Sur tous les continents, les boutiques fleurissent en centre-ville et dans les artères les plus recherchées. Le groupe espagnol Inditex, plus connu sous le nom de Zara, sa principale enseigne, dispose pour l'heure de 1 200 magasins dans un peu moins de 40 pays. Malgré son expansion fulgurante et une récente entrée en Bourse, cette multinationale du prêt-à-porter est moins transparente sur ses méthodes de travail que dans ses boutiques tirées au cordeau. En Espagne, la discrétion d'Inditex est même légendaire. « C'est peut-être pour cette raison que le modèle Zara est quasiment impossible à copier », avance un spécialiste du secteur. La première publication officielle d'une photo du dirigeant et fondateur d'Inditex, Amancio Ortega, date d'il y a trois ans.

Pour hisser l'entreprise, en quelques années, sur le podium des plus grands du textile et de la distribution, les ressources humaines ont forcément été mises à contribution. Près de 24 000 personnes travaillent pour le groupe et, sur les cinq dernières années, Inditex a multiplié par trois le nombre de ses salariés. Inditex, c'est d'abord et avant tout une "grande équipe", où le "nous" est de rigueur. « On ne peut pas parler d'un profil professionnel, mais d'une attitude commune, qui réunit la disponibilité, l'humilité, la flexibilité et l'ambition », résumait Jesus Vega de la Falla, directeur des RH du groupe, dans la presse galicienne.

Même les syndicalistes se prévalent de cet esprit de corps. « Nous sommes orgueilleux de travailler ici, cette entreprise a montré que le textile a un avenir », affirme d'emblée Mercedes Lopez, secrétaire générale de l'action syndicale chez Inditex, qui travaille depuis vingt-huit ans dans le groupe. Cette identification à l'entreprise est née aussi d'un attachement au terroir, car Inditex est l'un des grands employeurs de Galice, région plutôt dépourvue par ailleurs. Sans compter des conditions plus favorables que celles de l'accord collectif du secteur. Quid des innombrables petits ateliers de Galice et du Portugal, auxquels Inditex sous-traite une partie de la production ? « Effectivement, les conditions de travail dans ces ateliers sont moins enviables », concède la syndicaliste.

Les équipes de design, en revanche, appartiennent à Inditex. « Chaque département se spécialise dans une ligne de production, l'homme, la femme ou l'enfant ; il existe ensuite d'autres divisions, comme celle de la maille, par exemple. C'est cela qui fait la force et la rapidité d'Inditex, une communication non seulement transversale entre les départements, mais aussi avec le marché puisque chaque jour, les bureaux de la Corogne contactent les boutiques », explique un consultant expert en textile.

Mais cette réactivité s'explique aussi par la disponibilité de tous les instants des salariés, en particulier des cadres, "mariés avec l'entreprise". « L'ennui, c'est qu'Inditex ne se marie jamais avec ses salariés », explique l'un d'entre eux, qui a préféré plier bagages. « C'est vrai que les salaires sont très élevés. Inditex fonctionne ainsi, ici on travaille pour de l'argent, on devient mercenaire. Mais, par ailleurs, la politique sociale n'est guère évoluée. En réalité, je doute qu'Inditex cherche réellement à fidéliser ses salariés, poursuit-il. En 1999, en France, le personnel des boutiques a connu un turn-over de 240 %, et le même type de difficultés existe au niveau des cadres. J'ai vu entrer quatorze cadres de haut niveau triés sur le volet et, en moins de deux ans, il en reste moins de cinq. On vient souvent s'y faire une carte de visite. »

- 24 000

salariés dans le monde

- 2,6 Mds d'euros

de chiffre d'affaires

- 1975

ouverture de la première boutique Zara. Le groupe Inditex est créé en 1985.

- mai 2001 entrée en Bourse