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Dialogue social : Les salariés américains ont encore du mal à se syndiquer

À retenir | publié le : 22.05.2023 | Lys Zohin

L’an dernier, la presse américaine se faisait l’écho des nombreuses initiatives en matière de syndicalisation – des 250 établissements Starbucks aux travailleurs des entrepôts d’Amazon. En outre, les demandes officielles, qu’il faut déposer auprès du National Labor Relations Board, ont progressé de 53 % en 2022 par rapport à 2021. Au point que la Maison Blanche se félicite de ce nouveau boom. Reste que les chiffres, rendus publics par l’administration américaine sur l’année 2022 et décortiqués récemment par le site de la radio publique NPR, sont loin de donner l’image d’une véritable résurgence. En fait, la proportion de salariés syndiqués a continué à baisser. L’an dernier, le nombre de personnes affiliées à un syndicat a reculé de 0,2 point, à 10,1 %. Un plus bas niveau historique. Et c’est la deuxième année consécutive que le niveau de syndicalisation baisse. Dans les années 1950, en effet, près d’un salarié sur trois était syndiqué. Alors, certes, près de 200 000 salariés ont bien rejoint un syndicat l’an dernier aux États-Unis, mais le nombre d’emplois non syndiqués s’est, lui, accru, à mesure que l’économie évolue vers des métiers moins industriels, relativisant ainsi le mouvement. Sans oublier le fait que le turn-over, en particulier dans le secteur des services, dont les entreprises sont en outre plus petites et plus éclatées, est de plus en plus élevé, pénalisant là aussi la syndicalisation.

Cela dit, les chercheurs de l’université Cornell, spécialisés dans les relations syndicales, montrent, dans un récent rapport, que ces chiffres ne disent pas tout. Il y aurait bien une ébullition dans le monde du travail. À preuve, les mouvements de grève qu’ils ont enregistrés sur l’année passée sont en hausse de 52 % par rapport à l’année précédente, bien qu’ils ne se situent qu’à un total de 424… Une misère par rapport aux actions des années 1950 ou 1970. Et cela malgré un marché de l’emploi tendu et une grogne générale de la part des salariés en poste. Les chercheurs parlent donc d’un paradoxe syndical : ils connaissent, en théorie, une popularité record, mais en même temps, une baisse d’affiliation tout aussi record… NPR a demandé à Suresh Naidu, économiste à l’université Columbia, comment ce paradoxe pouvait s’expliquer. D’abord, « la loi américaine impose d’énormes barrières à la syndicalisation », dit-il. Pour espérer rejoindre un syndicat, les salariés qui veulent le faire doivent convaincre la moitié plus un de leurs collègues, ce qui requiert déjà une campagne de sensibilisation. Ensuite, les employeurs ne se privent pas de mettre en place certaines actions – mêmes illégales – pour court-circuiter ce genre d’initiatives. Enfin, de nombreux États ont adopté des lois dites « du droit de travailler », qui rendent plus difficile l’affiliation à un syndicat. Et certaines entreprises en profitent même pour partir d’un État plus favorable aux syndicats et s’installer dans un autre, moins favorable. Et bien sûr, tant les délocalisations passées que l’automatisation actuelle donnent aux entreprises des moyens de limiter les possibilités des syndicats de défendre les droits des salariés. Et quand les employeurs sont dans l’obligation de négocier avec un syndicat, ils traînent des pieds. De nos jours, les négociations n’aboutissent qu’après une moyenne de 465 jours, pointe l’économiste à l’université Columbia.

Auteur

  • Lys Zohin