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Les Brandt suspendus à la décision du tribunal

SANS | publié le : 15.01.2002 |

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Les Brandt suspendus à la décision du tribunal

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Le tribunal de commerce de Nanterre désigne ce mardi 15 janvier le repreneur du groupe Brandt. Reprise d'effectifs et pérennité des projets devaient guider le choix entre quatre candidats.

Manifestement, le nombre des convives a aiguisé les appétits. Autour de Brandt, les candidats à la reprise, dont les offres initiales avaient été déposées le 9 novembre dernier, ont nettement amendé le volet social de leur proposition, jusqu'à la dernière minute. Le tribunal de commerce de Nanterre, qui doit rendre sa décision ce mardi 15 janvier, a pu s'en rendre compte la semaine dernière en auditionnant chacun d'eux.

Il est vrai que le groupe d'électroménager français, qui compte 5 300 personnes et sept usines dans l'Hexagone et qui avait été placé en redressement judiciaire, le 7 septembre dernier, en même temps que Moulinex, affiche une bien meilleure santé que sa maison mère, criblée de dettes, dont le concurrent Seb a repris les activités les plus rentables, et les atouts d'un numéro un du secteur en France, doté d'un portefeuille de marques de référence (Brandt, Sauter, De Dietrich).

Propositions définitives des repreneurs : de 2 918 emplois en France pour l'américain Whirlpool avec trois usines, à 4 367 avec six usines pour le groupe diversifié israélien Elco. Entre les deux, l'italien Candy et le turc Arcelik-Beko proposent respectivement de reprendre 3 602 et 3 913 salariés. Arcelik Beko offre, en outre, de financer à hauteur de 10 millions d'euros, la prime Moulinex pour les salariés qu'il ne reprendra pas.

Sacrifier l'emploi

Les trois juges consulaires ont aussi examiné le projet de Rachat d'entreprise par les salariés (RES) pour le site d'Aizenay (Vendée), qui produit des fours à micro-ondes, porté par cinq cadres de l'entreprise adossés à des banques et un investisseur régional.

Le procureur de la République a affirmé sa préférence pour le projet Whirlpool. Pour les syndicats, ce n'est pas une bonne nouvelle. « Whirlpool devrait récupérer la crème (de Brandt, ndlr) et sacrifier l'emploi », pronostiquait Christian Kremer, représentant CGC. « Une fois de plus, ils vont sacrifier l'emploi avec Whirlpool, le moins disant social », s'indignait Paul Briglia, délégué CGT. De fait, l'offre du numéro un mondial du gros électroménager est la moins importante en nombre de salariés et de sites repris en direct (Orléans, Vendôme et Lyon). Son projet est de faire de Brandt son centre européen pour la production pour la cuisson, point fort du groupe français. Il reste que les juges sont totalement maîtres de leur décision.

Les salariés affirment officiellement leur préférence pour Elco, à 80 %. A leurs yeux, le groupe israélien dispose de plusieurs atouts : la meilleure offre en nombre de salariés et de sites repris : seul celui de Lesquin, dans le Nord, spécialisé dans le froid, ne serait pas repris entièrement et ne bénéficierait d'un contrat de sous-traitance que pour neuf mois.

Constitué d'anciens dirigeants de Brandt

D'autre part, l'état major français d'Elco est en partie constitué d'anciens dirigeants de Brandt et de quelques autres anciens cadres dirigeants de marques comme Tefal ou Thomson. La stratégie d'Elco consisterait à conserver Brandt comme une marque européenne multiproduits. Problème, ce groupe diversifié ne possède en France qu'Airwell, une marque spécialisée dans le traitement de l'air. A rebours de la logique de concentration du secteur, cette stratégie se fonde sur un bilan plus optimiste des atouts de Brandt.

« En termes d'emplois sauvegardés, on ne peut pas comparer les projets d'Elco et de Whirlpool, a plaidé Me Dufresne-Castets, avocat du comité de groupe auprès du tribunal de Nanterre. Le projet américain consiste à dire qu'il faut avoir le courage de supprimer des emplois pour sauvegarder des activités. Mais le mieux disant social de l'offre d'Elco ne signifie pas que le projet ne soit pas solide. L'équipe est constituée, notamment, d'anciens de Brandt, qui ont une parfaite connaissance du secteur, y compris de la distribution. »

Pour Thierry Le Paon, responsable national de l'électroménager, l'intérêt affiché par les candidats en lice « démontre que l'électroménager a un véritable avenir ». Et il regrette que l'occasion d'une vaste réflexion sur les enjeux de ce marché en Europe n'ait pas été saisie.

Cession : la loi de 1985

Choix d'un repreneur : dans les cas de cession d'entreprises sous administration judiciaire, la loi du 25 janvier 1985 précise des critères d'arbitrage : les juges devront retenir « l'offre qui permet, dans les meilleures conditions, d'assurer le plus durablement l'emploi attaché à l'ensemble cédé et le paiement des créanciers » (article 85).

Les objectifs assignés à une reprise :

- sauvegarde des emplois ; - pérennité de ces emplois sauvegardés ;

- paiement des créanciers. Un équilibre souvent difficile à trouver.

Les offres divisent les salariés

Le comité de groupe soutient l'offre d'Elco, mieux disante en termes d'emplois. Mais, selon les sites et les différents projets des repreneurs, des divisions se sont dessinées parmi les salariés.

A l'usine de Lesquin, dans le Nord, spécialisée dans le froid, c'est Arcelik-Beko qui emporte l'adhésion. Le candidat turc propose de reprendre 500 des 670 salariés et de doubler la production d'ici à 2004.

Or, c'est une des activités de Brandt qui intéresse le moins les autres concurrents, bien plus alléchés par la cuisson. En revanche, le projet turc ne prévoit pas de conserver en interne les productions des sites vendéens d'Esswein (960 salariés) et Aizenay (310). Cette dernière usine, spécialisée dans les fours à micro onde (aussi en sous-traitance pour Electrolux et Miele) pourrait être rachetée par cinq cadres. Le projet est soutenu par la CGT et la CGC. Il suppose une reprise par l'italien Candy, qui leur garantirait un volume de commandes sur trois ans et des prix fixés pour la première année. Whirlpool leur apparaît comme un concurrent vite menaçant, Arcelik n'a pas d'expérience dans l'encastrable haut de gamme, et Elco propose un projet concurrent pour le site, avec une menace de fermeture pour une partie de la tôlerie, selon le délégué CGT du site.