logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

SANS

La codétermination allemande en débat

SANS | publié le : 12.03.2002 |

Les salariés allemands sont actuellement appelés à élire leurs comités d'établissement. Même à l'heure où la barre des 4 millions de chômeurs est franchie, le modèle allemand de participation des salariés à la vie de l'entreprise reste consensuel.

L'heure de vérité va sonner. Pendant des mois, le patronat, le gouvernement et les syndicats allemands s'étaient disputés sur l'opportunité d'élargir la codétermination. Système unique au monde, elle permet d'associer les salariés d'une entreprise à la prise de nombreuses décisions par le biais de comités d'établissement (Betriebsräte) et par celui de la cogestion (Mitbestimmung), qui autorise la présence de salariés au conseil de surveillance d'entreprise. Le gouvernement Schröder avait adopté, le 22 juin 2001, une nouvelle loi élargissant d'une manière considérable les droits des comités d'établissement. Et du 1er mars au 21 mai, tous les salariés allemands sont appelés à élire leurs délégués du personnel, sous ce nouveau régime.

1res élections depuis la réforme

Les résultats révèleront si les craintes du patronat ou les espoirs du gouvernement étaient bien justifiés. Par ce texte, qui réforme une loi de 1972 sur la représentation des salariés, le gouvernement souhaite augmenter de 22 % le nombre de comités d'entreprise et freiner leur érosion. Car, depuis les années 1980, leur nombre n'a cessé de reculer, au gré des restructurations et du déclin de l'industrie au profit des sociétés de services. En 1984, 50 % des salariés allemands étaient représentés par des délégués du personnel contre 40 % seulement aujourd'hui. Dans les petites entreprises de moins de 20 personnes, la présence de comités relève de l'exotisme.

La majorité des patrons allemands ne remettent pas en cause le modèle de la codétermination, mais ils s'opposent farouchement à son extension, dénonçant « un surcroît de bureaucratie, une augmentation des coûts et un frein à la compétitivité, une loi qui ralentira les prises de décision ». Selon l'institut de recherche économique IW, proche du patronat, la réforme risque de coûter 1,35 milliard d'euros. « Nous avons déjà 250 000 comités d'entreprise en Allemagne et cela coûte 542,62 euros par salarié et par an. Nous craignons que la loi n'en fasse naître 100 000 de plus », met en garde Axel Rhein, chercheur à l'IW. Les experts allemands, dont ceux du BDA, s'accordent pourtant à dire que le modèle de la codétermination a fait ses preuves, du moins dans les grandes entreprises.

Une plus grande motivation

« Il assure une plus grande motivation et une meilleure efficacité des salariés », reconnaît Thomas Prinz, du BDA. « Dans les grandes entreprises, les délégués du personnel servent d'intermédiaires entre la hiérarchie et les salariés. Au lieu de parler à 1 000 personnes, la direction n'a que 5 interlocuteurs », ajoute Martin Werding, chercheur à l'institut de recherche économique IFO à Munich. « Les délégués accordent souvent un grand intérêt au bien-être de l'entreprise », poursuit le chercheur. Autre avantage : négociés entre le comité et la direction, les plans sociaux une fois adoptés ne peuvent être remis en cause par les salariés ni faire l'objet de procès, comme en France. C'est ce système qui a, par exemple, rendus possibles les pactes pour l'emploi, à travers lesquels les salariés peuvent accepter une baisse temporaire de salaire pour éviter des licenciements. Mais, pour les PME, les avantages de la codétermination sont loin d'être aussi nets. « Dans une entreprise de 21 personnes par exemple, les salariés ont droit à 3 délégués, qui suivent en moyenne 4 séminaires de formation, de trois semai- nes par an, aux frais du patron. C'est une perte de temps de travail considérable », dénonce Martin Kolmhuber, avocat chez Andersen Legal à Cologne. Enfin, les droits de participation des salariés constituent souvent un frein pour les investisseurs étrangers.

Mais, malgré la virulence du débat sur l'extension de la codétermination, et la difficile passe économique que traverse actuellement le pays, personne, même au BDA, n'ose ouvertement remettre en cause le bien-fondé du système consensuel allemand, qui a assuré au pays, pendant longtemps, prospérité et paix sociale.

L'essentiel

1 Les salariés allemands sont appelés à élire leurs représentants dans les entreprises.

2 C'est le premier scrutin depuis la réforme de juin dernier, qui élargit les compétences des comités d'établissement (Betriebsräte).

3 Au-delà de la consultation-information, la codétermination à l'allemande associe ces comités aux grandes décisions prises par l'entreprise, lesquelles doivent faire l'objet d'accords entre la direction et le CE.

La réforme de juin 2001

Convaincu que la codétermination constitue un véritable avantage concurrentiel, Walter Riester, ministre allemand du Travail et ancien numéro deux du puissant syndicat allemand IG Metall, a concocté une loi qui facilite la création de comités dans les petites entreprises grâce à une simplification de la procédure électorale. La nouvelle législation octroie en outre de nouveaux droits aux délégués en matière de formation continue et augmente leur nombre. Les grandes entreprises de plus de 200 salariés (contre 300 auparavant) sont obligées d'exempter de leurs activités professionnelles au moins un membre du comité d'entreprise. Enfin, pour éviter que les patrons n'affaiblissent les délégués en divisant leurs entreprises en différentes filiales, dépourvues de représentants des salariés, la nouvelle législation autorise la création d'un comité d'entreprise commun à plusieurs entre

« L'employeur finance des formations pour les représentants des salariés »

Hans-Georg Jurkat est, depuis 1975, président du comité d'entreprise de groupe (Gesamtbetriebsrat) de la Commerzbank, banque privée allemande.

Les délégués du personnel connaissent souvent très bien l'économie allemande. Comment sont-ils formés ?

Une fois élu, le délégué du personnel suit quatre à cinq séminaires organisés par les syndicats ou par des instituts de formation externes.

Au cours de ces séminaires, d'une à deux semaines, il acquiert les connaissances de base sur la loi et sur l'organisation des entreprises. Il peut suivre ensuite d'autres séminaires spécialisés, par exemple sur les modèles d'aménagement du temps de travail, sur le temps partiel en fin de carrière ou les retraites, bref, sur tous les sujets relatifs à l'entreprise.

Qui assure le financement des séminaires et les activités des délégués ?

C'est l'employeur qui paie les séminaires qui ont lieu pendant les heures de travail. Le comité d'entreprise ne dispose pas de budget particulier pour ses activités. Les délégués sont payés comme les autres salariés et exercent leur activité de délégué à titre bénévole, à côté de leur activité professionnelle. Seuls les membres permanents sont exemptés de leur travail. Les frais de bureau et de secrétariat sont pris en charge par l'employeur.