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Hyperconnexion : Un référentiel pour mieux prévenir la surcharge d’informations

À retenir | publié le : 29.05.2023 | Judith Chetrit

Dans un monde où les outils collaboratifs ne cessent de solliciter notre attention, il devient essentiel de trouver des solutions pour alléger ce fardeau. Avec la création de l’Observatoire de l’infobésité et de la collaboration numérique, des experts cherchent à mieux comprendre cette problématique.

À la fois charge mentale et de travail, le trop-plein de sollicitations par e-mails et autres outils collaboratifs est une donne à laquelle de nombreux salariés font face sans forcément savoir comment l’alléger. Car, au-delà d’enquêtes principalement articulées autour de perceptions, peu d’entreprises disposent de données objectivables sur les pratiques. « C’est comme si la machine s’était emballée et que l’on ne savait plus quoi faire », résume Mathilde Le Coz, DRH du cabinet de conseil Mazars et également présidente du Lab RH.

Premier pas dans la bonne direction, la création d’un Observatoire sur l’infobésité et la collaboration numérique, qui vise à devenir une vigie sur cette question bien plus transversale qu’elle n’y paraît. Et la publication, à cette occasion, d’un référentiel. Il fourmille d’indicateurs et de statistiques d’usages tirés d’un panel anonymisé de 9 000 salariés. Ainsi, alors que l’e-mail a été initialement pensé comme un moyen de communication asynchrone, plus de la moitié génèrent une réponse dans l’heure, quasiment un tiers ont d’autres personnes en copie et enfin, les volumes de messages – en moyenne 144 par semaine – ont des impacts sur la concentration et la qualité de vie au travail. « C’est une surcharge informationnelle qui peut générer du stress et de la fatigue », souligne Arthur Vinson, coprésident de cet Observatoire. Il a lui-même fondé Mailoop, une entreprise qui a développé une solution à destination des sociétés pour mieux réguler ce flot de communications. Parmi ses clients figurent Schneider Electric, la direction francilienne de Dalkia (groupe EDF) et le cabinet Mazars, avec lequel l’Observatoire a été lancé. « Il y a certes une sensibilité personnelle à la gestion des informations et au stress qui peut y être associé, mais le fait de tracer et de quantifier ces interactions permet d’instaurer un dialogue dépassionné », souligne Benoît Guiblin, le directeur régional de Dalkia.

Droit à la déconnexion

Autre point d’alerte : la communication en dehors des temps de travail. Alors même que le droit à la déconnexion est inscrit dans le Code du travail depuis 2017 – sans toutefois de mesures contraignantes –, plus de 30 % des salariés sont connectés plus de 50 soirées par an, c’est-à-dire qu’au moins un e-mail est adressé après 20 heures. Dans ce type de situations, une phrase automatique dans la signature ou une option pour un envoi différé de messages sont des préconisations fréquentes.

En créant cette structure, l’idée n’est pas de généraliser la coupure des serveurs ou de braquer des salariés attachés à un certain degré de flexibilité, mais de proposer de bonnes pratiques, à mettre en œuvre à l’échelle individuelle et surtout, organisationnelle. « Nous recevons plus d’informations que nous ne sommes capables de traiter. Cette consultation frénétique entraîne également une fragmentation de notre temps de travail », relève par ailleurs Suzy Canivenc, enseignante-chercheure à la chaire Futurs de l’industrie et du travail de Mines Paris PSL. Sans compter l’accumulation de notifications et les autres canaux de discussion, du fait, notamment, de l’accélération du télétravail, qui n’ont en rien fait baisser le nombre de réunions, en présentiel ou en visio ! Citant une précédente étude, elle signale que plus de 40 % des salariés attribuent leurs difficultés à rechercher des informations au millefeuille que constitue désormais la vie numérique du travail.

Dans la pratique, en fonction également de l’attention portée par les directions des ressources humaines ou des systèmes d’information, les entreprises ont privilégié des chartes de bonne conduite plutôt que l’inclusion de ce sujet dans des accords négociés avec les organisations syndicales. Car la thématique est sensible : au-delà de la communication en interne, comment, par exemple, réguler les flux de communication avec des clients, des prospects ou des salariés d’une multinationale qui n’ont pas les mêmes codes et usages ? Présent lors de la conférence de lancement, un actif a ainsi raconté comment une initiative « no e-mail Friday » avait été un échec, précisément pour cette raison… « Sans être reliés à une mauvaise intention, nombre de salariés n’ont pas forcément conscience de leurs usages », pointe Mathilde Le Coz. Question d’empathie, aussi, abonde Julie Récalde, sa collègue en charge du développement RH et de l’expérience collaborateur. « Nous nous sommes aperçus que 65 % des mails envoyés tard ou le week-end sont générés par 10 % de nos collaborateurs », dit-elle.

Auteur

  • Judith Chetrit