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Renault fait évoluer ses opérateurs

SANS | publié le : 26.03.2002 |

Depuis le 1er janvier dernier, les opérateurs des sites français de Renault SA ont vu leur mode de management bouleversé. La validation de "blocs" de compétences leur permet, désormais, d'évoluer professionnellement tout en restant à leur poste de travail.

L'accord du 29 juin 2001 relatif à la professionnalisation par la compétence des Agents de production de Renault (APR) est l'aboutissement d'une réflexion ancienne. Première étape de la professionnalisation des opérateurs, la création des Unités élémentaires de travail (UET), en 1992, avait pour but de développer leur autonomie. Une deuxième phase a consisté à restructurer, dès 1996, la gestion de l'UET car, auparavant, tant que l'opérateur restait à son poste, sa qualification ne pouvait évoluer. « Avec la mise en place des UET, confirme Michel Guillamaud, directeur du développement RH fabrication, les opérateurs étaient davantage sollicités pour s'impliquer dans des démarches de progrès. Il était donc logique, parallèlement à l'augmentation de leur participation, de leur donner des opportunités d'évolution de carrière. » Cette "nouveauté" a fait suite à l'instauration, au niveau des usines, du système de production Renault, qui a consacré des nouvelles méthodes de travail, plus transversales et cohérentes entre les différents sites. Et par là même, un changement du rôle intrinsèque des opérateurs, devenus, du coup, plus professionnels dans leurs modes de fonctionnement.

Une nouvelle génération d'opérateurs

De plus, depuis 1994-1995, une vague d'embauches a fait la part belle à une nouvelle génération d'opérateurs, plus exigeante. L'entreprise se devait de prendre en compte ces évolutions dans son système de qualification des emplois, si toutefois elle envisageait de maintenir à son niveau le turn-over (2,5 %) dans ces filières de métiers. Ainsi, tous les postes appartenant à la "filière 100", à savoir 17 170 ouvriers, seront concernés, à terme, par l'accord. En résumé, il prévoit de gérer, à l'aide d'un référentiel prédéfini, les opérateurs en fonction de leur maîtrise de la technique et de leurs compétences. Il repose sur la formation et sur la validation par bloc des compétences par la hiérarchie. « Au fur et à mesure, l'opérateur peut gravir les échelons, lorsqu'il développe ses compétences de façon continue », explique la direction. Concrètement, un bloc contient des exigences liées au poste de travail, en termes qualitatifs et quantitatifs, et plus on progresse dans les blocs, plus les compétences deviennent sophistiquées. Sept ou huit compétences élémentaires composent un bloc. Elles peuvent être acquises par huit formations différentes ou par une seule, si le programme le justifie. Par exemple, dans les premiers postes de compétences, on trouve des formations consacrées au développement de la dextérité, à la qualité, à l'hygiène et à la maintenance.

La progression du personnel se fait sur proposition de la hiérarchie, après validation des formations nécessaires et des compétences réellement exercées. Pour ce faire, les responsables hiérarchiques directs ont eux-mêmes suivi des formations, afin de s'approprier la démarche.

Augmentation salariale

Chaque nouvelle qualification est assortie d'une augmentation salariale. Ce qui explique, peut-être, les limites du système : chaque salarié ne peut valider qu'un seul bloc par an. « Quoi qu'il en soit, assure Michel Guillamaud, pour les salariés qui ne valident pas de blocs, le système d'augmentation individuelle, en vigueur depuis 1989, reste applicable. Il prévoit une révision du salaire équivalent en moyenne à 10,67 euros par mois. » Contre 19,06 euros et jusqu'à 30,49 euros pour la validation d'un bloc de compétences. Les deux syndicats non signataires, la CFDT et la CGT, entrevoient d'autres failles, devenues à leurs yeux des points bloquants. En effet, depuis la signature, en 1975, de l'accord national de la métallurgie, les "bacs pros" doivent être embauchés à un coefficient 215. « Or, chez Renault, ils entrent avec un coefficient de 185 », assure Emmanuel Couvreur, délégué central adjoint CFDT. Par conséquent, la CFDT n'a pas signé, car elle craint que l'accord ne "déteigne" sur celui en cours de préparation concernant les Etam. Elle redoute, en effet, que les titulaires d'un BTS n'arrivent à un niveau inférieur à celui prévu par l'accord national.

Seuils d'accueil

Autre motif d'inquiétude : l'ouverture imminente de discussions au niveau de la branche sur les qualifications. « Nous ne voulons pas que l'UIMM se saisisse de l'occasion, en citant en exemple l'accord de Renault, pour consacrer la dévalorisation des seuils d'accueil », déclare-t-il. Cependant, la CFDT ne ferme pas la porte, elle n'exclut pas de « rentrer dans le rang » si, et seulement si deux points d'achoppement sont levés. « D'une part, si les seuils d'accueil sont conformes à ce que prévoit l'accord national, et si, d'autre part, des dispositifs de validation des acquis professionnels y sont intégrés, afin de ne pas pénaliser les plus anciens, qui représentent tout de même les deux tiers de cette population APR. »

Autre front : la CGT déplore que « les seuils d'accès ne soient plus liés aux diplômes, mais à la classification ». « Bref, résume Fabien Gâche, délégué central adjoint CGT, la direction consacre la philosophie de la compétence au détriment de l'expérience et des qualifications. »

De 18 à 2 filières de métiers

L'organisation accorde néanmoins certaines vertus au nouveau système. « L'aspect positif de l'accord est lié à la simplification, en termes de classifications. De dix-huit filières de métiers, on est passé à deux (voir encadré p. 27). » La première concerne l'exploitant industriel, les APR y ont des coefficients situés entre 165 et 215 points. La seconde, filière de conducteur d'installations, qui débute à 185 points, finit à 260 points. « Autre sujet appréciable, se réjouit le délégué syndical, désormais, le personnel de production peut aller au-delà de 215 points, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. »

En revanche, poursuit-il, « des bacs pros peuvent se retrouver dans les deux filières, puisqu'ils bénéficient d'un coefficient 185. Ce qui signifie qu'à l'entrée, des jeunes, avec les mêmes diplô- mes et la même ancienneté, ne bénéficient pas automatiquement des mêmes chan- ces d'évolution ». Plus dommageables, selon la CGT, les modes de passage à une position supérieure, « qui ne sont pas conditionnés à la qualification ou à l'expérience acquise, mais à l'exercice de compétences dans l'emploi et autour de l'emploi (comportementales), c'est-à-dire qui répondent à des critères subjectifs ».

Atteinte d'objectifs

Même si l'accord n'en fait pas état formellement, l'organisation syndicale redoute, par ailleurs, que cette subjectivité se nourrisse de paramètres bel et bien tangibles : des critères d'atteinte d'objectifs. « Dans les faits, assure Fabien Gâche, si l'on fixe à 30 % le gain de productivité sur un poste, le salarié devra s'y soumettre sous peine de voir son supérieur hiérarchique ne pas lui valider ses compétences. »

Enfin, la CGT reste sceptique face à l'étroitesse de l'enveloppe consentie pour la mise en place du système, qui « n'incitera pas, d'après elle, les supérieurs hiérarchiques à valider les compétences ».

Explications : au cours des négociations salariales, ce nouveau dispositif a été évalué à 0,2 % de la masse salariale et accompagne les formations traditionnelles qui, elles, représentent déjà quarante heures par personne et par an. Cette nouvelle mesure n'engendre pas de coûts supplémentaires en termes de formation, car elle s'inscrit dans le cadre de l'augmentation annuelle des budgets formation. D'où le scepticisme de l'organisation syndicale. En tout état de cause, la DRH s'est fixé comme objectif, dans le cadre de son plan d'évolution 2002, une progression pour 50 % des opérateurs, par le biais de la validation des blocs de compétences.

L'essentiel

1 Désormais, les agents de production de Renault (APR) peuvent valider un bloc de compétences par an, avec une augmentation salariale à la clé.

2 Les 18 filières de métiers ont été réduites à 2 : une filière exploitant industriel et une filière conducteur d'installations.

3 L'accord de professionnalisation par les compétences, applicable depuis le 1er janvier dernier, n'a pas été signé par la CFDT, ni par la CGT.

Quelques termes de l'accord

« On entend par compétences professionnelles un ensemble de capacités résultant d'une combinaison de connaissances générales, de connaissances techniques, de savoir-faire et de pratiques maîtrisées s'exerçant dans un contexte précis. »

« On entend par bloc de compétences un ensemble de compétences exercées nécessaires à l'Unité élémentaire de travail (UET), dont la reconnaissance permet l'évolution professionnelle. »

« On entend par classification la grille hiérarchique des emplois, par coefficients, par familles, par filières et par métiers. »

« On entend par qualification la mesure des emplois réalisée à l'aide de l'outil d'évaluation s'appuyant sur les référentiels métiers correspondants. »

Les nouvelles classifications

La filière exploitant industriel

Agent de fabrication (4 niveaux) : coefficients 165, 170, 175, 180 ;

Exploitant industriel (4 niveaux) : 185, 185 CS (confirmé spécialisé), 195, 215.

La filière conducteur d'installations

Conducteur d'installations (3 niveaux) : 185 CS, 195, 215 ;

Technicien professionnel de fabrication (3 niveaux) : 225, 240, 260.