Valérie Rocoplan :  L’expression « sens au travail » me semble revêtir plusieurs sens, justement… D’abord, sens veut dire direction. Quels sont les objectifs vers lesquels nous nous dirigeons, quels sont les résultats que nous cherchons à construire (individuellement et en équipe) ? Quels sont notre but et le cap que nous poursuivons ? Le deuxième sens du mot sens est relié au sentiment d’utilité, à la contribution que le collaborateur comprend avoir au sein de l’équipe. Est-ce que je sers à quelque chose ? Le travail doit en effet avoir une valeur pour la personne qui le fait. Le troisième axe du mot sens, fondamental, est également le sentiment que le collaborateur a de l’alignement entre son travail et le respect de ses valeurs. En outre, lorsque l’on parle de valeurs, on doit aussi se poser la question de la cohérence entre ses propres valeurs et celles de l’entreprise. Sont-elles alignées ? Enfin, cette quête de sens s’inscrit désormais dans une notion plus large, celle de la contribution des entreprises à la réussite des transitions nécessaires : transformation numérique, énergétique, écologique, sociale… Les salariés veulent s’assurer qu’ils contribuent, à leur échelle et à celle de l’entreprise, à la réussite de ces transitions et notamment à la transition écologique et responsable.

V. R. : Le rôle des managers, pour aider le collaborateur à trouver son sens, est important. Ceux-ci ont en effet un rôle de relais entre la direction et les équipes. Pour ce faire, ils portent la responsabilité d’aller chercher l’information au plus haut, de la comprendre, de se l’approprier pour ensuite l’expliquer de la façon la plus simple et la plus claire possible à leurs interlocuteurs dans les différentes strates de l’entreprise.

Et s’il faut parler d’objectifs aux salariés, en matière de chiffre d’affaires, par exemple, les managers ne doivent surtout pas oublier de mettre en avant le développement des collaborateurs et la collaboration dans les équipes. Le mot d’ordre désormais est bien « profit, people, planet ». En ce qui concerne les salariés, il est important que les objectifs soient mesurables et concrets, en se fixant par exemple un objectif de zéro accident sur une chaîne de montage. En outre, en matière de posture de management, apporter du sens à chacun passe également par une reconnaissance du travail, en faisant du feed-back sincère, permettant au collaborateur de grandir et de se développer. Le sens vient aussi de la capacité de chacun à se sentir grandir dans son quotidien au travail.

V. R. : Chacun ne met pas les mêmes mots derrière le sens. Le manager doit en effet comprendre ce qui motive chaque individu : pour les uns, ce sera davantage d’autonomie, pour d’autres, cela pourra être plus de supervision ou de soutien.

Une fois cette vérification faite individuellement, le manager peut adapter son management à chacun. Il ne s’agit pas de cultiver l’égalité, mais l’équité. Pour ce faire, le manager peut choisir la transparence. Une augmentation salariale, par exemple, est ainsi reliée à une contribution – objective – qu’apporte le collaborateur à l’entreprise. Enfin, s’il ne faut pas confondre égalité et équité, il ne faut pas non plus confondre autonomie et liberté totale, qui laisserait croire que chacun est libre de faire ce qu’il veut dans l’entreprise… Le travail, même effectué de façon autonome, a lieu dans un cadre, celui de l’organisation. Il a des règles, comme dans la vie en société ou dans le sport. Il s’agit donc, pour tous, managers comme managés, d’être au clair sur les droits et les devoirs de chacun.