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« Une vraie extension du crédit solidaire est en route »

SANS | publié le : 12.02.2002 |

Le succès de son association, l'Adie, en est la preuve : en facilitant le micro-crédit, c'est toute la création d'entreprise que l'on aide en France et, par ricochet, l'insertion et la lutte contre le chômage.

E & C : L'Adie, surnommée la "Banque des pauvres", s'anime aujourd'hui au sein d'un réseau qui couvre toutes les régions de France. Comment expliquez-vous son succès ?

Maria Nowak : Nous sommes tout naturellement partis d'une demande, celle des personnes exclues du marché du travail, souhaitant créer leur propre emploi mais n'ayant pas un accès direct aux banques. Puis, nous avons bâti une offre, adaptée aux besoins.

Aujourd'hui, l'Adie est toujours là et continue son développement en diversifiant ses produits. Elle accorde, par exemple, des prêts d'honneur, complémentaires des prêts solidaires ou des prêts de matériel. Car cette demande ne faiblit pas.

Nous bénéficions de nombreux relais d'informations : services sociaux, directions du travail et de l'emploi, ANPE et, bien sûr, les banques avec qui nous nouons des partenariats.

Nous assurons l'instruction et le suivi des prêts ; elles débloquent l'argent et nous partageons les risques. Les collectivités locales financent, quant à elles, plus de 40 % de l'accompagnement et participent aux prêts d'honneur.

Une vraie extension du crédit solidaire est en route. Pour preuve, le nouvel amendement à la loi bancaire voté dans le projet de loi sur les nouvelles régulations économiques, qui permet enfin aux associations d'emprunter pour prêter. Un vrai coup de pouce pour faciliter l'intermédiation et rationaliser l'organisation du back-office. Et puis, le micro-crédit bénéficie d'un vrai intérêt. Il y a eu, en décembre 2000, à Paris, la "conférence européenne sur le micro-crédit et les micro-entreprises". C'était une première. Ce sont aussi des mots qui font bouger les choses.

E & C : Quels sont les enjeux du micro-crédit ?

M. N. : En premier lieu, il participe à dynamiser l'économie française en permettant la création de TPE. Rappelons qu'elles sont 1 9000 000 en France, avec 2 700 000 salariés. Elles font vivre une personne sur cinq et constituent un élément moteur de l'aménagement du territoire. Ce sont elles qui structurent l'économie locale. Le micro-crédit est un outil fondamental de toute politique d'emploi et d'insertion. Il y a un point sur lequel tout le monde est d'accord : aider quelqu'un à créer son emploi, c'est mieux pour lui et pour la collectivité, simplement en raisonnant en termes de coût. Un accompagnement coûte 1 830 euros, voire 3 800 euros si l'on ajoute prime et chèques-conseils. Le coût annuel d'un chômeur est, lui, de 18 300 euros. Et être sans emploi ne signifie pas être sans idées : un tiers des créateurs d'entreprise sont, à l'origine, des chômeurs. Le micro-crédit leur permet de changer de statut. Enfin, ces micro-crédits permettent à des personnes originaires de quartiers difficiles (11 % des clients de l'Adie, ndlr) de faire entrer dans le cadre légal des petites activités informelles. Autrement dit, ils participent à la lutte contre le travail au noir.

E & C : Que réclamez-vous aujourd'hui ?

M. N. : Il faut lever par tous les moyens cette charge administrative qui pèse sur la création d'entreprise. Cela passe par la simplification de nos réglementations ; 14 millions de Français souhaitent devenir chefs d'entreprise. Ils sont même 6 millions à avoir un projet en tête. C'est dix fois plus qu'il y a dix ans. Mais voilà, un tiers estiment que les lourdeurs administratives constituent une raison suffisante de ne pas passer à l'acte, devant même la peur du risque. Cette complexité s'apparente à un vrai "impôt temps", qui demeure, une fois l'affaire lancée, lorsque les créateurs veulent embaucher.

Il y a, toutefois, de petites lueurs d'espoir. Un décret en cours d'examen au Conseil d'Etat vise à clarifier le rôle et les obligations des Centres de formalités des entreprises. Également bienvenu : ce nouveau logiciel actuellement expérimenté à l'Urssaf de Saint-Lô pour les associations et les TPE, qui faciliterait la gestion du personnel. Autre piste d'amélioration : le système de cotisations sociales et de versement provisionnel. Les créateurs démarrent avec trop de charges. Il est urgent d'en envisager l'exonération les deux premières années. Enfin, seuls 20 % d'entre eux bénéficient d'un prêt bancaire. La France est le pays européen où le plafond du taux d'usure aux entreprises bloque l'accès au crédit de ces TPE. Le fossé est grand entre la marge produite par les banques sur ces opérations et le coût d'instruction et de gestion des prêts. Développer un programme de micro-crédit reste un vrai casse-tête, car il faut trouver des subventions multiples pour assurer le financement des surcoûts de gestion et d'accompagnement.

L'ADIE EN CHIFFRES

Créée en 1988.

Effectif : 200 permanents et 600 bénévoles.

Montant des prêts : de 1 524 à 4 573 euros.

Taux d'intérêt : 8,5 %.

Taux de remboursement : 90 %.

Bilan : a financé et accompagné la création de plus de 10 000 entreprises et de 14 000 emplois.

Contact : 01 42 18 57 87 (http://www.adie.org).

PARCOURS

Maria Nowak est présidente de l'Adie (Association pour le droit à l'initiative économique) qu'elle a créée en 1988, selon le modèle inventé par l'économiste bangladais Muhammad Yunus, qu'elle rencontre en 1985.

Née en Pologne, elle arrive à Paris en 1946 et intègre Sciences po dont elle sort diplômée en 1956. En 1959, année de son diplôme à la London School of Economics, elle entre à la Caisse centrale de coopération économique (future Agence française de développement).

Elle occupe ensuite un poste à la Banque mondiale où elle restera jusqu'à sa nomination au ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie comme conseillère spéciale en 2000.