« En deux clics sur le logiciel de paie interne, chaque personne de l’entreprise a accès à l’information sur les rémunérations de tous ses collègues », assure Charles de Fréminville, le DRH de Lucca, un éditeur de logiciels RH qui pratique la transparence des salaires. Ce choix a d’abord été guidé par « la simplicité, dit-il. Cela permet d’éviter les discussions sur le sujet autour de la machine à café et va de pair avec un système de rémunération plus juste ». Coconstruites avec les directions et des représentants des salariés nommés « ambassadeurs métiers », les grilles de salaire sont ainsi définies selon des critères s’appuyant essentiellement sur la fonction et l’ancienneté de chaque collaborateur. Une pratique qui nécessite une certaine vigilance et doit en outre prendre en compte les rémunérations des entreprises concurrentes… Il s’agit donc d’évaluer les niveaux de salaires pour se situer au plus juste, « ce qui représente un travail continu », affirme Charles de Fréminville. Surtout pour des profils comme les développeurs, très recherchés par le marché. « Au-delà d’élaborer une grille salariale, il faut avoir des éléments factuels pour, notamment, limiter les risques d’écarts. Nous prenons en compte les remontées d’information de nos équipes de recrutement sur les métiers en tension pour que des profils ne nous filent pas entre les doigts et effectuons une veille sur de nouveaux métiers », indique-t-il.

Autre exemple, celui de la start-up à vocation sociale Vendredi, qui développe une plateforme pour accompagner les entreprises dans leurs démarches RSE et les mettre en lien avec des associations. « La question de la transparence salariale s’est posée lorsque nous avons grossi, relève Félix de Monts, l’un des cofondateurs. Nous sommes passés du statut associatif à celui d’une entreprise et nous avons estimé que ce principe de transparence sur les salaires était fondamental, au même titre que les autres enjeux de l’entreprise. Cela crée un lien de confiance, mais renforce aussi l’exigence vis-à-vis de la direction quant aux politiques de rémunération. » Avec un effet secondaire inattendu… La question devient, en effet, et presque paradoxalement, un sujet central, « en créant de la comparaison avec le marché externe », précise-t-il.

Toujours est-il que la grille est révisée chaque année. En outre, « chaque trimestre, tous les salariés sont réunis pendant au moins trois jours, période à l’issue de laquelle ils peuvent poser, pendant une heure, toutes les questions qu’ils veulent. Les interrogations sur les rémunérations reviennent très souvent », poursuit-il. Principale difficulté : « Il faut pouvoir se comparer au marché, mais nous avons choisi de ne pas le faire totalement, indique Félix de Monts. Sinon, le risque de constater des écarts trop grands entre des salariés en fonction de leur métier est trop élevé. » Conséquence de cette limite, l’écart des salaires peut être de 20 %, à un niveau d’ancienneté équivalent (qui n’est pas lié à l’âge, mais au degré d’expertise). La volonté est de réduire les différences de rémunération entre métiers plus ou moins cotés ou « surcotés » sur le marché de l’emploi externe, les développeurs faisant partie de la deuxième catégorie. « Nous ne souhaitons pas qu’il y ait trop d’écarts, par exemple, entre nos salariés qui travaillent avec nos associations partenaires et nos développeurs. Les premiers pouvant, par conséquent, se considérer comme bien payés, et les autres plutôt mal. »

Un choix qu’il faut parvenir à justifier, quand les rémunérations sont définies par la direction mais exposées à tous…