerce. En jeu, à chaque fois, les difficultés des syndicats américains à se faire reconnaître et, pour cette raison, en conflit depuis plusieurs mois avec leurs directions.

Aux Etats-Unis, la création d'un syndicat est, en effet, conditionnée à un vote des salariés et à la reconnaissance de la section par l'entreprise. Ce qui laisse une large marge de manoeuvre à la direction, y compris par des pressions sur les salariés. Le 15 mars 2001, Brinson Miles, le président de Gulf Marine Fabricators, déclarait ainsi, lors d'une réunion du personnel : « Travailler ensemble dans un environnement sans syndicat est la façon la plus efficace de travailler... Nous n'avons pas besoin d'un syndicat. »

Certains dirigeants n'hésitent pas à faire appel à des cabinets spécialisés pour mener une "contre-campagne" face à celle des syndicats. Devant ces difficultés, plusieurs organisations de salariés américaines ont décidé de faire valoir leurs revendications auprès des maisons mères, avec l'appui de leurs homologues français. A ce jour, seul l'UAW a obtenu gain de cause auprès de Norton sous la pression du propriétaire, Saint Gobain.

Coopérations marginales

Ces coopérations transatlantiques sont encore marginales et non concertées entre elles, mais leurs résultats seront regardés à la loupe par les directions et par les syndicats. Car, pour ces derniers, l'enjeu est que les maisons mères soient « responsables de ce qui se passe dans leurs filiales ». Il s'agit aussi de faire respecter les accords internationaux sur le droit du travail. « Les Etats-Unis ont accepté la charte de l'Organisation internationale du travail (OIT), elle doit maintenant primer sur les lois intérieures », expose Hélène Bouneaud, responsable des relations avec les Amériques à la CGT. L'OCDE devrait également recevoir une plainte émanant des syndicats de Brylane pour "violation de ses principes directeurs". Les syndicats rappellent, enfin, les engagements pris par les entreprises lorsqu'elles se sont dotées de chartes sociales, comme c'est le cas chez PPR.

Un syndicalisme plus revendicatif

« Ces coopérations impliquent réellement la base et ne se limitent plus à des rencontres syndicales au sommet, poursuit Hélène Bouneaud. Par ailleurs, les syndicats français ont cessé de se référer purement à l'idéologie, tandis que l'AFL-CIO a barré de ses statuts les clauses anti-communistes et s'oriente aujourd'hui vers un syndicalisme plus revendicatif. » Pour elle, toutes les conditions sont donc aujourd'hui réunies pour que ces ponts jetés entre la France et les Etats-Unis ne soient que les premiers.

Mais autant les rencontres syndicales internationales "au sommet" sont facilitées par l'existence de structures mondiales comme la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), proche de la Confédération européenne des syndicats (CES), autant les rencontres inter-entreprises ne disposent pas de points de contact officiels qui permettraient leur généralisation. Les récents comités d'entreprise européens ne trouvent pas, en effet, leur équivalent au niveau mondial. Ce qui fait d'ailleurs partie des revendications des syndicats des deux côtés de l'Atlantique.

L'essentiel

1 Depuis quelques mois, plusieurs syndicats américains de filiales de groupes français demandent l'aide de leurs homologues français pour se faire reconnaître.

2 De cette coopération à la base naît une revendication : que les groupes soient responsables de ce qui se passe dans leurs filiales.

3 Non concertées et parfois nées du fruit du hasard, ces coopérations n'ont pas encore vraiment obtenu de résultats. Elles soulignent cependant l'absence de structures de rencontres officielles.

Internet à l'origine de la rencontre chez Technip-Coflexip

Cela a tenu à pas grand-chose : si Google n'avait pas existé, si l'Ugict-CGT de Technip-Coflexip n'avait pas traduit en anglais des pages de son site, peut-être le syndicat Swat, de Sub Marine Fabricators, filiale du groupe français, n'aurait-il jamais rencontré son homologue français.

Au mois d'octobre dernier, alors que le Swat fait face à des difficultés pour mener sa campagne de syndicalisation dans la filiale texane de Technip-Coflexip, il décide d'en savoir plus sur le groupe français et tombe sur une page de l'Ugict-CGT en anglais. Ce premier contact se poursuit par des échanges de courriers. Puis débouche sur une action commune, le 20 no- vembre dernier : l'Ugict et le Swat adressent une lettre à la direction du groupe, pour réclamer la neutralité dans la campagne de syndicalisation.

La réponse ne les satisfaisant pas, ce courrier est suivi d'un second, en février dernier, qui reste sans réponse. Le Swat demande alors à l'Ugict de venir vérifier, sur place, les conditions de travail et de déroulement de la campagne. Les trois délégués français reviennent de leur séjour avec un épais dossier qui vient étayer une nouvelle lettre, transmise le 15 avril.

A l'heure actuelle, le bras de fer continue. Le Swat menace de déposer des plaintes à propos des mauvaises conditions de sécurité dans lesquelles travaillent les salariés américains.

Création d'une section syndicale aux Etats-Unis

Deux procédures possibles pour l'implantation d'un syndicat.

1- 30 % des salariés de l'entreprise signent en faveur du syndicat. Il peut alors de- mander au ministère du Travail d'organiser une élection dans l'entreprise. Si l'implantation recueille la majorité des suffrages, le syndicat est reconnu.

2- Plus de 50 % des salariés signent pour le syndicat. Si l'entreprise est d'accord, et après contrôle par une personne neutre (juge, professeur en droit du travail), le syndicat peut être reconnu.