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Danone entame un « plan social exemplaire »

SANS | publié le : 05.02.2002 |

Pour mettre en oeuvre la restructuration de son pôle biscuit qui s'accompagne de 570 suppressions d'emploi, Danone a choisi de prendre son temps. Les salariés concernés ont jusqu'à deux ans et demi pour préparer leur reconversion.

Nos plans sociaux ont toujours été considérés comme innovants socialement. Dans le plan Lu, nous avons voulu aller encore plus loin : nous souhaitons, depuis le début de cette réorganisation, un plan exemplaire », affirme Bruno Guillemet, directeur de la politique sociale du groupe Danone. L'entreprise possède en effet une longue expérience des mutations industrielles et de leur accompagnement social. En douze ans, le groupe a mené pas moins de onze restructurations, et se targue d'un taux de reclassement moyen de 95 %. Pour la dernière en date, chez Marie Surgelés en 1998-1999, la direction annonce ainsi 182 retours à l'emploi sur 192 suppressions de poste. Des résultats toutefois contestés par Farid Djitli (CGT) et Patrick Régnier (CTFC), de l'intersyndicale d'Evry, qui ne décomptent à l'heure actuelle plus que 36 personnes en CDI.

Reclassement interne

Le plan Lu, pour lequel la direction a provisionné 230 millions d'euros (coût total de la restructuration), se distingue par l'accent mis sur le reclassement interne. « Nous nous sommes engagés à présenter au moins un poste à chaque salarié qui accepte la mobilité », souligne Bruno Guillemet. Pour autant, l'entreprise ne s'attend à guère plus de 20 % à 25 % de réponses positives (15 % selon les syndicats). La majorité des salariés (à l'exception des préretraités) devra donc faire l'objet d'un reclassement local. Une mission qui s'annonce, sinon impossible, très difficile dans un bassin d'emploi comme le Calaisis, et pour des salariés dont certains travaillent depuis plus de vingt ans dans l'entreprise.

Alors, pour mettre toutes les chances de son côté, Danone mise sur le temps : aucun salarié sans solution ne sera licencié avant la fermeture de la dernière ligne de production de son usine. C'est-à-dire le 30 juin 2003 au plus tôt, pour les salariés de Calais. Et, depuis le début de l'année, tous peuvent bénéficier, à raison de deux jours par mois, d'une aide à la reconversion, au sein des Relais emploi mobilité (Rem) mis en place dans les trois usines touchées par la restructuration. Un choix qui n'est pas sans conséquences sur l'organisation du travail : « Au fur et à mesure des reclassements, il faudra nous arranger pour poursuivre la production jusqu'à la fermeture de l'usine, souligne Fabrice Legrand, le DRH du site d'Evry. Car, bien entendu, il n'est pas question de s'opposer au départ d'un salarié qui, en outre, aura lieu du jour au lendemain puisque les préavis sont payés mais non effectués. » D'ores et déjà, des intérimaires commencent à être formés pour les remplacer.

Pour Jean-François Carrara, responsable de l'activité ressources humaines et emploi chez Algoé, le cabinet d'accompagnement des restructurations choisi par Danone : « Ce plan est original et exceptionnel, car il allie trois dimensions : le temps, des outils (les mesures du plan social), et une structure (le Rem). » Cette dernière, installée sur le site même, est ainsi le pivot de la mise en oeuvre du plan social. Ses missions : aider les salariés de chaque site à réaliser leur bilan professionnel, à définir un projet et un plan d'action individualisé pour y parvenir, à mener leur recherche d'emploi ou à s'orienter vers les bonnes formations, mais aussi étudier les principaux métiers du bassin d'emploi et imaginer des passerelles formation, prospecter des offres ou encore nouer des relations durables avec les acteurs, professionnels et institutionnels locaux.

La mixité, facteur clé de succès

Le Rem travaille également en étroite coordination avec le pôle médico-social pour traiter les difficultés autres que celles liées à la recherche d'emploi. Mais devra faire ses preuves auprès des syndicats, qui le considèrent pour l'instant comme une "ANPE bis " : « Ils se contentent de nous apprendre à faire notre CV et à consulter Internet, et ne proposent aucune offre d'emploi », reprochent Farid Djitli et Patrick Régnier.

La principale originalité de cette antenne-emploi est d'être composée à parité de consultants d'Algoé et de salariés Danone. Le Rem d'Evry est ainsi codirigé par le directeur et le DRH de l'usine, et un consultant Arem (animateur Rem). Cinq conseillers viennent d'Algoé, les cinq autres de Danone (dont l'assistante RH et la responsable formation de l'usine), de même que les deux assistantes.

« La mixité est un facteur clé de succès, car si on maîtrise les outils et les process, on ne connaît, en revanche, pas bien la culture de l'entreprise ou ses métiers, estime Yann-Firmin Herriou, l'Arem d'Evry. Et ici, cette mixité est totale, notamment à cause de la contrainte de continuer à faire tourner l'usine. » « Nous avons, en outre, du temps pour faire les choses bien, nouer une relation de confiance avec les salariés, voire faire évoluer un projet personnel si les résultats ne sont pas au rendez-vous, se félicite-t-il également. Mais le temps est un atout, à condition de convaincre les gens de venir tôt. » Un défi encore difficile à relever, alors que nombre de salariés attendent beaucoup du tribunal d'Evry qui doit se prononcer le 18 février prochain sur la régularité de la consultation des partenaires sociaux sur le projet de restructuration.

LU FRANCE

Implantations : 12 usines, deux dépôts et deux sièges.

Effectifs : 4 072 salariés au 31 août 2001, dont 2/3 d'ouvriers.

Chiffre d'affaires : 1,1 milliard d'euros en 2001 (estimation).

L'essentiel

1 Dans le cadre de la restructuration du pôle biscuit de Danone, Lu France va supprimer 570 emplois dans ses usines d'Evry (91), Calais (62) et Château-Thierry (02).

2Le plan social, présenté le 17 octobre dernier aux par-tenaires sociaux, fait la part belle aux reclassements internes, avec plus de 500 postes dans le groupe.

3 Les salariés qui refuseront la mobilité géographique auront jusqu'à deux ans et demi pour retrouver un poste, à l'aide des conseillers des Relais emploi mobilité.

Une mutation proposée à chaque salarié

Danone mise sur son package d'accompagnement pour encourager la mobilité géographique.

L'un des engagements du plan social est de proposer à chaque salarié dont le poste est supprimé un autre emploi dans le groupe ; 525 postes ont d'ores et déjà été gelés au sein de l'entreprise : 323 au sein de Lu France et 202 dans les autres sociétés du groupe (Evian, Volvic, Blédina...).

Pour encourager la mobilité géographique, Danone propose un impressionnant package d'accompagnement, qui sera géré par des antennes-accueil locales. Un couple avec deux enfants, dont le conjoint du licencié gagne 20 000 euros par an, recevra ainsi près de 25 000 euros d'aides diverses à la mobilité, mais bénéficiera aussi de voyages de reconnaissance, d'un service de relocation, de la prise en charge de son déménagement, d'un outplacement, voire d'une formation pour le conjoint.

« La direction a mis le paquet sur la mobilité interne, reconnaît Bruno Fournet, délégué CFDT au CCE. Mais un peu au détriment de l'enveloppe financière pour les reclassements externes : c'est inférieur à ce qui avait déjà été accordé par le passé dans le groupe. »

Calendrier

29 mars 2001 : Danone annonce la restructuration de sa branche biscuit en Europe. Le plan prévoit la fermeture de deux usines en France (Calais et Evry) et de lignes de production à Château-Thierry, mais aussi l'agrandissement de deux autres sites. 570 emplois sont supprimés (819 destructions de poste et 249 créations).

17 octobre 2001 : présentation du plan social au CE.

7 janvier 2002 : ouverture des Relais emploi mobilité.

Juin 2003 : fermeture définitive de l'usine de Calais.

Juin 2004 : fermeture définitive de l'usine d'Evry.

Cinq trains de mesures pour accompagner la restructuration

Le plan social de Lu France prévoit des indemnités de licenciement pouvant atteindre plus de deux ans de salaire, ainsi que des primes pour favoriser la mobilité géographique.

1 - Indemnités de licenciement

- Pour les moins de 55 ans, choix parmi trois modes de calcul. En moyenne, les primes tournent autour de 38 000 euros. Un ouvrier ayant vingt-sept ans d'ancienneté percevra 45 740 euros, soit 2,3 ans de salaire net.

- Indemnité de licenciement au moins égale à 41 162 euros pour les plus de 50 ans, quelle que soit l'ancienneté.

2 - Mobilité interne

- Dispositif d'accueil personnalisé par une société de relocation.

- Garantie de maintien de l'emploi pendant trois ans (cinq pour les plus de 50 ans).

- Prime incitative de 10 672 euros (12 196 euros pour les plus de 50 ans).

- Aide à la recherche d'emploi du conjoint.

- Trois voyages de découverte pris en charge.

- Prise en charge des frais de déménagement.

- Indemnités d'installation de 2 300 euros par part fiscale.

- Indemnité pour perte d'emploi du conjoint plafonnée à 6 098 euros.

3 - Reclassement externe

- Accompagnement individuel par les Relais emploi mobilité (Rem).

- Prime de reclassement de 7 622 euros pour les salariés qui auront trouvé un CDI au premier trimestre 2002.

- Présentation de deux "offres valables d'emploi" (trois pour les plus de 50 ans) : dans un même bassin d'emploi, correspondant à la catégorie professionnelle et au domaine de compétences du salarié, et au standard de rémunération de la profession.

- Possibilité de bénéficier de nouveau du Rem en cas de perte d'emploi dans les deux ans suivant le reclassement, sous réserve d'une adhésion au dispositif de suivi.

- Prime de 4 574 euros au nouvel employeur (7 623 euros pour les plus de 50 ans).

- Différentiel de salaire payé pendant deux ans.

- Accompagnement et prime de 7 623 euros à la création d'entreprise.

4 - Mesures pour les plus de 55 ans

- Choix entre une indemnité permettant d'assurer 85 % du salaire net compte tenu des indemnités Assedic et une Cats (actuellement en négociation).

5 - Réindustrialisation

- Reconversion des sites laissés vacants. Chaque CDI bénéficiera d'une prime de 4 574 euros.

- Soutien aux projets de développement créateurs d'emplois dans les PME régionales (aides financières ou détachements de cadres.

- Accompagnement de projets liés au développement local.