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a quoi marchent les cadres dirigeants ?

SANS | publié le : 26.03.2002 |

Certes il y a les gros salaires, les bonus, les stock-options. Mais pour fidéliser leurs cadres dirigeants, certaines entreprises inventent aussi un management de haut de gamme : actions de coaching, club interne, formations de prestige...

Pour définir le haut du panier de la population des managers, les Anglo-Saxons parlent d'or. Pour les plus recherchés d'entre eux, ces cadres dirigeants sont parfois appelés golden collars - cols dorés - par analogie aux ouvriers, les blue collars et aux cadres et employés, les white collars. Ce gratin du management négocie aussi des "golden parachutes" qui leur permettront de se retourner confortablement en cas de rupture du contrat de travail. Autre élément distinctif : des structures de rémunération très particulières, qui font largement appel aux périphériques - véhicule, retraites surcomplémentaires - et aux attributions de stock-options. Mais, au-delà de cette gestion d'exception, de plus en plus d'entreprises s'efforcent de baliser un parcours pour leurs cadres dirigeants et de les fidéliser.

Une étude du cabinet Progress, réalisée l'an passée, auprès de 410 cadres dirigeants, avait montré que le degré de motivation fluctuait en fonction de la culture de l'entreprise et de sa taille (Entreprise & Carrières, n° 608). Même s'ils sont très différents, les patrons et les cadres dirigeants ont pour motivation principale le projet de leur entreprise : la perspective de développement et le challenge à relever sont des éléments déterminants.

Mode affectif

« A l'inverse des top managers anglo-saxons, dont la philosophie est très contractuelle, du type « si j'atteins telle marge, je gagne tant », le cadre dirigeant français, s'il est intéressé au résultat de l'entreprise, fonctionne davantage sur un mode affectif, analyse Pierre Vial, secrétaire général adjoint de la CFDT/Cadres. Il s'est pris d'affection pour son entreprise, devenue sa maîtresse. »

Un autre moteur, à ne pas négliger, est le caractère ludique de la fonction : « Diriger s'apparente à une partie d'échecs, témoigne l'un d'entre eux. Quand l'entreprise n'est pas très grande, nous déplaçons nos ressources comme peuvent l'être des pions, toujours dans le souci de l'intérêt général, celui de l'entreprise. Lorsque la société est plus grande, le jeu consiste, cette fois, à acheter, à revendre..., à comparer ses prouesses avec celles des concurrents. Oui, cette dimension ludique n'est pas à mésestimer. »

D'une manière générale, le cadre dirigeant se déclare "engagé" dans sa fonction (voir encadré p. 23). Mais, comment les fidéliser ? L'entreprise dispose de nombreux instruments : financiers certes, mais aussi organisés autour de la reconnaissance et des signes d'appartenance à un groupe : formations haut de gamme, clubs fermés à l'intérieur de l'entreprise et actions de coaching. Ces dernières constituent un signe distinctif, propre à cette catégorie de cadres, s'inscrivant tout à fait dans la logique d'individualisation managériale de plus en plus en vogue. Elles leur permettent de confronter leurs points de vue et leurs modes de fonctionnement au regard d'une personne extérieure.

Complexité des cas particuliers

Mais ces outils fonctionnent d'autant mieux que la rémunération a été soigneusement étudiée. Elle ne constitue pas la motivation première, affirment les cadres dirigeants. Pourtant, il existe à l'évidence des prix de marché. Et la rémunération s'avère bien un casse-tête pour l'entreprise qui se demande comment construire un système pérenne. Elle se heurte, là encore, à la complexité due au nombre de cas particuliers et aux interventions successives du législateur. Les dirigeants de société constituent un groupe socio-économique homogène, mais leurs revenus professionnels prennent des formes diverses. Ainsi, dans une PME, le revenu du dirigeant rémunère non seulement son travail, mais aussi le capital qu'il a investi dans l'entreprise. Cette rémunération du capital, sous forme de dividendes ou de plus-values, n'est disjointe de celle du travail que pour les dirigeants des sociétés de capitaux (1).

Par ailleurs, la loi Fabius sur l'épargne salariale, du 19 février 2001 et, surtout, la loi relative aux Nouvelles régulations économiques (NRE), du 15 mai 2001, qui oblige l'entreprise à appliquer de nouvelles règles et à communiquer annuellement sur ces thèmes (voir encadré p. 23), ont apporté leur lot d'évolutions. « La loi NRE, qui lève le voile sur les pratiques salariales des dirigeants, est une bonne chose, déclare Pierre Vial, mais cette transparence doit être hiérarchisée : aucun secret pour le fisc, certes, mais le patrimoine d'un chef d'entreprise ne doit pas être connu des salariés, pour ne pas créer de crispations. » Par ailleurs, la fiscalité peut dissuader l'avènement de certaines prati- ques. « La fiscalisation, très pro- gressive en France jusqu'au taux marginal de 54 % (2) pousse certains cadres à refuser des promotions, car l'avantage net comparé à l'accroissement des responsabilités (investissement temps) n'est pas suffisant. »

A côté des retraites surcomplémentaires (voir encadré p. 23), destinées à fidéliser certains salariés, les entreprises utilisent des "filets de sécurité", en proposant aux cadres dirigeants des contrats d'assurance chômage ou en- core des golden parachutes. Ces "parachutes dorés" sont des indemnités, souvent extrêmement avantageuses, payables aux dirigeants d'une société, lors d'un changement de contrôle ou d'un départ. Elles ont atteint, aux Etats-Unis, des niveaux aussi élevés que dix fois le salaire annuel du dirigeant. En France, la valeur de ces indemnités (équivalente à un ou deux ans de salaires), a conduit certaines entreprises à les supprimer.

Tous ces périphériques de rémunération ne sont, aux yeux de Jean-François Darmagnac, président du cabinet Humblot, que des subtilités destinées à contrecarrer les faibles possibilités du salariat, en France. « Une fois que l'on a attribué un véhicule et des stock-options, il n'existe guère plus d'avantages pour les cadres dirigeants. La création de golden parachutes pour les cadres dirigeants exposés permet d'assurer un revenu en cas de rupture de contrat de travail, mais aussi constitue, quelque part, une sorte de sursalaire versé a posteriori. »

Parallèlement, les pratiques de rémunération évoluent en même temps que l'organisation elle-même. « La logique de gouvernance d'entreprise émerge, constate Thierry Pasturel, account manager chez Cedar, cabinet-conseil en management. Des systèmes de régulation sont mis au point par des comités de rémunération, qui garantissent aux actionnaires que la rémunération des cadres dirigeants, bâtie en fonction d'indicateurs de performance, est conforme à leurs attentes. Le montant doit être, non seulement, en adéquation avec les niveaux pratiqués sur le marché, mais il doit aussi répondre au souhait de l'entreprise. »

Marque d'appartenance

A cet égard, les stock-options, à l'inverse du bonus qui, lui, peut être distribué à d'autres catégories de cadres, sont véritablement devenues une marque d'appartenance à un cercle restreint. D'autant plus sûrement que les culbutes financières autrefois permises par ces options ne sont plus de saison, même si la mutiplication de plans annuels permet de lisser d'une année sur l'autre les effets de mauvais résultats de l'entreprise sur la rémunération de ses cadres dirigeants.

De fait, on retrouve avec les stock-options une logique de reconnaissance au moins autant qu'un complément de rémunération.

(1) Voir Insee, Economie et Statistiques, n° 348.

(2) Le taux marginal d'imposition sur le revenu est un motif de délocalisation pour les très hauts revenus. Pour les autres, le niveau d'imposition est atténué par un abattement de 10 % et de 20 % dont bénéficient les salariés et diverses déductions, au premier rang desquelles le système du quotient familial, qui n'existe qu'assez rarement à l'étranger.

L'essentiel

1 Afin de fidéliser les cadres dirigeants, l'entreprise dispose de nombreux instruments : retrai- tes surcomplémentaires, coaching, "golden parachutes", stock-options, bonus.

2 Les cadres dirigeants se déclarent motivés par le projet de leur entreprise, les défis à relever, leur degré d'autonomie et l'adéquation entre leurs valeurs et celles de leur entreprise. La rémunération n'est pas leur priorité.

3 La loi n°2001- 420 du 15 mai 2001, relative aux nouvelles régulations économiques, re- quiert davantage de transparence en matière de pratiques salariales visant les cadres dirigeants.

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