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Égalité professionnelle : À quand la fin du sexisme ordinaire ?

Trend RH | publié le : 01.07.2023 | Lys Zohin

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Égalité professionnelle : À quand la fin du sexisme ordinaire ?

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Selon le nouveau baromètre #StOpE, pour huit femmes sur dix, les attitudes et les décisions sexistes sont monnaie courante au travail. Une situation qui a du mal à évoluer. Seule consolation, dans les entreprises engagées au sein du collectif Stop au sexisme dit ordinaire en entreprise, à force de sensibilisation, de formation, de rôles modèles, les signes d’amélioration se font jour.

La lutte contre les agissements sexistes au travail a beau être entrée dans le Code du travail depuis 2015, pour être ensuite renforcée via de nouvelles obligations faites aux entreprises (dont la désignation de référents pour celles employant plus de 250 salariés), le sexisme ordinaire reste bien souvent un angle mort des politiques RH, les spécialistes des ressources humaines mettant, semble-t-il, plus volontiers l’accent sur la lutte contre le harcèlement sexuel que sur les comportements sexistes – apparemment anodins – au quotidien. Ils prennent la forme d’attitudes ou de propos fondés sur des stéréo-types et délégitiment ou infériorisent celles (et parfois ceux) qui en sont l’objet. On coupe plus volontiers la parole à une femme en réunion. On l’exclut d’un grand projet sous prétexte qu’elle sera trop occupée avec ses enfants. On se permet des commentaires du genre : « Encore enceinte… » ou « bien roulée, la nouvelle ».

Mais si nombre d’entreprises, hormis celles qui ont rejoint le collectif #StOpE (Stop au sexisme dit ordinaire en entreprise), lancé en 2018 par Accor, EY et L’Oréal France, (soit 199 entreprises et organisations, ce qui représente plus d’un million de salariés) agissent peu pour lutter contre ce phénomène sociétal, « c’est plus par méconnaissance que par désintérêt », précise Brigitte Grésy, spécialiste des questions de sexisme au travail et ancienne présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, qui critique en outre le peu de soutien et de communication des pouvoirs publics dans ce domaine… D’ailleurs, si la situation s’améliore, et c’est le cas, c’est essentiellement grâce aux actions des entreprises elles-mêmes.

C’est en tout cas ce qui ressort de la deuxième édition, après celle de 2021, du baromètre #StOpE, une enquête de perception à laquelle près de 90 000 personnes, réparties dans 15 organisations, ont répondu. Récemment rendu public, le baromètre vise à mesurer, dans les organisations signataires (entreprises mais aussi établissements d’enseignement supérieur, par exemple), l’impact généré par la mise en œuvre de diverses actions de lutte contre le sexisme ordinaire, comparé à une moyenne nationale. De fait, l’adhésion au collectif #StOpE inclut une charte, constituée de huit actions prioritaires, que les membres s’engagent à déployer. « Les huit engagements sont en fait la consolidation de 30 bonnes pratiques identifiées au sein des organisations et qui vont de l’application du principe de tolérance zéro concernant le sexisme ordinaire, adopté au niveau des instances dirigeantes, à l’identification des comportements et la formation, en passant par la prévention et l’accompagnement. Le travail de pédagogie est très important, de même que celui de rôle modèle, autrement dit, des managers, par exemple, qui relèvent des propos sexistes tenus dans une réunion pour les déconstruire et signaler qu’ils n’y ont pas leur place, pas plus que dans l’ensemble de l’entreprise », précise Anne-Sophie Beraud, Senior Vice President, Diversity, Equity, Inclusion &Social Care au sein d’Accor. « Ce rôle de “témoin”, que peuvent également prendre tous les salariés et toutes les salariées, est essentiel, ajoute Anne-Laure Thomas, directrice Diversités, équité et inclusion chez L’Oréal en France et coprésidente de l’Association française des managers de la diversité, qui coordonne l’initiative #StOpE. Si des propos sexistes sont relevés de cette façon, il y a de grandes chances pour que la personne qui les prononce ne le refasse pas à l’avenir… » Dans sa vie professionnelle comme dans sa vie personnelle. D’ailleurs, précise Morgane Reckel, Diversity, Equity &Inclusion Leader pour EY France, « le corps social dans son ensemble n’accepte plus certains propos ou comportements et les collaborateurs, dans une entreprise, doivent s’y conformer. » Si les entreprises peuvent – et doivent – être moteurs dans la lutte contre le sexisme ordinaire, la porosité, entre organisations et société civile, est forcément dans les deux sens.

Des mots et des actes

Toujours est-il que, selon le dernier baromètre #StOpE, pour 79 % des femmes interrogées, « les femmes sont régulièrement confrontées à des attitudes ou des décisions sexistes dans le monde du travail », un constat partagé par (seulement) 57 % des hommes, et qui stagne par rapport à 2021. En revanche, dans les organisations signataires de #StOpE, la moitié des salariés et salariées se déclarent plus attentifs aux propos et comportements sexistes, soit deux fois plus que la moyenne nationale. De même, le recul du sexisme ordinaire est plus marqué dans les entreprises signataires. Ainsi, 41 % des femmes et 51 % des hommes estiment que, depuis ces trois dernières années, les propos et comportements sexistes ont reculé au sein de leur entreprise, soit 13 points de plus que la moyenne nationale (29 % pour les femmes et 37 % pour les hommes). Enfin, en deux ans, la part des salariés et salariées ayant bénéficié d’une formation sur le sexisme au travail a plus que doublé dans les entreprises membres du collectif. La moitié d’entre eux ont été sensibilisés, contre moins d’un quart en moyenne nationale. Signe, donc, que les actions menées ont un impact concret.

Les femmes (ou des hommes qui peuvent être traités de « femmelettes ») seront-elles un jour présentées, en tant que nouvelles arrivées dans une équipe, uniquement sous l’angle de leurs compétences ? Cessera-t-on, parce qu’elles sont femmes, de leur demander d’être forcément « à l’écoute » des collaborateurs ? Pour l’heure, toujours selon le baromètre #StOpE 2023, une femme manager sur deux déclare avoir été confrontée à des attentes de qualités et comportements managériaux spécifiques du fait de son genre… De surcroît, les résultats 2023 mettent en évidence le fait que les femmes de moins de 35 ans font autant face au sexisme ordinaire que leurs aînées, voire y sont parfois plus souvent confrontées. Elles y sont aussi clairement plus sensibles, alors qu’en face, certains « mâles », craignant notamment une concurrence féminine qu’ils jugent « injuste » dans leur carrière, se rebiffent et n’hésitent pas à déclarer qu’on « ne peut plus rien dire », lorsqu’il s’agit de propos sexistes…

En somme, selon Brigitte Grésy, le niveau de conscience des hommes et des femmes, concernant le sexisme ordinaire, croît, certes, mais « les actes ne suivent pas dans les mêmes proportions », regrette-t-elle. Les enjeux sont pourtant énormes, et dépassent largement la vie quotidienne au travail… « Le sexisme est à la racine des inégalités faites aux femmes, liées aux stéréotypes de genre », souligne à cet égard Morgane Reckel. Si cela influe sur le bien-être des femmes et leur confiance en elles, l’impact sur leur évolution de carrière, leur salaire et, in fine, leur pension de retraite, est encore plus dévastateur…

Auteur

  • Lys Zohin