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Numérique : Les réseaux sociaux sont devenus incontournables – et dangereux

Tendances | publié le : 01.05.2023 | Nathalie Tissot

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Numérique : Les réseaux sociaux sont devenus incontournables – et dangereux

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Essentiels à la communication des entreprises, les réseaux sociaux comportent aussi des dangers, en matière de cybersécurité ou de réputation. Certaines forment désormais leurs salariés ou encadrent les usages.

Le 24 mars dernier, le ministre de la Transformation et de la Fonction publique, Stanislas Guerini, annonçait l’interdiction des applications « récréatives » sur les téléphones professionnels des 2,5 millions d’agents de la fonction publique d’État. Parmi elles : TikTok, Netflix, Tinder, Instagram ou Candy Crush.

Elles ne « présentent pas les niveaux de cybersécurité et de protection des données suffisants pour être déployées sur les équipements des administrations », indiquait le communiqué, tout en précisant que des dérogations seraient possibles pour les fonctionnaires en ayant le besoin dans le cadre de l’exercice de leurs missions. L’administration française emboîtait ainsi le pas à son homologue américaine, à la Commission européenne et au Parlement européen. Tous ont adopté le même type de mesures à l’encontre de l’application de vidéos chinoise TikTok, suspectée d’être utilisée par les services de renseignements de Pékin pour des opérations d’espionnage.

Ce type de menace concerne également les entreprises. Les enjeux sont élevés. « Petites et grandes sociétés développent des programmes de sécurisation de leurs données parce qu’elles savent que l’espionnage industriel peut passer par le digital », confirme Benoît Serre, DRH de L’Oréal et vice-président de l’ANDRH, qui rappelle qu’au moment de la crise Covid, certaines organisations avaient interdit des outils comme Teams ou Google Meet, les considérant comme insuffisamment sécurisés.

Au-delà de ces motivations relevant de la cybersécurité, Stanislas Guerini affirmait dans une interview sur France Info, le 30 mars dernier, que ces applications « récréatives » n’avaient pas leur place au travail… De fait, si les réseaux sociaux sont devenus incontournables en matière de communication pour les employeurs, leur usage ne sert pas toujours leurs intérêts. Un salarié peut, par exemple, y passer beaucoup de temps au détriment de l’exercice de sa fonction, même si Benoît Serre relève alors qu’il ne s’agit pas tant d’« un problème de réseaux sociaux que d’un collaborateur qui ne travaille pas »…

« Un salarié a le droit d’utiliser ses mails et les réseaux sociaux dans le cadre de sa vie privée au sein même de l’entreprise, mais l’employeur a la possibilité d’encadrer cet usage parce qu’il ne faut pas que cela entrave l’exercice de l’activité professionnelle », précise Alexandre Lazarègue, avocat spécialiste du droit numérique. Des groupes de salariés peuvent aussi se créer grâce à certaines applications de messagerie instantanée et « court-circuiter leur hiérarchie », relève Jean-François Foucard, secrétaire national CFE-CGC en charge de l’emploi et de la formation. « Nous disposons de beaucoup d’outils permettant de créer un collectif qui s’autogère par rapport aux consignes voire ne les respecte plus », ajoute-t-il.

À la frontière entre vie personnelle et vie professionnelle, réglementer ces usages s’avère difficile pour l’employeur, qui doit respecter le droit à la liberté d’expression de chacun. Il peut néanmoins agir si des posts nuisent à sa réputation, volontairement ou non. Tenu au devoir de loyauté, le salarié identifiable comme collaborateur de l’entreprise et qui s’exprime dans le cadre de sa vie privée mais dans l’espace public, peut être sanctionné. Même si ces messages ne concernent pas directement son activité professionnelle, « l’entreprise pourrait estimer qu’ils lui portent préjudice si des propos tenus sont répréhensibles. Elle serait donc légitime à considérer que sa réputation a été atteinte », indique Maître Lazarègue, qui souligne la distinction dans les jurisprudences entre les messages publics et ceux postés dans un groupe privé. Le nombre de destinataires est alors pris en compte. « S’il y en a une dizaine, cela passe, mais s’il y en a un millier, l’employeur peut reprocher au salarié de l’avoir diffamé ou injurié », précise l’avocat.

Ambassadeurs

Pour prévenir ce genre de situations, les entreprises préfèrent de plus en plus former leur personnel. Certains grands groupes sollicitent même les collaborateurs pour qu’ils deviennent « ambassadeurs » de leur marque. « Il vaut mieux accompagner, donner des clés pour que les salariés s’emparent de ce sujet plutôt que de les en empêcher ou de trop cadrer », estime Stéphanie Glémot, directrice de la communication d’IBM.

La multinationale a ainsi lancé en 2021 un programme d’« employee advocacy ». « Les ambassadeurs nous servent à amplifier des évènements, des annonces ou des moments clés », explique la directrice de la communication. L’objectif de cette stratégie est double : « Faire savoir à l’extérieur et générer l’engagement en interne », dit-elle. En mars 2023, les salariés d’IBM, regroupés dans des réseaux internes autour du handicap, de la mixité, des femmes… ont ainsi organisé des ateliers et des conférences qu’ils ont relayés sur les réseaux sociaux « avec leurs propres visuels, leurs propres mots », cite en exemple Stéphanie Glémot. Et l’entreprise compte aujourd’hui 224 ambassadeurs, répartis dans tous les services (RH, experts en intelligence artificielle, consulting…). Une progression de 187 % en un an. « Il s’agit vraiment d’un engagement spontané et volontaire, insiste-t-elle. Nous allons suggérer, accompagner, mais nous n’imposons rien. » Les collaborateurs, qui profitent ainsi d’une montée en compétences sur ce sujet, sont libres de publier quand ils le souhaitent. « Nous ne sommes pas du tout dans une stratégie de prêt-à-poster », assure la directrice de la communication, qui se félicite de l’authenticité apportée aux contenus.

Face au développement de ces pratiques, Alexandre Lazarègue met néanmoins en garde. Le salarié « n’a pas à être contraint de promouvoir son entreprise dans le cadre de son activité privée à travers ses comptes personnels de réseaux sociaux », tranche-t-il. Selon cet avocat, un employeur peut demander à un salarié de signaler, sur LinkedIn, par exemple, qu’il a rejoint ses équipes « et le cas échéant, de participer, à travers des posts, à l’activité réseaux sociaux de l’entreprise », ajoute-t-il. Pour conclure cependant que cela « doit être contractuellement prévu et relever du pur consentement du salarié ». Ce dernier est alors en droit de refuser cette démarche – sans subir de conséquences.

Auteur

  • Nathalie Tissot