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Sortie de route pour les 35 heures

SANS | publié le : 05.02.2002 |

Deux ans après la publication d'un décret dérogatoire sur les 35 heures, la question de l'application de la loi Aubry dans les entreprises de transport routier de marchandises n'est toujours pas réglée.

Retour à la case départ. En annulant, le 30 novembre dernier, une partie du dispositif d'aménagement des 35 heures pour le personnel roulant du transport routier de marchandises, les membres du Conseil d'Etat ont créé un bel imbroglio juridique. Résultat : les quelque 37 000 entreprises du secteur naviguent aujourd'hui à vue, appliquant un texte partiellement abrogé. Une situation confuse que le ministre des Transports a promis d'éclaircir d'ici à la mi-février, une commission tripartite (patronat, syndicats et Etat) étant actuellement invitée à plancher sur un nouveau mécanisme. Lequel se substituerait au décret du 27 janvier 2000. Un texte né dans la douleur.

Le 10 janvier 2000, Jean-Claude Gayssot affronte sa première grave crise sectorielle depuis sa prise de fonction au ministère des Transports. Ce jour-là, à l'appel des quatre organisations patronales (FNTR, TLF, Unostra, CSD), des milliers de camions rendent hermétiques les frontières françaises. Les transporteurs entendent cette fois faire plier le gouvernement sur son projet de décret 35 heures. Un texte qu'ils jugent inacceptable : d'une part, parce qu'il exclut de son champ d'application les conducteurs dits de "courte distance" (moins de six découchés par mois) ; d'autre part, parce qu'il renchérit lourdement le coût des heures supplémentaires tout en avançant le seuil des repos compensateurs. Au final, l'application de ce décret reviendrait, selon eux, à majorer la masse salariale de 16 % à 30 % et les prix de revient de 6 % à 7 %. « Un tel renchérissement signifierait à coup sûr la mort du pavillon français », avertissent alors les organisations professionnelles. Sur le terrain, les barrages tiennent bon. Les syndicats se contentent, quant à eux, de railler un mouvement qu'ils qualifient de provocateur.

Lâcher du lest

Après 48 heures de négociation, le gouvernement finit par lâcher du lest. Les chauffeurs "courte distance" sont réintégrés et les repos compensateurs sont assimilés à des repos récupérateurs institués par un accord social datant de 1994. Une disposition qui doit réduire de moitié leur incidence. Ces mesures ajoutées à un aménagement de la fiscalité du gazole et à une aide financière à la RTT répondent, grosso modo, aux attentes des chefs d'entreprise. Le 28 janvier 2000, le décret est publié au Journal officiel. Daté de la veille, il ne trahit pas sur le fond les promesses ministérielles mais il leur adjoint des dispositions pour le moins imprévues. Notamment sur la technique du double équipage où le temps non consacré à la conduite est désormais compté comme du temps de travail effectif. Le décompte des temps sur une durée supérieure au mois doit, quant à lui, être soumis à l'autorisation de l'inspection du travail.

Création d'un observatoire national

Autre surprise de taille : l'application du dispositif est anticipée au 1er février 2000 pour les entreprises de moins de 20 salariés. En matière de temps de travail, le texte fixe la durée du temps de service à 37 heures hebdomadaires ou 160 heures mensuelles pour les conducteurs "courte distance" et à 39 heures hebdomadaires ou 169 heures mensuelles pour les "grands routiers". Les plafonds maximaux sont de 48 heures par semaine et 208 heures par mois pour les premiers, 56 heures par semaine et 220 heures par mois pour les seconds.

Des majorations applicables aux heures supplémentaires à partir de la 36e heure ainsi que le niveau des repos récupérateurs sont introduits dans le dispositif. Le texte, qui concerne quelque 250 000 conducteurs, entre en vigueur le 1er février 2000. S'estimant lésées, les organisations syndicales contre-attaquent en organisant une journée d'action le 31 janvier. Après une courte séance de négociation au ministère, elles lèvent les barrages en échange d'un maigre butin : la création d'un observatoire national censé contrôler l'application des 35 heures par les entreprises. Mais les organisations syndicales tiennent leur revanche. FO et la CFDT entament ainsi une procédure en annulation devant le Conseil d'Etat.

Raison invoquée : les dispositions adoptées sont moins favorables aux salariés que le droit commun. Le 30 novembre dernier, le Conseil d'Etat tranche : le plafond de temps de service de 56 heures pour les "grands routiers", la rémunération des heures supplémentaires au-delà de la 36e heure et le mode de calcul des repos compensateurs sont jugés illégaux. « Cette décision bouleverse l'équilibre que nous pensions avoir trouvé », déplore un représentant patronal. Seule consolation : « L'action que nous avons menée a permis de faire reconnaître la spécificité de notre profession », conclut un chef d'entreprise.

TRANSPORT ROUTIER

Nombre d'entreprises : 37 000, dont 70 % ont moins de 10 salariés.

Effectif : 296 736 salariés, dont 75 % de conducteurs.

Chiffre d'affaires : 21 milliards d'euros en 2000.

Temps de service maximum (notion intégrant à la fois la conduite, les temps d'attente, de chargement et de déchargement) : 220 heures par mois pour les chauffeurs "grands routiers" (au moins six repos journaliers par mois hors du domicile) et 208 heures mensuelles pour les autres conducteurs.