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« Une nouvelle politique de proximité se met en place »

À retenir | publié le : 15.05.2023 | Lys Zohin

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« Une nouvelle politique de proximité se met en place »

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Consultant en maîtrise d’ouvrage et responsable du pôle Finance au sein du bureau technique du groupe Meritis, une société de conseil en technologies, ce spécialiste a détecté une nouvelle tendance dans les recrutements tech : toujours en partie à l’étranger, certes, mais dans des fuseaux horaires plus compatibles avec les activités en France. Explications.

Vous observez une nouvelle tendance dans les recrutements tech…

En effet, j’ai noté une évolution, d’abord de façon empirique, puisque du fait de notre statut de société de conseil en technologies, nous avons nous-mêmes des besoins de recrutement. Et nous regardons évidemment ce que fait la concurrence et l’écosystème en général. J’ai donc remarqué que, certes, les besoins de talents sont toujours aussi forts, ne serait-ce que parce que les entreprises, partout dans le monde, poursuivent la digitalisation de leurs activités, mais que, contrairement à ce qui se produisait ces dernières années, lorsque les employeurs allaient chercher, en raison de la pénurie de talents chez eux, une partie de leurs développeurs en Inde, par exemple, auxquels ils sous-traitaient certaines activités, ils se sont rendu compte que les avantages qu’ils y trouvaient, en particulier en matière de coût du travail, moins élevé à Bangalore qu’à Paris, étaient en fait annulés par des inconvénients, en matière de délais, principalement. Or la question des délais est de plus en plus cruciale, d’autant que les organisations fonctionnent en mode projet, une pratique poussée depuis plusieurs années dans certains secteurs, dont la tech, et qui requiert des méthodes de travail agiles. Or ces méthodes agiles ne s’adaptent pas bien à un éclatement des équipes sur plusieurs continents, puisqu’il faut non seulement parler en permanence aux équipes, mais aussi obtenir des réponses rapides à des questions. La réactivité est devenue essentielle. Et c’est vrai aussi bien pour les aspects pré-projet que post-projet… Si l’un des développeurs est situé dans une autre zone horaire, en Inde, par exemple, la réponse ne viendra pas immédiatement. Il faudra attendre, entre l’aller et le retour, au moins 24 heures, voire 48 heures, puisqu’on ne peut pas demander à quelqu’un de travailler la nuit ou de participer à des réunions d’équipes à certaines heures… Autant de délais qui s’accumulent et reviennent, in fine, assez cher, que ce soit en coûts directs ou indirects. C’est donc, comme dans le cas des relocalisations de production industrielle, une nouvelle politique de proximité qui se met en place.

Que font les entreprises ?

Elles privilégient de plus en plus le recrutement de talents situés dans des zones horaires compatibles. Ce qui signifie, pour la France, de s’adresser à des pays qui avaient été quelque peu délaissés auparavant. Ainsi, si le Portugal était déjà réputé pour la qualité de ses techies, nous voyons maintenant des entreprises chercher du côté du Maroc, qui bénéficie de vrais talents et n’est pas, en plus, en pénurie. Bref, c’est, à partir de la France, tout le sud, dont les pays du Maghreb, voire plus loin, qui est sollicité. Ce qui est une vraie opportunité pour les talents de ces pays. Et pour les employeurs également, car ces spécialistes sont moins chers que ceux, eux aussi très réputés, du nord de l’Europe. En outre, du fait de l’amélioration sensible des outils d’échange depuis la crise Covid, les entreprises peuvent laisser les talents en télétravail un peu partout dans les zones horaires compatibles, sans avoir à dépenser du temps et de l’énergie pour des démarches administratives en vue de l’obtention d’un visa de travail pour la France.

N’y a-t-il pas d’autres contraintes cependant ?

Les contraintes qui découlent de cette volonté de tenir de plus en plus compte de la latitude et de la longitude des talents sont celles qu’ont connues les managers durant la crise Covid et après, avec le télétravail. Il faut savoir gérer des équipes à distance, les faire interagir et, qui plus est, apprendre à lâcher prise. Cette gestion demande un certain entraînement, d’autant plus nécessaire du fait de la généralisation des méthodes agiles que je viens de mentionner. Nous constatons déjà aussi, malheureusement, des effets pervers : une entreprise peut ainsi faire appel à des développeurs au Portugal, mais ces derniers sous-traitent eux-mêmes une partie du travail à des spécialistes à Bangalore ou ailleurs, pour profiter de moindres coûts…

Auteur

  • Lys Zohin