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Le climat apporte de nouveaux défis aux RH

Le point sur | publié le : 15.05.2023 | Lys Zohin

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Métiers : Le climat apporte de nouveaux défis aux RH

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La lutte contre le dérèglement climatique requiert plus que de simples engagements RSE. Aujourd’hui, ce sont toutes les activités des entreprises – sans exception – qu’il faut verdir. Pour les responsables RH, cela implique de former l’ensemble des personnels et de détecter, en matière de recrutement, les talents qui sauront s’engager dans une démarche collective. Un rapport, produit par le Lab RH, PageGroup, Renault et Axa Climate School, fait le point sur les enjeux et donne des pistes pour passer à l’échelle.

C’est vrai, les DRH ont eu fort à faire ces derniers temps. D’abord gérer la crise Covid et sa cohorte de difficultés, tant sur le plan économique qu’organisationnel, avec, notamment, la généralisation du télétravail. Puis, au sortir de la pandémie, sont venues d’autres crises : exacerbation de la pénurie de main-d’œuvre, envolée des prix de l’énergie, menace de récession… Autant d’urgences qui ont eu de quoi leur en faire oublier une autre : le climat. Pourtant, de rapports du Giec en rapports du Giec, de vagues de chaleur intempestives en sécheresses catastrophiques, il n’y a plus moyen d’ignorer la nécessité impérieuse de lutter contre le dérèglement climatique. Or comme le constate un récent rapport du Lab RH, PageGroup, Renault et Axa Climate School, décrivant les défis RH dans ce domaine et les actions à mettre en œuvre pour conjurer le sort, « si la nécessité à agir fait consensus chez les RH […], un nombre limité d’entreprises s’engagent dans une transition verte ambitieuse. Le mouvement reste disparate et d’une ampleur insuffisante ». Le premier défi est donc d’abord de « passer à l’échelle », indique Alexandra Malak, VP HR Operations de Renault. Puisque c’est bien une généralisation des actions, dans le cadre d’une démarche collective, qui est nécessaire.

Pourquoi tant de difficultés de la part des entreprises ? Et pourquoi les RH ne sont-ils pas à la manœuvre ? « La situation actuelle ressemble à celle qu’ont connue les directions des ressources humaines lors de la transformation numérique, répond-elle. Elles n’étaient pas aux avant-postes. Les directions informatiques l’étaient. Et ça n’est que lorsque leur propre métier a été transformé par le digital que les spécialistes RH se sont emparés du sujet. » Aujourd’hui, le numérique, sous diverses formes, imprègne toutes les activités d’une entreprise, depuis le recrutement, à base d’intelligence artificielle, et l’e-formation, jusqu’à la mutation des métiers et de l’organisation du travail, grâce aux logiciels et autres outils intelligents.

Toutes les tâches à verdir

Désormais, ce sont toutes les tâches, quelles qu’elles soient, qu’il faut verdir. Finie, donc, la séparation entre des métiers dits verts – installateurs de panneaux solaires, par exemple – et les autres. Chaque poste doit prendre en compte la dimension environnementale et l’impact sur la planète de l’activité générée. L’heure est au recours à des énergies durables pour la production industrielle et les centres de données, à l’écoconception pour les produits, à la chasse au gaspillage pour les trop nombreux e-mails ou les plastiques, à la mise en place de filières de recyclage, à la certification d’origine durable pour les matières premières… Pour pleinement intégrer cette nouvelle donne dans tous les métiers, les DRH devront former les équipes. Du fait que « la majeure partie de la transition se fera par ce que l’on appelle des métiers verdissants : des postes dont la finalité n’est pas environnementale, mais qui intègrent de nouvelles “briques de compétences” pour prendre en compte l’environnement », résume le rapport, les RH doivent dès aujourd’hui « anticiper et planifier les emplois et compétences de demain ». Et cela vaut aussi bien pour les commerciaux et les acheteurs, les responsables innovation et R&D, les spécialistes du marketing… Si certaines organisations s’embarquent dans une sensibilisation des équipes, par le biais, notamment, de Fresques du climat, et tentent de faire évoluer les comportements des collaborateurs, en particulier en matière de mobilités, les RH, garants de l’employabilité des collaborateurs, doivent faire davantage. « Au même titre que l’on parle désormais d’entreprise régénérative pour ce qui est de l’environnement, afin d’en assurer la préservation à long terme, alors qu’elles ont fondé leur modèle d’affaires sur l’exploitation des ressources naturelles et l’extraction de matières premières, les organisations ont également la responsabilité de s’assurer que les autres ressources, humaines cette fois-ci, sont elles aussi préservées, et cela passe par la formation, dans des viviers qui couvrent un territoire plutôt que la seule entreprise », précise Antoine Poincaré, directeur de l’Axa Climate School, lancée en 2021 dans le but d’informer et de former pour atteindre le fameux passage à l’échelle.

Nouveaux métiers

Mais ce n’est pas tout. De nouveaux métiers vont émerger. Le rapport en dresse même une liste (non exhaustive, voir ci-après). Ils vont de responsable du score social et environnemental de l’entreprise à expert en transition travail bas carbone en passant par conseiller en reconversion verte ou responsable des avantages sociaux climatiques, entre autres. Où les recruteurs trouveront-ils ces talents ? « Sans doute devront-ils d’abord reconnaître et valoriser les compétences en interne », indique Alexandra Malak. Et s’ils doivent chercher à l’extérieur, quitte à ensuite former en interne, ils devront avant tout se concentrer sur les soft skills. « Il leur faudra détecter les candidats qui sont capables de jouer collectif, car il est clair que la transition écologique doit rassembler tous les cerveaux pour innover, aucun individu n’étant capable de la mettre en œuvre seul », ajoute-t-elle. Mais dans ces conditions, faut-il aussi créer un nouveau poste, celui de Chief Climate Officer ? « Cela dépend des secteurs et des entreprises, avance Frédéric Benay, Managing Director de PageGroup France. S’il s’agit d’atteindre rapidement des objectifs environnementaux élevés, en fonction de l’impact des activités, alors, cette fonction offensive est clé. Le Chief Climate Officer sera le chef d’orchestre de tous les efforts au sein de l’organisation, et cette fonction viendra en complément de celle de la direction RH. » Dans les deux cas, d’ailleurs, charge à ces professionnels de convaincre l’ensemble des membres du comex de la nécessité de consentir les investissements requis pour relever le défi de la transition écologique…

Rémunérations liées

Enfin, les directions des ressources humaines devront aussi réfléchir à la rémunération de ces nouveaux talents. Au-delà de les reconnaître en interne, faudra-t-il les payer davantage, du fait de compétences très demandées sur le marché ? « La pénurie de spécialistes fera, comme pour d’autres métiers, monter les prix, estime Frédéric Benay, mais surtout, si certains dirigeants voient déjà leur bonus lié à des critères de responsabilité sociale et environnementale, cette pratique devrait “descendre”, sous forme de primes ou autres, pour toucher l’ensemble des salariés, en fonction d’objectifs de décarbonation à atteindre. » Il s’agit, par ce biais, d’englober toutes les facettes du travail et d’embarquer tout le monde.

Droit social

Par ailleurs, de nouveaux casse-têtes vont apparaître pour les RH. De l’avis des experts et des économistes, pour réussir, la transition écologique doit s’accompagner d’une transition sociale, sous peine de non-acceptabilité de la part des citoyens. Se poseront alors certaines questions de droit du travail, en fait, qu’il faudra résoudre. Quid, ainsi, du travail en périodes répétées de fortes chaleurs ? Les entreprises de la construction sont déjà rompues à l’exercice et protègent leurs salariés, mais s’il s’agit de travailler dans un bureau non climatisé ? « Et les RH devront aussi prendre en compte la baisse de productivité en raison de conditions de travail dégradées du fait de la chaleur… », souligne Antoine Poincaré. Quid, également, des tâches qu’il vaudrait mieux effectuer aux heures creuses en ce qui concerne la demande d’électricité ? La nuit, par exemple ? Faudra-t-il négocier un nouveau contrat de travail ? En tout cas, il est clair que le dialogue social, déjà investi, via les CSE, d’une nouvelle responsabilité environnementale, devra être efficace, de même que la gouvernance de l’entreprise en général. Il s’agit de gagner aussi bien en « profondeur » dans les métiers pour tous les verdir qu’en extension des efforts pour les généraliser. Et dans cet élan, les directions des ressources humaines, devenues centrales lors de la crise Covid, le seront tout autant pour la décarbonation des activités. En somme, conclut Frédéric Benay, « ces défis représentent une opportunité énorme pour les DRH ». Il ne leur reste plus qu’à la saisir…

Auteur

  • Lys Zohin