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Sur le terrain

Formation : À Poitiers, la Maif forme des conseillers reconnus par toute la profession

Sur le terrain | publié le : 24.04.2023 | Lucie Tanneau

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Formation : À Poitiers, la Maif forme des conseillers reconnus par toute la profession

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Depuis 2015, l’assureur a développé trois campus de formation. Les formateurs viennent de l’entreprise, mais la certification professionnelle est délivrée par la Fédération des assurances. Quelque 180 apprentis âgés de 18 à 63 ans ont déjà suivi la formation d’un an à Poitiers et peuvent désormais rejoindre la Maif ou l’un de ses concurrents.

Alice Ledoux était aide-soignante. Elle est désormais en formation pour devenir conseillère commerciale en assurances. « Rien à voir, mais j’avais besoin de changement », déclare la jeune femme de 24 ans, qui évoque « le contexte que tout le monde connaît », dans le sillage de la pandémie de Covid. « Je suis en construction de maison : je ne pouvais pas retenter le concours d’infirmière et payer des études », poursuit-elle. Alors, quand son beau-frère sort diplômé et est embauché par la Maif à l’issue d’un an de formation sur le campus de l’entreprise à Poitiers, elle décide de tenter elle aussi l’aventure, après avoir vu l’annonce sur la plateforme Indeed. Et après six mois de formation, « j’adore ! », dit-elle.

Depuis 2015, la Maif a ouvert trois campus, à Paris, Aix-en-Provence et Poitiers, formant ainsi trois promotions par an de futurs conseillers commerciaux en assurances. L’originalité ? La formation n’offre pas un diplôme maison, mais une certification de qualification professionnelle Relation clientèle assurance (CQP-RCA), délivrée par la Fédération des assurances, et donc reconnue par toutes les entreprises du secteur en France. « Nous embauchons 1 400 personnes par an, explique Évelyne Llauro-Barrès, la DRH du groupe. Nous n’avons pas de problème de recrutement, d’autant que nous recevons beaucoup de CV. » Elle reconnaît tout de même les difficultés sur les métiers volumiques de conseillers de vente à distance et sur les métiers pénuriques, notamment ceux de la tech. D’où l’idée de créer ces campus. « Ils répondent à trois objectifs : rendre visible et valoriser le métier de conseiller à distance, favoriser la mobilité et mettre en place un partenariat avec la Fédération des assurances pour créer ce diplôme qui n’existait pas », détaille la DRH. « L’objectif de rendre visible le métier est commun avec d’autres, mais nous sommes les seuls à avoir créé cette formation », se réjouit-elle, alors qu’avec seulement 90 démissions sur 8 000 salariés, l’entreprise ne craint pas de voir s’envoler ses recrues.

Alice Ledoux espère ainsi être embauchée en CDI à la Maif si elle décroche son certificat. Même si le campus de Poitiers n’est pas adossé à un centre de relations clients, comme le sont ceux d’Aix-en-Provence et de Paris, elle est « prête à faire la route jusqu’à Tours », dit-elle, sachant que le télétravail est possible trois jours par semaine. « Je ne connaissais que le sanitaire et le social, mais cette formation me convient. C’est vraiment intéressant et ce métier permet d’avoir un planning fixe, de ne pas travailler le week-end, de ne pas être confronté au manque d’effectifs en permanence… », ajoute-t-elle. Elle apprécie aussi la relation avec les autres apprentis et les managers sur le campus.

Formation rémunérée

Installé dans un quartier résidentiel et d’affaires, à deux pas de la polyclinique de Poitiers, le campus est un petit bâtiment, qui a été rénové pour les apprentis. « Seuls quatre ou cinq salariés travaillaient ici, au sein d’une délégation de la Maif qui accueillait les sociétaires avant l’installation du campus en octobre 2017 », raconte Amel Cherfi, la responsable du site, qui était auparavant responsable d’une équipe dans un centre d’appels de Paris. Elle sait donc ce que signifie la mobilité, qu’elle encourage auprès de ceux qu’elle appelle des collaborateurs. En effet, « nous ne disons jamais apprentis ou élèves : tous ceux qui sont entrés dans les promotions sont déjà des conseillers, des collaborateurs au même titre que nous. » Ils sont d’ailleurs rémunérés pendant leur formation (de 1 100 à 1 700 euros brut par mois selon leur âge et leur niveau d’études) et bénéficient d’une prise en charge de l’abonnement de transport, de la mutuelle, ainsi que d’aides au logement.

Le grand open space du rez-de-chaussée ressemble à un centre d’appels. Au bout du fil, les sociétaires sont réels. Les conseillers sont, eux, en formation. « Mais ils ont leurs notes pour répondre aux questions et peuvent appeler leur manager en cas de doute », rassure Amel Cherfi. Elle a développé plusieurs partenariats pour recruter les apprentis installés ici : « Pôle emploi, Défense mobilité – l’agence de reconversion des armées – et la gendarmerie nationale. Ouvrir nos portes à des personnes en reconversion est l’une des raisons d’être du campus », explique-t-elle, avant d’ajouter que « les gendarmes et les militaires ont une rigueur, un engagement dans le travail et une dynamique remarquables. Ils sont dans le dépassement de soi dans chaque mission. »

Philippe Michel fait partie de ces anciens militaires futurs conseillers en assurances. À 51 ans, le voilà en reconversion totale. En 2015, des ennuis de santé l’ont obligé à quitter l’armée. Depuis, il a enchaîné les missions, principalement en tant que vendeur en magasin, au gré des mutations de son épouse, également militaire. À leur retour de Guyane, il a découvert la formation conçue par la Maif à un forum de l’emploi organisé à la caserne de Saint-Maixent (79) où il vit. « Clairement, c’est mon épouse qui m’a poussé : dans ma tête, le monde de l’assurance n’était pas pour moi. À l’école, j’étais ce que l’on appelle un cancre, je n’ai aucun diplôme et les apprentissages que l’on fait ici sont difficiles ! », avoue-t-il, alors qu’il rejoint le campus chaque jour depuis janvier, en train. « Je recherche le certificat et le CDI… et aussi à me prouver quelque chose à moi-même », dit-il. Il reconnaît toutefois avoir failli abandonner… Mais « la responsable et les managers m’ont convaincu de rester et m’ont proposé de revoir certaines notions avec la promotion suivante si j’avais besoin de plus de temps », ajoute-t-il. Philippe Michel apprécie l’ambiance et le soutien dont il bénéficie, extrêmement personnalisé. « La promotion est comme un cocon, je m’y sens bien », ajoute-t-il. S’il appréhende les premiers vrais coups de fil avec un sociétaire, il est rassuré de savoir qu’il « pourra garder ses notes – pas comme à l’école… ».

Il vante aussi le processus de recrutement, très rapide en amont de la formation. « Nous nous engageons à répondre à nos candidats en une semaine », assure Amel Cherfi, qui détaille le parcours : présentation de l’entreprise et du campus le lundi, mise en situation le mardi, débriefing immédiat avec un manager pour donner du sens et, si le profil convient, entretien de recrutement le vendredi. Le lundi suivant, le candidat est fixé. Et « qu’il ait réussi ou non, nous lui expliquons, pour donner du sens, là encore », indique la responsable. « Nous sommes dans une démarche d’inclusion, pour offrir une chance à chacun, nous avons ainsi accueilli des boulangers, des mécaniciens, des aides-soignantes… », relève Énora Boutet, chargée de recrutement au siège du groupe, à Niort, et qui gère avec Amel Cherfi le processus pour le campus de Poitiers.

Profils variés

« Nous retrouvons trois profils principaux parmi nos candidats, dit Évelyne Llauro-Barrès : des personnes en rupture scolaire, professionnelle ou familiale, des diplômés qui ne trouvent pas de poste dans leur secteur et des diplômés et expérimentés qui veulent se reconvertir. » Quelque 270 apprentis ont été accueillis sur les trois campus de formation de l’entreprise depuis 2015, dont deux tiers ont validé leur certificat. Parmi eux, 43 % ont été recrutés par la Maif. « Nous avons la volonté d’atteindre les 50 %, assure la DRH du groupe. La principale difficulté pour eux est d’intégrer la technicité de nos offres. C’est ce qui explique que certains lâchent ou réalisent en fin de parcours qu’ils n’ont pas tout assimilé. » Deuxième frein à l’embauche : la posture de conseil et d’attention sincère, qui est la marque de la Maif, manque parfois à ces candidats pourtant sélectionnés avec attention. « On ne demande ni âge, ni diplôme, ni expérience, mais cette compétence comportementale est indispensable », précise la DRH.

Pour Énora Boutet, « ces campus permettent de recruter autrement. Les candidats peuvent venir de Bordeaux, Nantes, Tours ou Niort : ils acceptent de rejoindre le campus pendant 12 mois avant de retrouver leur lieu de vie ensuite. C’est pour nous un vrai vivier. » « À l’origine, nous étions la mutuelle des instituteurs, l’accès à l’emploi des jeunes est donc important pour nous », conclut la DRH. La fin de formation approche pour Alice Ledoux. L’ex-aide-soignante espère devenir cette conseillère vantée par les campagnes de recrutement du groupe.

Auteur

  • Lucie Tanneau