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Le management par les valeurs au coeur de l'évaluation

SANS | publié le : 02.04.2002 |

Le management par objectifs ou par les entretiens de progrès ont de beaux jours devant eux. Mais une nouvelle tendance apparaît : le management par les valeurs, intégré au dispositif d'évaluation.

E & C : Pourquoi est-il nécessaire d'évaluer les salariés ?

Philippe Capblancq : Un jour, un manager m'a dit : « Manager, c'est réduire l'écart entre la situation souhaitée et la situation constatée. » Tout est contenu dans cette phrase. Dès lors que l'on considère la ressource humaine comme un facteur de gestion de cet écart, la place de l'évaluation de la performance des hommes est toute définie. Evaluer devient un moyen d'identifier l'existence des leviers qui permettront à un individu ou à un collectif d'individus de mobiliser des comportements et des compétences qui limiteront les risques de dérives entre la situation attendue et la situation constatée.

E & C : Quelles sont les grandes tendances observables en matière d'outils d'évaluation ?

P. C. : A mon sens, les outils d'évaluation eux-mêmes évoluent peu. S'il y a évolution, c'est dans leur contenu et leur mode d'application. La grande tendance que l'on observe, c'est que ces outils sont fortement influencés par l'environnement dans lequel ils s'intègrent. Exemple : l'entretien annuel. Dans les entreprises, on ne raisonne plus annuellement, y compris sur les budgets. On détermine des budgets roulants, des objectifs à court et moyen termes. Donc, cela n'a plus de sens de se voir une fois par an pour faire le point. On observe de plus en plus la mise en place de systèmes de coaching réguliers assortie de fixation d'objectifs et d'entretiens de progrès semestriels. Cela offre à l'entreprise la possibilité de réagir beaucoup plus rapidement s'il y a dérive, pour opérer les réajustements nécessaires.

Les organisations fonctionnent de plus en plus, aujourd'hui, de façon matricielle et, fréquemment, en réseaux. Les cadres sont plus souvent dans les avions qu'à leur bureau. Or, plus l'autonomie des cadres est grande, plus l'entreprise a besoin de recourir aux outils les plus rationnels possibles.

Nous assistons donc à une pression plus forte au niveau des objectifs individuels des gens, qui serviront de base à leur évaluation. On n'attend plus d'un cadre qu'il remplisse son contrat mais qu'il aille au-delà. Certains systèmes poussent cette logique jusqu'au bout en déclenchant le bonus au-delà de l'atteinte des objectifs définis dans le budget. L'effet pervers de ces systèmes, c'est évidemment de sous-estimer ses objectifs au départ afin d'être sûr d'atteindre les résultats promis. Le risque peut être grand quand ce phénomène se fait à l'échelle d'une fonction entière ou de l'entreprise. Conscientes de ces limites, les entreprises tentent maintenant d'introduire des dimensions plus subjectives dans ces systèmes, mais non moins chargées de sens : l'évaluation à partir du management par les valeurs.

E & C : En quoi consiste le management par les valeurs ?

P. C. : Si les entreprises ont besoin de favoriser les comportements d'entrepreneurs - l'orientation vers les résultats -, elles n'ont pas intérêt à produire des mercenaires. Certaines d'entre elles s'arrêtent au stade d'une simple communication des valeurs de l'entreprise, d'autres l'intègrent clairement au centre de leur dispositif d'évaluation. C'est la "bouée" à laquelle s'arriment aujourd'hui la plupart des DRH, qui voient ainsi le moyen de "civiliser" les mutations de leurs organisations, dans un contexte d'émancipation des business units.

Les valeurs, on les connaît toutes et elles sont peu différentes d'une entreprise à l'autre : le travail d'équipe, l'orientation client, l'éthique, etc. L'important, ce n'est pas tant la nature de ces valeurs que le fait de les décliner en plans d'actions. Pour ce faire, ces valeurs doivent être portées par le management et intégrées au centre des décisions politiques et stratégiques de l'entreprise. C'est ensuite que le chaînage peut se faire et que l'individu prend conscience de son rôle dans l'ensemble.

E & C : Peu d'outils d'évaluation échappent à la critique. Pourquoi ?

P. C. : Un système d'évaluation des performances ne peut vivre que s'il s'inscrit à part entière dans le fonctionnement réel de l'entreprise. Il ne suffit pas de le superposer sur une organisation sans s'interroger sur l'ensemble des pratiques de management, pratiques qui, à leur tour, influencent les outils d'évaluation eux-mêmes. Un système 360°, par exemple, parachuté dans une organisation mal préparée, condamne à la fois l'outil et les efforts futurs à faire évaluer les comportements. Tout individu a besoin d'un effet miroir pour progresser. Il est donc nécessaire de trouver un juste équilibre entre fixer des objectifs quantifiables que l'on peut "peser et calibrer" et animer le désir des gens, d'autre part. Car la nature de l'homme se prête assez mal à une approche digne du dualisme (c'est bon ou c'est mauvais). Cela devrait davantage nous rassurer que nous inquiéter.

SES LECTURES

L'Alchimiste, Paulo Coelho, le Livre de Poche, 2001.

L'Equipe, quotidien sportif.

PARCOURS

Après avoir exercé des responsabilités de DRH de sites industriels et de divisions au sein de groupes internationaux dans la chimie et la métallurgie, Philippe Capblancq a occupé, dernièrement, la fonction de DRH Europe-Asie d'une importante business unit au sein du groupe Thomson Multimédia. Il a dirigé des programmes de restructuration d'usines, de redéploiement industriel, et piloté des programmes de management du changement.

Il est, depuis janvier dernier, directeur d'études à Entreprise & Personnel, où il intervient, notamment, sur les problématiques d'internationalisation de groupes et de systèmes d'évaluation de performances.