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Les clés

Faire du bon et du beau travail, un droit moral pour chaque salarié

Les clés | À lire | publié le : 01.05.2023 | Irène Lopez

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Faire du bon et du beau travail, un droit moral pour chaque salarié

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Le travail occupe une place centrale dans nos vies modernes. Bien que capitale, sa dimension esthétique est toutefois souvent négligée. Or nous avons besoin de pouvoir faire du beau travail, du travail bien fait, d’avoir de bonnes relations de travail et de travailler dans un cadre acceptable, affirme Jean-Philippe Bouilloud dans son essai Pouvoir faire un beau travail. Une revendication professionnelle.

Un ébéniste qui caresse une pièce de bois pour en apprécier le fini, un soudeur qui apprécie la perfection d’une soudure comme un chirurgien celle d’une suture, un maçon de campagne qui cherche à « contenter l’œil »… Qu’ont en commun ces différents acteurs du monde du travail ? Ils apprécient le beau travail, la « belle ouvrage ». C’est le point de départ de cet essai du sociologue Jean-Philippe Bouilloud. Assurément, il faut « gagner sa vie ». Sans oublier un impératif social, qui permet aussi bien de sortir d’une éventuelle solitude que de se sentir utile. Mais il n’y a pas que cela : il y a nos émotions et l’esthétique.

Être fier de ce que l’on fait

Or selon le sociologue, « il est de plus en plus difficile de pouvoir faire du beau travail, du travail bien fait, d’avoir de bonnes relations professionnelles, dans un cadre acceptable. Pouvoir faire un beau travail, c’est pouvoir être fier de ce que l’on fait, alors que l’oubli du beau, voire son empêchement, met chacun dans l’inconfort et la frustration. » Les conditions imposées par la rationalisation du travail, la course éperdue aux réductions de coûts et la prévalence des seules dimensions économiques ont fait voler en éclat les anciens rapports au travail. Ces théories de gestion sont fortement critiquées. L’auteur cite pêle-mêle des auteurs aussi divers que Théophile Gautier, Ernest Renan, Honoré de Balzac, Friedrich Nietzsche ou Charles Péguy. De fait, l’esthétique est largement absente de notre appréhension de la vie économique et du travail. « Il faut dire que les notions d’esthétique, de sensation et de beauté ont mauvaise presse », déclare l’auteur. L’image actuelle du travail est en outre davantage marquée par des questions de domination, d’aliénation ou de risques psychosociaux… Or quel poids peut avoir l’esthétique face à la prégnance réelle des difficultés matérielles d’une vie quotidienne ? Pour lui, « faire un beau travail, c’est résister à la pression économique et gestionnaire de l’organisation. À côté de la souffrance éthique, il y a une véritable souffrance esthétique dans l’empêchement de ce beau travail qui demeure pourtant une véritable revendication professionnelle et un droit moral pour chacun. » Si Jean-Philippe Bouilloud appelle de ses vœux un retour du désir de beau, fondé sur un « besoin de beauté », pour Sartre, « reconnaître l’esthétique dans le spectacle d’une usine le soir serait courir le risque d’être “un salaud”, qui relègue au deuxième rang les difficultés objectives des rapports de production, derrière des apparences esthétiques séduisantes ». Un avertissement qui ramène à des pensées plus terre à terre – et plus conformes aux préoccupations actuelles d’une majorité de salariés…

Auteur

  • Irène Lopez