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Le recours abusif aux intérimaires sanctionné

SANS | publié le : 19.03.2002 |

Les syndicats et les salariés dénoncent le recours abusif au travail temporaire. Les actions en justice se multiplient, concernant notamment les employeurs du secteur automobile.

Les constructeurs automobiles vont désormais, peut- être, regarder à deux fois avant de renouveler les contrats de leurs intérimaires. Et pour cause. Ils sont, aujourd'hui, traînés devant les tribunaux correctionnels et prud'homaux pour en avoir usé au-delà de ce qu'autorise la loi.

La dernière affaire en date concerne la Sovab, une filiale de Renault, et plus précisément son Pdg. Faisant l'objet d'une citation par le ministère public, après une enquête de l'inspection du travail, il devait répondre d'emploi abusif d'intérimaires entre 1997 et 2000, période durant laquelle ceux-ci représentaient un tiers de l'effectif total, soit plus de 900 personnes en 1999.

L'argument selon lequel ces emplois étaient motivés par l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise n'a pas, semble-t-il, convaincu les juges du tribunal correctionnel de Briey (54). La Sovab s'est donc vue condamnée, le 12 mars dernier, à une amende de 15 000 euros, et son Pdg à verser la somme de 1 000 euros. Dans la foulée, la CGT-Sovab et le syndicat national CGT des entreprises de travail temporaire ont obtenu 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Avant Renault, PSA

Deux mois plus tôt, c'était PSA qui se trouvait sur le banc des accusés, condamné à verser des dommages et intérêts à huit intérimaires du site d'Aulnay-sous-Bois (93), qui avaient été déclarés en fin de mission après plus de dix-huit mois d'activité. De source syndicale, ce site de Peugeot faisait travailler, sur 3 300 ouvriers à la production, 1 300 intérimaires. De plus, six autres travailleurs temporaires sont montés au créneau pour réclamer, devant les Prud'hommes, la requalification de leur contrat de travail en contrat à durée indéterminée, estimant avoir été employés par l'entreprise de façon durable. Verdict le 29 mai prochain.

Enfin, en décembre dernier, quatre intérimaires, moins chanceux, ont été déboutés par le tribunal des prud'hommes d'Elbeuf (76). Embauchés à l'assemblage d'un nouveau moteur à l'usine Renault de Cléon, ils dénonçaient le motif de leur recrutement - "surcroît temporaire d'activité" - et réclamaient leur intégration dans l'entreprise.

En trois mois, trois plaintes ont été déposées pour des motifs similaires (sans compter celles en cours pour ITT Industries, Citroën Rennes). Pour François Roux, délégué général du Sett (Syndicat des entreprises de travail temporaire), tout cela reste, malgré tout, un épiphénomène : « Si certains intérimaires ont vu leur mission se transformer en contrat pérenne, d'autres se sont retrouvés sans travail ces derniers mois, et se sont lancés dans des procédures judiciaires. C'est plus la conséquence d'une conjoncture défavorable de l'emploi qu'un procès d'intention à l'intérim. »

L'exception devient la règle

Pour autant, on ne saurait ignorer l'interprétation que font certaines entreprises des contrats temporaires, considérés comme une pratique utile dans des contextes où la flexibilité est la règle, alors qu'ils doivent être des contrats d'exception. « C'est cette précarité inhérente au travail temporaire que refusent, aujourd'hui, les intérimaires, précise Samuel Gaultier, secrétaire général du Syndicat national des salariés des entreprises de travail temporaire CGT. L'intérim ne coûte pas assez cher aux entreprises utilisatrices. C'est la porte ouverte aux dérives : près de 80 % des missions peuvent aujourd'hui tomber sous le coup de recours abusif. » Quelle est la place des agences d'intérim ? « Elles ont un devoir de conseil, non d'alerte », précise François Roux.

REPERES

639 000 personnes occupent un emploi intérimaire.

- 47,7 %

des intérimaires sont dans l'industrie, dont 9,5 % pour le seul secteur automobile.

- - 8,3 % , c'est la baisse enregistrée par le secteur du travail temporaire entre 2000 et 2001.

Source : Unedic.

Que dit la loi ?

Le contrat de travail temporaire, quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet, ni pour effet, de pourvoir durablement à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Il est conclu sur une durée maximale de dix-huit mois, renouvellement inclus, et est motivé en cas de remplacement d'un salarié absent ou dont le contrat est suspendu, lors d'un accroissement temporaire d'activité, de recours pour l'exécution d'une tâche occasionnelle, précisément définie et non durable, pour des emplois à caractère saisonnier, ou pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir à des CDI.

Le non-respect de ces règles est passible de sanctions pénales : l'amende d'usage est de 3 800 euros à 7 620 euros en cas de récidive et/ou six mois d'emprisonnement avec, en plus, affichage et publication du jugement.