Parmi les éléments qui semblent au moins réinterrogés dans la vie au travail, il en est un qui, finalement, les résumera tous et certainement leur permettra d’émerger durablement. C’est bien évidemment le management, celui du quotidien. Ce management de proximité si indispensable et parfois si redouté. Lors de la crise sanitaire, les managers de terrain étaient tout aussi essentiels que les soignants ou autres, et pourtant, ils n’ont été que rarement cités comme tels. Cela est peut-être dû au fait que cette fonction n’est pas considérée comme un métier, alors qu’elle en a toutes les caractéristiques : compétences, performances, résultats attendus, responsabilités identifiées et reconnaissance légitime.

Malgré cela, les managers sont souvent classifiés avec le métier qu’il dirige tandis que leur rôle est différent si l’on s’en tient à la répartition de leur temps entre tâches professionnelles et mission de management. J’en veux d’ailleurs pour preuve que lorsqu’ils sont nommés, souvent, on les augmente et toujours, on les forme. Il s’agit donc bien d’un métier supplémentaire à celui qu’on exerce parfois si bien que c’est sa propre performance qui conduit à être nommé. Depuis la crise sanitaire, notamment, et parce qu’on ne voulait pas forcément le voir avant, la fonction de manager de proximité a démontré toute sa valeur et son caractère indispensable, via les capacités à maintenir unies des équipes à distance et parfois désorientées par l’irruption brutale et massive du télétravail. Un rôle qui s’est poursuivi au-delà, avec notamment la lourde charge du quotidien de tenir informé, de prendre des nouvelles des uns et de remotiver les autres, parfois même de s’assurer qu’ils gardent contact. Chacun sait qu’au sortir de la crise Covid, ce sont les managers qui étaient parmi les populations les plus épuisées.

Mais aujourd’hui également, avec cette remise en question ou en perspective des fondations du travail telles que nous les connaissions depuis des années, ce sont les managers de proximité qui sont à la manœuvre pour faire face à cette période polycrises, aux inquiétudes face à l’inflation et à un avenir peu prévisible. Ils sont aussi en première ligne pour faire face à la pénurie de recrutement, avec une pression du quotidien pour fidéliser leurs équipes tout en les accompagnant au milieu des transformations systémiques et nécessaires. Ce métier a pris une ampleur telle qu’il est temps de mieux le reconnaître et de mieux le valoriser. Malgré cette réalité, les managers pourraient bien être les premières victimes de la transformation du travail avec cette responsabilité de maintenir un collectif face à la montée des individualismes. Ils y parviennent bien souvent au prix d’un effort de remise en question de leur propre modèle de management peu évident à conduire.

Plus que jamais, la dimension personnelle joue un rôle majeur dans la fonction de management et c’est d’ailleurs pourquoi leurs soft skills sont mises à contribution avant même leur excellence métier qui fonde souvent leur expérience. C’est une transformation d’ampleur à laquelle sont confrontés les managers de proximité : on leur demande légitimement d’être tout à la fois performants, bienveillants, associatifs, présents, engagés, confiants, à l’écoute et exigeants… La quadrature du cercle pour certains.

Leur profil change, car beaucoup de leur autorité repose sur leur propre légitimité aux yeux de leurs équipes – bien plus que sur leur place dans l’organigramme. Ils doivent « être » avant de faire et c’est peut-être cela la caractéristique majeure de ce nouveau métier qu’est d’être manager. Pour autant, nos organisations n’ont pas encore forcément pris la mesure de cette transformation managériale de manière systémique, alors que les managers de proximité sont déjà confrontés au quotidien aux aspirations nouvelles comme aux impatiences qui s’expriment. L’implication personnelle qu’exige désormais cette mission est lourde de conséquences dans sa gestion comme dans son évaluation ou sa reconnaissance. Les managers de proximité sont face aux transformations en marche et attendent de leur management général non seulement d’être écoutés, mais aussi d’être mieux compris et associés. Manager est un métier à part entière… à tous les niveaux et non uniquement celui de la proximité !