« Votre leadership n’est pas assez authentique ou transformationnel ? Votre agilité laisse à désirer ? Les mindsets de vos équipes ne sont pas encore libérés ? Quant à votre bienveillance, un stage de développement personnel ne serait-il pas superflu ? »

Qui n’a pas ressenti un malaise lorsque, au cours d’un séminaire, l’animateur présente un concept creux mais ronflant ? Ou lorsque notre supérieur hiérarchique nous annonce son intention de se lancer dans une démarche « d’agilience » ? On hésite alors entre consternation et hilarité. Pourtant, analyse l’auteur, « nous éprouvons des difficultés à faire part de notre opinion, à questionner, à discuter, à réfuter. C’est ainsi que le bullshit managérial se diffuse dans les organisations et les ronge. »

Christophe Genoud est nourri de sociologie des organisations et de littérature managériale. Il a été enseignant et chercheur en management public avant d’entamer une carrière de consultant. Il publie régulièrement sur les pages du quotidien Le Temps où il alimente un blog acéré intitulé « Chroniques managériales ». Il a été et reste encore aujourd’hui exaspéré par l’indigence et à la pauvreté des discours contemporains sur le management. Son regard critique n’empêche pas cet ouvrage d’être une déclaration d’amour faite aux managers.

En s’appuyant sur de solides références, l’auteur étudie par exemple le concept de résilience. « Résilier, c’est se prendre des coups. Mais quand ceux-ci pleuvent, ils provoquent douleur, souffrance et angoisse », prévient-il. Pour éviter l’effondrement et permettre le rebond, entrent en scène les « toxic handlers » (décrits par les chercheurs Guy Koninckx et Gilles Teneau). Ces éponges à négativité humaine sont de véritables doudous organisationnels, liens directs entre ceux qui souffrent et ceux qui dirigent l’entreprise. Il y a ceux qui donnent confiance (à travers la sympathie et la bienveillance), ceux qui portent la souffrance et ceux qui véhiculent de la compassion (outre le fait d’être sympathiques, ils font du yoga et de la méditation). Mais tout le monde ne peut pas être un « toxic handlers » à haut potentiel. Pour cela, il faut s’investir dans les techniques de développement personnel pour passer de la souffrance au bien-être. « C’est beau, on a la larme à l’œil. Souffrez, c’est pour le bien de votre patron, on vous dit ! », ironise Christophe Genoud avant d’apporter, dans les chapitres suivants, des solutions concrètes aux managers. L’ouvrage n’est pas sans rappeler la bande dessinée Chief Bullshit Officer 2.0 (Éditions Diateino, avril 2023) dans laquelle François-Xavier Chenevat met en scène Léonce, cadre un peu fatigué, qui se la coule douce au bureau, entre réunions inutiles, projets creux et collaborateurs incompétents. Du stagiaire de troisième aux actionnaires, chacun voit ses paradoxes affichés et ses petits travers dénoncés.