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Réussir le mariage des jeunes et de l'entreprise

SANS | publié le : 09.04.2002 |

Vouloir un mariage réussi entre les jeunes et l'entreprise suppose de corriger plusieurs malentendus. Cela passe à la fois par une réforme du système éducatif et par la mise en place de "processus apprenants" dans l'entreprise.

E & C : Vous avez intitulé votre dernier ouvrage Les jeunes et l'entreprise : des noces ambiguës. Pourquoi ?

Hervé Sérieyx : La rencontre des jeunes d'aujourd'hui ou de demain avec l'entreprise n'est pas, ou ne peut pas, dans l'état actuel des mentalités, se réaliser correctement. Tout simplement parce que chacune des deux parties attend quelque chose de l'autre, qu'elle ne peut donner. Dommage, car nous sommes en présence d'une nouvelle génération bigrement passionnante.

E & C : Quels sont les points sur lesquels il y a un malentendu ?

H. S. : Il faut déjà comprendre que les jeunes ne sont plus prêts à perdre leur vie pour pouvoir la gagner. La vie professionnelle et la carrière sont des notions qui n'ont plus autant de poids dans l'esprit de cette population qu'elles peuvent en avoir dans celui des dirigeants d'aujourd'hui. Il ne faut donc pas attendre de ces jeunes qu'ils sacralisent le travail comme on a pu le faire avant eux. Et moins encore qu'ils le considèrent comme une vertu.

Bref, les jeunes qui arrivent, ou qui vont arriver, dans nos entreprises ne sont pas nous en moins vieux ! Preuve qu'ils sont différents : ils ne légitiment plus l'autorité des galons. Ne nous méprenons pas, nous ne sommes pas dans le refus systématique de la hiérarchie comme on a pu le vivre en 1968.

L'autorité est reconnue et légitimée, dès lors qu'elle est fondée sur un transfert de compétences. Les petits chefs n'ont donc aucune chance de se faire entendre d'eux.

Autre terrain de confusion à revoir : le rapport au temps de ce jeune public. Il ne considère pas le futur comme important. Ils vivent au présent. Toutes les promesses d'évolution en termes de carrière ou d'intérêt dans leur fonction, aussi sincères soient-elles, n'ont guère de prise sur eux. Ils veulent des défis, tout de suite. Alors ils travailleront nuit et jour s'il le faut. On l'a vu avec le phénomène start-up. On a donc tort de les penser paresseux. Ils demandent simplement un peu plus de concret et veulent trouver leur compte de plaisir. Autrement, ils divorcent, chose devenue courante, car plus facile.

Ils savent, à l'aube du papy boom, qu'ils sont statistiquement une denrée de choix. Et puis, il y a toujours la famille, devenue ces dernières années un véritable filet de sécurité.

E & C : Comment pourrait-on rendre ces noces plus fécondes ?

H. S. : C'est, tout d'abord, réformer le système éducatif pour faciliter le passage de l'école à la vie active.

Aujourd'hui, ce système favorise l'acquisition passive de connaissances en exaltant le rôle de la mémoire. Il encourage le travail solitaire et survalorise l'abstraction par rapport au concret. Au contraire, nous devons tendre vers une école qui entraîne les élèves à la coopération, une école qui accueille largement les autres acteurs de la société. C'est la seule manière pour que chacun prenne conscience, à la fois, de la diversité de ses contributions, de leur égale noblesse et de leur égale nécessité. D'autant que l'aptitude à vivre en réseau sera essentielle dans le monde du travail de demain. La sphère pédagogique doit également intégrer la notion d'employabilité. Autrement dit : aider à développer une capacité permanente de vigie, de curiosité, d'anticipation pour repérer, ensuite, dans son métier, les évolutions en cours, les opportunités à saisir dans sa profession et les chances de progrès à favoriser.

E & C : Et du côté des entreprises ?

H. S. : L'environnement des entreprises devient à ce point évolutif, imprédictible, concurrentiel et dangereux que celles-ci doivent concevoir des façons de produire qui seront des processus "apprenants", c'est-à-dire qu'ils amélioreront sans cesse la capacité de ceux qui les mettent en oeuvre à affronter des situations neuves, complexes et imprévues. Les seuls apports ponctuels de la formation ne sont plus à la hauteur des enjeux de l'entreprise en mouvement. Les profils et les attitudes des jeunes vis-à-vis du monde du travail étant ce qu'ils sont, on mesure combien ce concept de l'organisation "apprenante" pourrait être plus sollicité qu'il ne l'est aujourd'hui. Les managers doivent également veiller à reconnaître la spécificité des jeunes et ce qu'ils nous apportent. En contrepartie de ce regard positif, on peut penser qu'il n'y aura plus de choc générationnel mais, chez nombre de jeunes, un grand désir de contribution active.

SES LECTURES

Les 7 savoirs nécessaires de l'éducation du futur, Edgar Morin, Seuil, 2000.

Le choc des générations, Bernard Préel, La Découverte, 2000.

Rapport sur l'état de l'Union européenne, Jean-Paul Fitoussi, Fayard, 2002.

La France du nouveau siècle, Thierry de Montbrial, Puf, 2002.

PARCOURS

Après avoir été secrétaire général d'un département de Thomson-Houston, au début des années 60, puis consultant en management, Hervé Sérieyx devient directeur général adjoint du groupe Lesieur de 1981 à 1986, puis Pdg du groupe Eurequip.

Il devient, ensuite, professeur associé à Paris-8 et maître de conférences à l'ENA. Simultanément, il est membre de la section travail du Conseil économique et social et délégué interministériel à l'Insertion des jeunes.

Il intervient, aujourd'hui, à l'Ecole des mines et au Collège des ingénieurs. Avec Les jeunes et l'entreprise : des noces ambiguës , Hervé Sérieyx signe son 19e ouvrage.