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Le grand entretien

« Les réseaux sociaux d’entreprise créent de nouvelles opportunités »

Le grand entretien | publié le : 01.05.2023 | Frédéric Brillet

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« Les réseaux sociaux d’entreprise créent de nouvelles opportunités »

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Dans son ouvrage consacré aux réseaux sociaux d’entreprise publié chez Gereso, le consultant Virgile Lungu passe en revue les mérites de cet outil qui favorise la communication et l’innovation collaborative.

Quand ont émergé en France et à l’étranger les premiers réseaux sociaux d’entreprise ?

Les réseaux professionnels internes, aussi appelés réseaux sociaux d’entreprise, sont apparus à la fin des années 2000, en marge du succès populaire des réseaux sociaux grand public dont ils ont essayé de reproduire les mécanismes de mise en relation et de fédération des talents et des savoirs. Historiquement, un réseau social a comme particularité de rendre visible pour ses membres le profil d’une personne pour faciliter la mise en relation. Du point de vue professionnel, cette fonctionnalité est très intéressante pour cibler son contact et réaliser une première rencontre. Cependant, même s’ils se fondent sur une inspiration commune, les réseaux sociaux d’entreprise, réservés à ces membres – collaborateurs ou acteurs de son écosystème (clients et fournisseurs) –, ne doivent pas être confondus avec les réseaux sociaux professionnels externes ouverts à tous (comme LinkedIn ou Viadeo), et encore moins avec les réseaux sociaux grand public (Facebook, Twitter, TikTok…).

A-t-on une idée du nombre de réseaux sociaux d’entreprise, des secteurs concernés et du profil de leurs utilisateurs ?

La mise en œuvre de ces réseaux est assez récente et la France compte quelques centaines de grandes entreprises qui ont déployé ce type de plateforme avec des succès divers. Le secteur de la distribution a joué un rôle pionnier, car beaucoup de distributeurs se caractérisent par une organisation en réseau fondée sur la franchise ou la concession (d’une marque, d’un service ou d’un produit). Tout l’enjeu est alors de partager des informations entre le producteur (franchiseur, industriel, détenteur du brevet, de la marque) et le distributeur sur un territoire. Les grands groupes dans différents secteurs ont par la suite emboîté le pas à la distribution. Quelque 80 % des sociétés du CAC 40 disposent ainsi aujourd’hui d’un réseau social interne, à l’image de Bouygues, Danone, Orange, Alstom, Air France, Lafarge ou Pernod-Ricard. Il n’en demeure pas moins que le déploiement de ces réseaux demeure très en deçà de l’explosion rapide que les experts les plus optimistes prévoyaient à la fin des années 2000. La raison de ce retard tient au fait que les entreprises avaient déjà mis en place des intranets facilitant la communication interne et devaient apprendre à maîtriser la communication avec les parties prenantes externes, clients ou fournisseurs.

Quelle différence peut-on faire entre un intranet et un réseau social d’entreprise ?

L’intranet se caractérise par une diffusion verticale de l’information, demeure sous le contrôle de la direction et a une faible dimension sociale. Plus flexible, configuré par les usagers qui font évoluer ses structures en permanence, le réseau social d’entreprise fonctionne de manière décentralisée. Chaque membre peut par exemple créer et partager des contenus, des groupes de travail et des forums de discussion réunissant des communautés professionnelles dans une dynamique d’échange d’informations visant la création de valeur en interne (nouvelle offre, nouveau marché) ou en externe (faire rayonner les avantages concurrentiels de l’entreprise).

Que peut-on attendre d’un réseau social d’entreprise ?

Beaucoup de choses, car il remplit de multiples fonctions. Il améliore la communication, la collaboration pour gérer en équipe des projets, la gestion de la relation client, la gestion des connaissances et des informations ainsi que la mobilité interne. Se doter d’un réseau social d’entreprise est un acte stratégique pour une organisation. Il permet de fournir des services facilement personnalisables aux collaborateurs, partenaires, fournisseurs, clients et autres acteurs économiques de son écosystème. En partant de leur espace personnel, les utilisateurs accèdent à des univers dans une navigation très intuitive, échangent et donnent leur avis, créant une dynamique qui nourrit la communauté. Pour le dire autrement, les réseaux sociaux d’entreprise créent de nouvelles opportunités et permettent aux organisations concernées de viser différents objectifs. D’abord, ils favorisent la collaboration entre les différents acteurs à travers des mises en relation, des coproductions, des discussions et de la concertation. À noter que ces acteurs peuvent être externes : l’ouverture vers des clients, des fournisseurs, des partenaires renforce les capacités d’innovation collaborative de l’entreprise, ce qui constitue un progrès majeur par rapport à un intranet. Ensuite, ces réseaux capitalisent sur les expertises internes et/ou externes pour faire en sorte que les ressources et les contributions puissent nourrir le top management sur des sujets qui font débat. Par ailleurs, ils ont le mérite de faire passer l’information d’une logique hiérarchique descendante à une logique ouverte, collaborative, transversale. Enfin, ils renforcent les liens au sein de l’entreprise, stimulent les synergies et les collaborations de toutes sortes : on voit ainsi des directions des ressources humaines piloter des projets avec des directions de systèmes d’information, ce qui se faisait très peu auparavant.

Ces objectifs que s’assignent ces réseaux sont-ils facilement atteignables ?

Tout dépend de la manière dont les employés et les partenaires des entreprises s’investissent. Les réseaux sociaux d’entreprise font partie de la grande famille des médias sociaux. Les enquêtes menées depuis dix ans sur ces derniers montrent une forte polarisation des usages. Dans le baromètre Hootsuite 2018 sur l’usage des médias sociaux dans les entreprises en France, on apprend que 1 % des membres créent des contenus, 10 % interagissent, avec 89 % qui ne font qu’observer, que cela soit en B2B ou B2C, mais 100 % en bénéficient. Cependant, tout utilisateur d’un réseau social d’entreprise qui publie de façon régulière des billets de bon niveau en vient à être suivi par d’autres salariés. Cela lui confère une forte légitimité, puisqu’il devient de fait un expert reconnu dans sa communauté professionnelle. Les DRH et les managers peuvent donc s’appuyer sur ce réseau pour identifier les talents clés des entreprises. C’est un outil utile à la politique RH, mais qui requiert un investissement préalable : la DRH doit s’appuyer sur de la formation pour donner à l’ensemble des collaborateurs d’une population (les futurs dirigeants, par exemple) la même chance d’exister dans ce qui devient un nouvel environnement de travail. La seule mise en place d’une plateforme ne suffira pas à identifier les nouveaux talents.

Quels sont les principaux fournisseurs de plateformes de réseaux sociaux d’entreprise et comment sont-ils choisis ?

Lors de l’installation d’un tel réseau, une entreprise peut opter pour une solution sur mesure ou clés en main proposée par les éditeurs. Parmi ces derniers, on observe une distinction entre les grands éditeurs comme Sharepoint de Microsoft ou Knowings, qui proposent des fonctionnalités de plus en plus sociales, et les éditeurs spécialistes des réseaux sociaux d’entreprise comme Bluekiwi, Talkspirit, Jalios ou Jamespot. Souvent, les entreprises choisissent l’éditeur des applications déjà utilisées en interne, car c’est interconnectable. Mais si l’entreprise a des besoins particuliers, elle aura intérêt à se doter d’un réseau développé sur mesure.

Quelles sont les articulations possibles entre ces réseaux et les autres types de réseaux sociaux ?

Les réseaux sociaux d’entreprise doivent être reliés aux autres réseaux sociaux pour améliorer la performance des entreprises. La plupart des organisations ont déjà leur propre page Facebook ou leur compte Twitter, où elles peuvent informer les clients sur de nouveaux produits, des offres spéciales et recevoir les commentaires des clients. Les réseaux sociaux d’entreprise peuvent ainsi puiser dans les réseaux sociaux externes toutes sortes d’informations utiles en interne. Le groupe bancaire BNP Paribas croise ainsi différents types de réseaux sociaux pour faire connaître en externe comme en interne ses métiers et ses produits.

Que doit-on faire pour assurer le succès du déploiement d’un réseau social d’entreprise ?

Il faut encourager une culture de l’innovation collaborative tant en interne qu’en externe dans la gestion des relations avec les clients, les fournisseurs et les autres partenaires. L’innovation collaborative et le réseau social d’entreprise fonctionnent en symbiose. Ingrédient essentiel pour stimuler le déploiement du réseau social d’entreprise, l’innovation collaborative implique souvent le partage de la propriété intellectuelle qui doit être régie par des règles claires en termes de secteurs d’application, de territoires et de durée d’exploitation. C’est une condition nécessaire pour que les membres du réseau extérieurs à l’entreprise se sentent en confiance pour s’y investir et y trouvent leur compte.

Quels sont les risques liés à la mise en place d’un réseau social d’entreprise ?

Comme tout investissement, elle génère des coûts directs (développement et maintenance de la plateforme, formation des salariés à son utilisation) et indirects liés à une utilisation abusive ou détournée. Les premiers temps, certains collaborateurs peuvent être tentés de surcommuniquer sur ce qu’ils font, passer trop de temps à naviguer, à échanger avec leurs collègues, d’où une baisse de la productivité. Et comme tout outil en ligne, le réseau social d’entreprise peut faire l’objet de cyberattaques. Sa mise en place doit donc s’accompagner d’une protection renforcée des données sensibles.

L’auteur

Virgile Lungu a suivi une formation d’ingénieur à l’université polytechnique de Bucarest, complétée par quatre masters en systèmes d’information, commerce international, gestion et administration d’entreprise, banque et finance à Paris. Il travaille aujourd’hui comme consultant auprès des directions opérationnelles et formateur en management.

Auteur

  • Frédéric Brillet