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COMMENT PREVENIR LES RISQUES

SANS | publié le : 05.02.2002 |

Depuis l'explosion d'AZF, à Toulouse, le 21 septembre dernier, c'est tout le secteur industriel qui est montré du doigt, suspecté de ne pas prendre suffisamment en compte le risque "improbable et incertain". Un projet de loi sur la maîtrise des risques technologiques doit être discuté cette semaine en Conseil des ministres.

En marge des nouveaux maux dont souffrent les salariés au travail, que sont le harcèlement ou le stress, la qualité de l'hygiène et la sécurité dans l'entreprise industrielle sont menacées par une course à la rentabilité.

La gestion en flux tendus qui engendre des changements d'organisation pousse certaines entreprises à prendre plus de risques ou à négliger toutes les "probabilités" de survenue d'accidents. Elles sont moins sourcilleuses sur le respect des protocoles de sécurité par les sous-traitants insuffisamment formés. C'est la raison pour laquelle Alain Lemaire, directeur département Assurances de Nestlé France, membre de l'Amrae (1), propose aux décideurs de « réinvestir dans la sécurité une partie des gains occasionnés par la sous-traitance. » Un voeu pieu ?

Jusqu'à présent alléché par des primes de rentabilité, le salarié lui-même relâche sa vigilance et sous-déclare les accidents. Ce que déplore Michel Decayeux, secrétaire général de la fédération chimie FO, qui désigne de son côté « les politiques salariales et notamment les critères d'attribution de l'intéressement, qui reposent sur un taux de fréquence des accidents ». Par ailleurs, et l'actualité nous le rappelle, les pompiers sont souvent sous-représentés sur les sites, tout comme les inspecteurs du travail.

Garantie complémentaire individuelle accident

Autre paramètre non négligeable : la prise en charge des hommes et des installations. Par le truchement des partenaires sociaux et des conventions collectives, l'obligation est faite à certains employeurs d'inscrire une garantie complémentaire individuelle accident pour certains postes. « C'est le cas, notamment, dans le domaine du transport de fonds », indique Edouard Hery, directeur prévoyance et retraite chez Gras Savoye. Mais ces contrats restent limités.

Par ailleurs, le risque industriel pris dans sa globalité coûte de plus en plus cher aux assureurs. « Depuis six ans, nous assistons à une réduction globale du marché de l'assurance des grands risques industriels, de l'ordre de 50 %, rapporte Thierry Tocanne, directeur des études, département risques industriels chez Gras Savoye. En réaction, les directions des compagnies appliquent une majoration des primes de l'ordre de 50 %, voire 100 % pour certaines d'entre elles. » Des mesures qui n'incitent pas les entreprises les moins dotées financièrement à choisir les meilleures garanties et à favoriser la sécurité.

A l'inverse, les grandes entreprises ont souvent plus d'expérience en matière d'accidents du travail et de risques technologiques. Au cours de ses travaux, Christiane Chartier, sociologue à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, a constaté que nombre d'entre elles ont déjà mis en place, avant l'arrivée des normes de système de management, des organisations « qui tentent de brandir un bouclier devant les risques perçus ». Mais les moyens adoptés sont proportionnels aux risques connus et non pas au risque "improbable" qui, lui, est négligé.

Démarche participative

Toute la faille des dispositifs de sécurité est là. Pour la sociologue, la solution passe inévitablement par « l'instauration de normes de système de management qui proposent des guides de mise en oeuvre d'une démarche participative de l'ensemble des acteurs », pour cerner ce risque improbable. La certification serait aussi un moyen de contrôler les modes de gestion de la sécurité des sous-traitants.

Garde-fous

D'ores et déjà, pour prévenir les risques professionnels, l'entreprise s'appuie sur des garde-fous. D'abord, le Comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés. Néanmoins, le rapport du Conseil économique et social, publié cet automne (Entreprise & Carrières n° 598), met en exergue l'indigence de cette instance, impuissante face à une charge de travail croissante.

Un point auquel devrait remédier le projet de loi sur la maîtrise des risques technologiques, qui devait être présenté en Conseil des ministres le 6 février (voir p. 20). De plus, les réglementations en France sont particulièrement contraignantes. Outre les obligations classiques (voir p.19), les installations soumises à autorisation doivent faire l'objet d'une étude d'impact pour réduire les nuisances.

Plan d'opération interne

Autre mesure préventive : le Plan d'opération interne (POI) qui est appliqué si un accident survient à l'intérieur d'un établissement. Il définit à la fois les mesures d'organisation, les méthodes d'intervention et les moyens nécessaires que l'exploitant doit mettre en oeuvre pour protéger le personnel, les riverains et l'environnement.

Les exercices d'application du POI doivent être testés au moins tous les trois ans. C'est loin d'être le cas, selon Jean-Yves Le Déaut, député PS de Meurthe-et-Moselle, rapporteur de la commission d'enquête parlementaire sur la sûreté des installations : « Les entreprises ne simulent que très rarement des exercices généraux de sécurité. »

En résumé, le noeud gordien auquel a été confronté récemment le Premier mi- nistre illustre parfaitement le dilemme inhérent à toute gestion du risque. Le compromis du politique, qui aboutit à la fermeture d'un site - celui qui a tué - mais ne scelle pas le sort des autres potentiellement aussi dangereux, est à rapprocher de celui de l'industriel qui ne veut pas nuire à ses salariés, sa principale ressource, mais qui commande des études de dangers partielles ne mesurant pas tous les risques "probables".

(1) Association pour

L'essentiel

1 Malgré une réglementation riche et dissuasive, la prévention et le contrôle en matière de sécurité laissent à désirer dans certaines entreprises industrielles françaises, surtout parmi les plus petites d'entre elles.

2 Un projet de loi sur la maîtrise des risques technologiques est en préparation. Il devrait remédier aux carences de formation de la sous-traitance et au peu de poids des CHSCT.

3 L'implication plus forte de l'échelon européen et l'inévitable cheminement vers la certification des systèmes de management de la sécurité vont rendre la gestion des risques plus performante.

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