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La fonction publique face au défi démographique

SANS | publié le : 14.05.2002 |

D'ici à 2010, près de la moitié des 4 millions d'agents des fonctions publiques d'Etat, territoriale et hospitalière, seront à la retraite. Pour faire face, la fonction publique s'inspire de la GRH du privé : gestion prévisionnelle des emplois, diversification des recrutements et plus de mobilité.

L'urgence démographique touche les trois fonctions publiques. Dans la fonction publique d'Etat, près de 30 % des fonctionnaires des ministères civils en poste à la fin 2000, soit 460 000 titulaires, auront cessé leur activité d'ici à 2009, selon une étude de la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP). Les difficultés seront plus vives pour certains ministères, en particulier l'Education nationale qui, selon sa direction de la programmation et du développement, doit faire face au départ de plus de 40 % de ses effectifs enseignants, soit 381 400 personnes, entre 2001 et 2010. La fonction publique hospitalière est, elle aussi, particulièrement touchée, avec un manque de 20 000 postes d'infirmière en 2003 et une croissance continue des départs, de l'ordre de 28 000 en 2010. Dans la fonction publique territoriale, ce sont surtout les cadres moyens et supérieurs qui vont faire défaut. Toutes catégories confondues, 15 000 départs sont attendus en 2002 et 33 000 en 2010, avec un pic en 2007.

Rajeunir les effectifs

« Halte au catastrophisme, s'exclame Jean-Paul Roux, secrétaire général de l'Unsa Education, après avoir occupé le même poste au sein d'Unsa Fonctionnaires. Ce renouvellement forcé constitue une formidable opportunité. Il va permettre de rajeunir massivement les effectifs et ouvre la porte à des jeunes qui appréhenderont différemment le fonctionnement du service public. A condition, bien sûr, de se donner les moyens nécessaires. » Des moyens définis, au nombre de trois, par le ministère de la Fonction publique. Il compte, d'abord, sur l'élaboration d'une politique de gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences. De fait, l'Etat « ne dispose pas d'éléments fins sur les carrières personnelles de ses agents et sur leurs compétences » et « a une connaissance imparfaite des postes effectivement pourvus », a écrit le député radical de gauche, Alain Tourret, dans ses travaux menés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2001. « Il faut, notamment, en finir avec cette distorsion, née dans les années 80, entre le niveau de qualification et l'emploi occupé, estime Jean-Paul Roux. La surqualification crée un malaise profond. Il y a nécessité à requalifier les emplois et à réformer l'organisation du travail. »

Concours de "troisième voie"

Autres pistes : la diversification des modes de recrutement et le développement de la mobilité des fonctionnaires. « On ne peut plus continuer à faire valoir une conception traditionnelle du recrutement et de la carrière des agents publics, fondée exclusivement sur un recrutement à la sortie des études pour une perspective de carrière limitée à un seul ministère ou à une seule collectivité », estime Alain Belgy, adjoint à la sous-direction des statuts et des rémunérations à la DGAFP. De fait, un concours de "troisième voie" a été ouvert aux personnes ayant un cursus professionnel dans le monde associatif ou le privé. Ce dispositif concerne déjà les ministères de l'Education nationale et de l'Agriculture, ainsi que 15 des 50 cadres d'emplois territoriaux. L'accord sur la résorption de la précarité ouvre également cette possibilité aux contractuels ; 15 000 précaires pourraient ainsi être concernés par la titularisation.

Mais recruter ne sera, de toute façon, pas simple, surtout pour la fonction publique d'Etat, qui a toujours placé très haut son niveau de recrutement et doit puiser dans le même vivier de jeunes qualifiés que les entreprises privées.

Sens du service public

Or, la sécurité de l'emploi et le sens du service public, qui ont longtemps fait recette, ne font plus vraiment le poids auprès des candidats. « La sécurité est une valeur en baisse dans une société qui évolue vers un marché de plein emploi, et l'agent comprend de moins en moins le sens de son action dans cette grande machine qu'est une administration », confirme Frédéric Petitbon, directeur général adjoint du cabinet IDRH, qui réalise le tiers de son chiffre d'affaires dans le conseil en management auprès de la fonction publique. Autre défi, enfin, qui attend l'administration : fidéliser ses cadres. « Nous réfléchissons à leur offrir d'autres perspectives en deuxième partie de carrière, explique Alain Belgy, qui conclut : mais là aussi, la question sera difficile à résoudre. »

REPERES

4 millions d'agents, soit 1,8 million dans la fonction publique d'Etat, 1,4 million dans la fonction publique territoriale, 800 000 dans la fonction publique hospitalière. A ce chiffre s'ajoutent les salariés de statut public : 200 000 personnes dans les établissements publics nationaux hors entreprises publiques, 350 000 à la Défense et 450 000 à la Poste et chez France Télécom.

L'essentiel

1 D'ici à 2010, les trois fonctions publiques devront faire face au départ de 45 % de leurs agents. L'Education nationale est la plus touchée, avec 37 000 enseignants qui partiront à la retraite tous les ans.

2 Pour faire face, le ministère de la Fonction publique table sur trois outils : élaboration de plans de gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences, diversification des modes de recrutement et développement de la mobilité des fonctionnaires.

3 La fonction publique doit tenir compte de la concurrence des employeurs privés, confrontés à la même nécessité de renouvellement de leurs compétences et aux contraintes démographiques.

La gestion prévisionnelle fait son entrée dans la fonction publique

A l'arrivée de Michel Sapin, en mars 2000, à la tête du ministère de la Fonction publique, tous les ministères ont été priés de bâtir un plan de Gestion prévisionnelle des effectifs, de l'emploi et des compétences (Gpeec). A ce jour, seul le ministère de la Recherche, qui, sur les dix ans à venir, verra partir à la retraite un tiers de ses 44 772 chercheurs, ingénieurs, techniciens et administratifs, a fourni son plan décennal.

Bernard Dormy, directeur de projet sur l'emploi scientifique au ministère, explique pourquoi : « Les décisions politiques nécessaires à l'élaboration du plan ont été rapidement prises en conseil interministériel et nous ont fourni des lignes directrices, à savoir, renforcer les champs disciplinaires suivants : les sciences de la vie, les technologies de l'information et de la communication et l'environnement. »

Le plan du ministère de la Recherche prévoit, ainsi, la création de 1 000 emplois supplémentaires, dont 20 % en favorisant les redéploiements interdisciplinaires. Elaboré en concertation avec la Direction de la programmation et du développement de l'enseignement supérieur, il préconise également une politique de mobilité des personnels de recherche entre les universités et les organismes de recherche. « Parallèlement, nous en avons profité pour réviser nos descriptifs d'emplois et nous doter d'une grille de lecture commune avec l'enseignement supérieur », précise Bernard Dormy.

Le Gpeec des autres ministères est attendu pour la fin de l'année. Pour Gérard Noguès, secrétaire général adjoint de FO Fonctionnaires, le manque de visibilité est à l'origine de ces retards : « Pour notre part, nous estimons que les remplacements doivent se faire à la hauteur d'un recrutement pour un départ, mais des voix s'élèvent pour préconiser une réduction des effectifs et une réorganisation des missions des différentes administrations. Bref, comment mettre sur pied une gestion prévisionnelle des emplois quand on ne sait pas sur quelles bases engager sa réflexion ? »