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Égalité : À Cuba, les femmes ont du mal à se faire une place dans le privé

À retenir | publié le : 29.05.2023 | Hector Lemieux

Si les femmes ont, sur l’île, plus de droits que dans bien des pays latino-américains, les Cubaines déplorent que, dans le secteur privé, elles occupent moins de postes à responsabilité que dans le secteur public.

« Des défis liés au genre dans le secteur privé à Cuba », titrait récemment l’agence de presse cubaine Prensa Latina, précisant que « la faible participation des femmes aux formes non étatiques de gestion a plusieurs causes, parmi lesquelles le problème culturel lié à la vision des hommes en tant qu’entrepreneurs et propriétaires d’entreprises. Il ne doit pas nécessairement en être ainsi. C’est une situation qui inhibe en partie les femmes ». En effet, les petites entreprises privées, qui ont le vent en poupe à Cuba depuis le virage « capitaliste » de l’île en 2010, sont le plus souvent dirigées par des hommes. Moins de 25 % de femmes sont à leur tête. La révolution cubaine a pourtant multiplié les lois pour favoriser l’égalité hommes-femmes et a octroyé de nombreux droits à ces dernières, qui n’existaient pas avant 1959, notamment dans le domaine du travail. Dès les débuts de la révolution, la Federación de Mujeres Cubanas (Fédération des femmes cubaines) a été créée pour permettre aux Cubaines de s’émanciper. Elle compte aujourd’hui plus de 4 millions d’adhérentes et dispose d’antennes dans presque chaque quartier. L’égalité, tant dans le travail que dans la vie quotidienne, est parfaitement encadrée par des textes législatifs. L’une des plus grandes réussites de la révolution est ainsi d’avoir donné aux femmes un large accès à l’éducation. Elles sont doyennes de faculté, médecins, techniciennes. Et selon l’article 44 de la Constitution : « L’État garantit que l’on donne à la femme les mêmes opportunités et possibilités qu’à l’homme afin qu’elle participe pleinement au développement du pays. »

Et pourtant… « Lorsque l’on fait des affaires à Cuba, mieux vaut être un homme », confirme un diplomate sur place. « À Cuba, les femmes, qu’elles soient à la maison ou au travail, ne sont rien, les hommes nous traitent comme des biens meubles, comme leurs possessions », soupire Idaly, travailleuse du secteur de la santé. L’une des raisons de ce manque de progrès viendrait « du rôle de soignants que jouent les femmes, que ce soit pour les enfants, les personnes âgées ou le foyer. Il existe des politiques publiques pour autonomiser les femmes dans le secteur étatique et qu’elles puissent occuper des postes à responsabilité. Il faut avancer, dans ce sens, dans le secteur privé », relève l’un des spécialistes du ministère de l’Économie et du Plan, Daniel Torralba. Mais au-delà de ces belles paroles, les initiatives gouvernementales sont minces.

C’est pourquoi l’ambassade des États-Unis à La Havane multiplie les formations à l’attention des Cubaines. Le département d’État vient de lancer un programme, Academy for Women Entrepreneurs, avec, au menu, les meilleures techniques pour vendre sa marque, mais aussi comment créer un modèle de commerce durable et des stratégies de vente sur Internet. Une initiative louable, mais un brin déconnectée, dans un pays où l’accès à Internet est limité…

Des départs en masse

En fait, rien ne va plus à Cuba. Le machisme et les féminicides passent de plus en plus mal. Et un vent de révolte souffle ces derniers mois chez les femmes. Mais cela dépasse leur place dans le privé… Les palais coloniaux du Malecon, le front de mer, s’écroulent les uns après les autres. Les habitants de La Havane se demandent : « Hasta cuando ? Jusqu’à quand ? » Jusqu’à quand le pays va-t-il se déliter ? Partout, des petits panneaux en bois ou en carton, écrits à la craie sur les portes des maisons, indiquent « Se Vende (à vendre) ». Des quartiers entiers se désertifient. Plusieurs centaines de milliers de travailleurs ont quitté Cuba en 2021 et environ 500 000 sont partis en 2022 aux États-Unis, en Espagne, en Italie et dans les pays sud-américains.

Appel aux retraités ou aux ados

L’hémorragie des forces vives se poursuit. « Ce sont les jeunes qui sont partis et ceux qui ont le plus d’argent. Il ne reste plus que les morts de faim », estime Yadira, une Havanaise. « Et c’est encore pire en Oriente (l’Est du pays). Là-bas, il n’y a plus d’argent, plus d’électricité », ajoute-t-elle. Les conséquences sont dramatiques. Du fait de la pénurie de maind’œuvre, les entreprises produisent moins. Des restaurants autrefois prospères ferment leurs portes, faute d’employés. Pour y remédier, le gouvernement fait appel aux retraités ou aux ados. Luis Miguel, 17 ans, se réjouit de cette situation. Il a trouvé un emploi de serveur dans un hôtel pour touristes. « Jamais je n’aurais pu trouver ce travail il y a encore trois ans, mais j’économise – pour partir à l’étranger », ajoute-t-il…

Auteur

  • Hector Lemieux