Marie Rebeyrolle, anthropologue, dirigeante de Carré pluriel, spécialiste en accompagnement du changement et coach, apporte son éclairage sur cette pratique et ses limites.
Il y a une vraie contradiction entre les discours actuels sur cette question et la réalité. De mon point de vue, ce que font les start-up est très bien, mais il s’agit parfois, pour certaines, en tout cas, davantage de « RH washing » que de véritable culture d’entreprise, du fait que, par ailleurs, elles restent souvent dans des politiques de gestion humaine peu développées, qui continuent de mettre la pression sur les salariés… Je ne crois donc pas que la transparence salariale soit un mouvement de fond. En outre, l’individualisation des parcours et la disparition des collectifs dans les entreprises favorisent plutôt la rémunération au mérite. Or cette individualisation des parcours s’accommode mal de transparence, et n’induit pas non plus l’égalité des salaires… Enfin, lors des entretiens d’embauche, les candidats ne savent pas forcément ce qu’ils peuvent demander ou doivent espérer comme rémunération. Et dans ces conditions, une fois en poste, comment oser demander combien gagne votre collègue ? Cela pourrait vous révéler une injustice, d’un côté ou de l’autre, d’autant que les candidats ou les salariés en poste sont seuls pour négocier. Dans l’un des cas portés à ma connaissance, une personne en recherche d’emploi a bien indiqué son niveau de rémunération souhaité en entretien d’embauche, comme le recruteur le lui demandait. Puis, il lui a opposé le fait que ce montant était trop élevé, mais sans lui donner d’indication sur ce que pouvait proposer l’entreprise… Autant dire que la transparence sur les salaires est loin d’être la norme.
Celui de réduire l’arbitraire, d’abord. Nous retrouverions une certaine logique qui veut qu’à tel poste, à tel niveau de qualification, vous soyez payé tant, et c’est tout… L’un des problèmes actuellement est que les collaborateurs « sont » leur salaire. Une approche plus objective réduirait la dimension individualiste, le salarié serait moins en jeu et cela favoriserait le collectif. Les négociations pourraient porter sur des augmentations collectives et les salariés n’auraient pas à quémander une augmentation à leur supérieur hiérarchique. En fait, le principe du montant du salaire défini par le seul mérite apporte une pression terrible.
Notamment parce que cela réduirait les écarts de salaire hommes-femmes, l’argument essentiel étant que cela coûterait plus cher ! Plus de transparence occasionnerait moins de différences… et la masse salariale s’en trouverait fortement augmentée.