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Reconsidérer le travail !

Chroniques | publié le : 01.05.2023 |

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Reconsidérer le travail !

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Par Gilles Gateau directeur général de l’Apec

Le 1er mai, on fête le travail. Dans un climat bien particulier cette année en France. Les travailleurs ne sont pas à la fête, ils ont plus le cœur à la contestation qu’à la célébration, entre colère et résignation…

C’est aussi le moment où Sophie Thiéry et Jean-Dominique Senard viennent de remettre leur rapport dans le cadre des « Assises du travail », fort intelligemment intitulé « Reconsidérer le travail ». Voilà une ambition qui sonne juste !

En effet, la focalisation, de part et d’autre, sur l’âge légal du départ à la retraite nous dit moins de la retraite que… du travail ! De sa place dans nos vies, de sa pénibilité, parfois, de l’usure qu’il peut créer et qui rend inimaginable de s’y projeter encore quelques années de plus. Les cadres sont moins que d’autres exposés à cette pénibilité, mais les dernières années de leur vie professionnelle, à l’approche de la soixantaine, sont aussi parfois synonymes de souffrance, quand la relégation et le déclassement frappent nombre d’entre eux.

Nombreux sont ceux – et pas seulement parmi les opposants à la loi retraite – à considérer qu’il eut fallu commencer par là, dans le bon ordre. Parler travail, avant de parler fin du travail avec la retraite. Reconsidérer le travail, comme le suggèrent Sophie Thiéry et Jean-Dominique Senard, c’est-à-dire « à la fois repenser le travail et mieux le reconnaître (…). Dans un monde en pleine transformation, retrouver les voies de la confiance et du respect au sein des organisations du travail ».

C’est une évidence qui s’impose : notre rapport au travail a changé. Selon la Fondation Jean-Jaurès, la proportion de Français en activité donnant au travail une place « très importante » dans leur vie s’est effondrée en trente ans, passant de 60 % en 1990 à 24 % aujourd’hui. De ce point de vue, la crise sanitaire a servi non de déclencheur, mais de révélateur des aspirations, qui ne sont pas l’apanage de la seule génération Z. Des aspirations qui englobent la question de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, du développement personnel, de la reconnaissance et du sens au travail, et aussi du rapport à la hiérarchie et au management.

Les cadres sont aussi en attente de nouveaux modèles d’organisation du travail. Selon une enquête ANDRH/BCG, 78 % d’entre eux souhaitent plus de flexibilité quant aux lieux où s’effectue le travail, et plus de flexibilité quant aux horaires. L’Ifop a révélé, l’an dernier, que 61 % des salariés français préfèreraient, à choisir, désormais avoir plus de temps libre, quitte à gagner moins. C’est particulièrement vrai – sans surprise – des catégories professionnelles supérieures (72 %).

À ces attentes « personnelles » s’ajoutent des préoccupations touchant aux enjeux environnementaux et sociaux. En interrogeant la fameuse génération Z dans 45 pays, le cabinet Deloitte a mesuré que 75 % de jeunes cadres préféraient travailler pour une entreprise qui se soucie des questions environnementales et sociales, même si cela implique un salaire inférieur, plutôt que pour une entreprise qui ne s’en soucie pas. C’est un renversement d’importance, qui ira forcément en s’amplifiant.

Le travail change – et la valeur travail avec lui. Le rapport des Assises du travail ouvre de nombreuses pistes fécondes, qui sont pour beaucoup déjà sur la table depuis (très) longtemps : pacte de confiance reposant sur la reconnaissance et l’écoute des travailleurs, dialogue professionnel sur les conditions de travail, révolution des pratiques managériales, équilibres des temps de vie, accompagnement des transitions pour les salariés, droits portables tout au long du parcours professionnel…

Alors il va bien falloir, à un moment ou un autre, revenir au travail et ouvrir un vrai dialogue sur tous ces sujets. Avec audace et ambition, en écoutant ceux qui les vivent au quotidien.