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Le forfait jours est mis sur la sellette

SANS | publié le : 19.02.2002 |

Dans la loi Aubry II, rien ne s'oppose à ce que les cadres travaillent jusqu'à 78 heures par semaine. Une durée qui n'est pas jugée "raisonnable" par le Conseil de l'Europe, saisi par la CFE-CGC.

Et de deux ! Après le Conseil constitutionnel, c'est au tour du Comité des droits sociaux du Conseil de l'Europe d'émettre un avis négatif sur les 35 heures. D'après l'organisation strasbourgeoise, la deuxième loi Aubry sur le temps de travail ne protège pas assez les cadres des employeurs peu scrupuleux. La polémique est née au printemps dernier, lorsque la CFE-CGC a saisi le Comité européen des droits sociaux, une instance du Conseil de l'Europe chargée de faire respecter la Charte des droits sociaux européens.

L'objet du désaccord ? Le forfait jours pour les cadres autonomes (commerciaux, ingénieurs...).

Garantie insuffisante

Sous ce régime, les cadres ne sont plus soumis aux durées maximales journalière et hebdomadaire. Or, pour la CGE-CGC, cette garantie est largement insuffisante : « Rien n'interdit plus à l'entreprise de faire travailler un cadre 78 heures par semaine (13 heures par jour pendant six jours). Il n'a plus aucun recours auprès de l'inspection du travail ou des tribunaux », explique Jean-Luc Cazettes, son président.

Les douze juristes européens (dont un Français, le conseiller d'Etat et ancien député PS Jean-Michel Belorgey) qui composent le Comité des droits sociaux ont donné raison à la CFE-CGC. Ils estiment que cette durée n'est pas "raisonnable" et que la signature d'un accord d'entreprise "ne protège pas suffisamment les salariés". Le comité condamne l'exclusion systématique du paiement des heures supplémentaires aux cadres en forfait jours.

Pour l'heure, il ne s'agit que d'un avis, qui ne sera en outre officiel que le 12 avril prochain. En attendant, le dossier sera examiné par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe, le 27 février, qui pourrait alors adopter des recommandations à l'égard de la France. Mais cette décision arrive à un bien mauvais moment pour le gouvernement. « Le comité ne s'est pas basé sur des dispositions juridiques précises mais plutôt sur des grands principes, ce qui est encore plus ennuyeux pour le gouvernement, accusé de ne pas respecter les droits sociaux fondamentaux », commente Jean-Luc Cazettes. Refusant toute récupération politique, son organisation va attendre l'installation d'un nouveau gouvernement pour réclamer que quelques "bornes" soient posées. Elle compte proposer au Medef la signature d'un accord interprofessionnel définissant l'amplitude de la durée maximale du travail pour les cadres, "au moins sur la semaine". Dans les autres organisations syndicales, les avis sont partagés. Bernard Saincy, secrétaire national de l'Ugict-CGT, « se félicite de cette décision », tout en précisant être favorable à la loi Aubry. « Nous avions déjà mené une action - au niveau national - pour supprimer le forfait jours. Mais sans succès. Le forfait jours constituait, d'ailleurs, une monnaie d'échange avec le patronat pour mieux faire passer les 35 heures ». Le syndicat milite, aujourd'hui, en faveur d'un nouveau décret visant à compléter la loi Aubry, qui préciserait les références horaires, « une durée moyenne de 8 heures par jour et une durée maximum de 10 heures journalières », et la manière « dont les dépassements pourraient être récupérés ».

Amplitude maximale à 10 heures par jour

Pierre Vial, secrétaire général adjoint de l'UCC-CFDT, rappelle, de son côté, « que plusieurs accords ont ramené l'amplitude maximale à 10 heures par jour et prévu que les dépassements donnent droit à des jours de congés supplémentaires ». Il s'interroge, en revanche, sur des bornes très précises. « Faut-il resserrer l'amplitude, de façon raisonnable, à huit heures par jour, au risque de mettre tous les cadres dans l'illégalité ? » L'avis du Comité pourrait néanmoins n'avoir qu'une portée limitée. Mais quoi qu'il en soit, la CFE-CGC n'a pas dit son dernier mot. Elle a également intenté une action devant la Cour européenne des droits de l'homme. Une procédure longue qui n'aboutira cependant pas avant deux ou trois ans...

Le forfait jours

Il est soumis à un accord collectif et doit prévoir le nombre de jours travaillés, dans la limite d'un plafond annuel de 217 jours. Les cadres entrant dans ce système ne sont pas soumis aux 35 heures ni aux durées maximales journalière et hebdomadaire. Seules contraintes : respecter 11 heures consécutives de repos entre deux journées de travail et 24 heures consécutives de repos hebdomadaire minimal.