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La citoyenneté en entreprise a progressé... modestement

SANS | publié le : 05.03.2002 |

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La citoyenneté en entreprise a progressé... modestement

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Vingt ans après leur adoption, les "lois Auroux" affichent un bilan en demi-teinte. Si le droit d'expression des salariés a tourné court, la réforme du droit disciplinaire ainsi que le renforcement du rôle des CE et de la négociation collective ont globalement porté leurs fruits.

Citoyens dans la cité, les travailleurs doivent l'être aussi dans leur entreprise. Tel était le credo ambitieux énoncé par Jean Auroux, alors ministre du Travail pour les quatre lois concernant les droits des salariés et des institutions représentatives du personnel auxquelles il a donné son nom.

Dépoussiérage du règlement intérieur

La disposition phare de la première loi, celle sur « l'expression directe des salariés », contestée tant côté employeurs que côté syndicats, a rapidement tourné court, malgré la signature d'accords. Mais d'autres mesures, notamment celles concernant la protection des salariés et le droit disciplinaire, semblent largement respectées. Avant toute sanction, les entreprises convoquent, désormais, le salarié à un entretien préalable pour lui exposer les motifs de la sanction envisagée et recueillir son point de vue. Elles ont, également, dépoussiéré les règlements intérieurs pour en faire disparaître les clauses portant abusivement atteinte aux droits des personnes et aux libertés individuelles.

Des outils pour les CE

Objectif essentiel de la seconde loi, le renforcement du rôle économique des comités d'entreprise apportait une nouveauté de taille : la consultation préalable et obligatoire du CE avant tout projet important. Et plusieurs outils : le budget de fonctionnement, le droit à la formation économique, la possibilité de recourir aux experts et le droit d'alerte. Marcel Dumont, fondateur de la première société de conseil aux CE, souligne l'intérêt des textes mais déplore leur mauvaise utilisation. « La consultation ne précède pas toujours la décision et les CE négligent les pouvoirs d'enquête dont ils disposent légalement pour forger leur opinion avant de donner leur avis. » Cependant, Me Jacques Grinsnir, avocat de plusieurs comités d'entreprise, souligne qu'ils « investissent désormais le champ de la contre-proposition ». Et même si seule une minorité d'élus a recours à la formation ou aux experts, « on trouve aujourd'hui insuffisants des chiffres que, dix ou vingt ans plus tôt, on aurait applaudis ».

La troisième loi Auroux a rendu obligatoire la négociation annuelle d'entreprise sur les salaires et la durée effective du travail, là où existe une ou plusieurs section(s) syndicale(s). Avec, pour résultat immédiat, la multiplication des accords d'entreprise. « Il fallait donner un second souffle à la démocratie industrielle et sortir d'une logique fondée sur le conflit », affirme Me Gilles Bélier, avocat en droit social et l'un des rédacteurs des projets de loi Auroux.

Enfin, les comités d'hygiène et de sécurité ont vu leurs compétences élargies aux conditions de travail grâce à la quatrième loi. Dans un récent rapport (2), l'inspecteur du travail Gérard Filoche souligne la multiplication des missions de ces comités, mais déplore la modestie de leurs moyens, surtout dans les PME.

Des changements limités

Vingt ans après, quelques spécialistes esquissent une évaluation des lois Auroux. « Le bilan est plutôt positif, les objectifs à peu près atteints », estime Gilles Bélier. Il en veut pour preuve le développement de la négociation dans l'entreprise et la nouvelle organisation de la consultation du CE transformant en réalité ce qui n'était précédemment que formalité. « Le problème, reconnaît-il cependant, c'est que les acteurs se sont affaiblis au moment même où la loi leur apportait plus de pouvoir. » L'universitaire et chercheur Jacques Le Goff exprime pour sa part des "nuances", voire "des réserves" (3). Tout en reconnaissant "l'indiscutable contribution" des lois Auroux à l'évolution des mentalités et des pratiques, il souligne "la modestie" des changements introduits. Il déplore le désintérêt croissant des salariés pour la démocratie représentative, l'atonie des institutions, la méconnaissance des moyens... Et souligne que la précarisation de l'emploi et des acquis sociaux a entravé les progrès de la citoyenneté dans l'entreprise.

(1) Rapport au président de la République et au Premier ministre, septembre 1981.

(2) "Vingt ans de comité d'hygiène et sécurité et des conditions de travail", étude du Conseil économique et social, 23 octobre 2001.

(3) "La réforme Auroux", Panoramiques, 2e trimestre 2000.

REPERES
Les quatre lois Auroux

Loi du 4 août 1982 relative aux libertés des travailleurs dans l'entreprise.

Loi du 28 octobre 1982 relative au renforcement des institutions représentatives du personnel.

Loi du 13 novembre 1982 relative au renouvellement de la négociation collective.

Loi du 23 décembre 1982 relative aux comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

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