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La Télécom Valley au ralenti

SANS | publié le : 14.05.2002 |

Lannion, dans les Côtes-d'Armor, est devenu l'un des pôles d'excellence français pour les télécoms et l'optique. Le retournement brutal de l'année dernière a particulièrement frappé ce bassin d'emploi qui ne manque pourtant pas d'atouts.

Du travail, pas des illusions d'optique » : ré- sumée sur les banderolles des 5 000 manifestants d'octobre dernier, à Lannion, l'inquiétude de tout un bassin d'emploi qui doit sa prospérité au développement des télécoms puis de l'optique. La Vallée du Tregor, souvent appelée Télécom Valley ou Optical Valley, est secouée par les difficultés qui affectent ces secteurs dans le monde.

Ici, sur la zone d'activité Pégase, qui jouxte l'aéroport et où se côtoient les établissements de France Télécom, Alcatel, Sagem, Siemens, Lucent et de nombreuses start-up, le retournement, en mai 2001, a été d'une terrible brutalité. Les signes d'un redémarrage se font attendre. Pire, les réductions d'effectifs se poursuivent. Highwave Optical Technologies, ancienne start-up à la croissance fulgurante, a été la plus touchée, passant d'un millier à 180 salariés en quelques mois (lire encadré). Mais les multinationales présentes à Lannion ne sont pas épargnées.

Licenciements et mise en vente

Lucent a supprimé une centaine d'emplois, Sagem plusieurs dizaines. De son côté, Alcatel Converters est en vente. Alcatel Optronics a mis fin à tous les contrats des intérimaires (200 personnes avant la crise) et multiplie les dispositifs RH pour faire face au ralentissement de l'activité (formations, congés, missions dans d'autres entreprises...), ainsi que les mesures de chômage partiel pour la majorité du personnel. C'est une nouvelle crise de grande ampleur à gérer pour les employeurs, les partenaires sociaux et les élus du bassin de Lannion.

Cette ville de 20 000 habitants a bénéficié de l'implantation du Centre national d'études des télécom- munication (Cnet), devenu France-Télécom R & D par la suite. Un niveau de vie plutôt élevé, une forte proportion d'ingénieurs, des créations d'emploi : l'attractivité dépassait même la région. Sandrine Dru, par exemple, était arrivée, fin 2000, de la région parisienne avec son mari, pour être recrutée par Highwave. Tous deux quittaient un CDI. Elle fait partie du second plan social d'Highwave. Et aujourd'hui, bien que des sociétés de plasturgie, de mécanique ou d'informatique s'y soient installées ces dernières années, la ville reste marquée par sa spécialisation. « Nous faisons un peu le dos rond, reconnaît Denis Mer, président de la communauté de communes. Mais le secteur redémarrera et nous devons conserver les atouts de la ville, notamment des niveaux de compétences très élevés. »

Possibilités de diversification

Ainsi, les collectivités créent-elles un centre de recherche optronique, avec l'aide de France Télécom R & D et, espèrent-elles, de l'université de Rennes. Un groupe de travail, créé par le sous-préfet, explore les possibilités de diversification. « Il ne faut pas oublier la capacité des acteurs à gérer les difficultés conjoncturelles », insiste Thierry Troesch, directeur du site Alcatel CIT de Lannion. De fait, en 1983, après l'arrêt du plan câble, puis, en 1997, après le ralentissement des productions de mobiles et avec le démarrage en flèche des activités d'optique, Lannion avait su retrouver le bon cap.

Highwave Optical : de 1 000 à 180 salariés en six mois

Highwave Optical Technologies illustre le plus dramatiquement l'effondrement des activités optiques et télécoms à Lannion.

« En avril 2001, nous réalisions notre meilleur mois en chiffre d'affaires », se souvient Sylvain Boj, cofondateur de l'entreprise, née d'un essaimage de France Télécom en 1998. La société était passée de 1,5 à 72 millions d'euros de chiffre d'affaires et de quelques personnes à un millier de salariés en trois ans. Ses dirigeants inauguraient un nouveau centre de production et s'efforçaient de recruter suffisamment pour faire face à la croissance. Le mois suivant, Marconi, leur principal client, lui-même "lâché" par British Telecom, arrêtait ses commandes.

En juillet, un premier plan social de 550 personnes était annoncé, qui s'est terminé en octobre. Fin novembre, Highwave en entamait un autre. L'entreprise ne compte plus, désormais, que 180 personnes.

Malgré les difficultés de trésorerie, plusieurs formules ont été proposées : des départs négociés ou un accompagnement qui associe congés de reconversion, cellule de reclassement sur huit mois, aides à la mobilité, crédit formation et allocation dégressive couvrant les différenciels de rémunération sur les emplois retrouvés.

La cellule de reclassement suit 287 dossiers sur Lannion (lors du second plan social, les primes du départ négocié ont été préférées par certains licenciés). A deux mois du terme de la mission, 66 personnes ont retrouvé un emploi sur Lannion ; 96 sont en formation (permis poids lourd, CQP de qualiticien, paramédical et santé, métiers de l'aide à domicile et diverses formations Afpa).

« La moyenne d'âge de 30 ans, les qualifications élevées - BEP, BAC - et la faible ancienneté dans l'entreprise ont permis de favoriser ces solutions qui font appel à la formation », note Nathalie Gimenez-Grall, qui dirige la cellule de Lannion. Difficultés : la taille modeste du bassin d'emploi et, situation typique des régions côtières, la moitié du territoire est dans l'eau. Pour beaucoup, l'alternative risque donc d'être : mobilité géographique sur la Bretagne ou redémarrage éventuel du secteur.