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Sur le terrain

Carrière : L’armée canadienne fait feu de tout bois pour recruter… des étrangers

Sur le terrain | publié le : 17.04.2023 | Ludovic Hirtzmann

Comme à peu près tous les secteurs d’activité dans le pays, l’armée fait face à une pénurie de main-d’œuvre. Tous les moyens sont bons pour attirer des candidats, qu’ils soient jeunes ou plus âgés, femmes, transgenres – ou étrangers…

« Engagez-vous, si vous êtes âgés de 16 ans à 57 ans » répètent à l’envi les sergents recruteurs canadiens. Dans la rue Sainte-Catherine de Montréal, à deux pas de l’université Concordia, un centre de recrutement invite les candidats à découvrir les carrières militaires. Et moins d’un kilomètre plus loin, un autre propose de venir discuter avec les cadres de l’armée. Les Forces armées canadiennes (FAC) mettent les bouchées doubles pour séduire. Car elles font face, à l’instar de la plupart des secteurs d’activité du pays, à une pénurie de main-d’œuvre. C’est vrai pour les militaires du rang, mais surtout pour les métiers techniques, les personnels médicaux, les marins, les pilotes. Au point de menacer les capacités d’une armée déjà sous-équipée.

Si le Canada affiche un taux de chômage de 5,1 % à l’échelle nationale, le Québec et l’Ontario, les deux provinces les plus peuplées, représentant les deux tiers de la population, affichent des taux respectifs de 3,8 % et de 4,4 %. Difficile, dans ce contexte, d’attirer les candidats. De plus, au Canada, pays pacifiste, les militaires n’ont pas très bonne presse. Alors, pour recruter les 10 000 à 12 000 soldats qui lui manquent, soit environ 15 % des trois armes (10 % si l’on inclut les réservistes), l’armée va permettre aux étrangers qui ont un visa de résident permanent de postuler. Une première dans un secteur stratégique pour laquelle les FAC avaient toujours refusé d’embaucher des étrangers pour des motifs de sécurité. Autre incitatif, les salaires. Un militaire débutant gagne environ 50 000 dollars canadiens par an (quelque 34 500 euros) et jusqu’à 150 000 pour les plus expérimentés. Un adjudant dans l’aviation gagne 7 000 dollars par mois et un contre-amiral 20 000. Sans compter les primes de mission et celles à l’embauche. « Nous offrons des primes à l’embauche de 10 000 à 20 000 dollars pour certains métiers et ça peut aller jusqu’à 250 000 pour un médecin militaire », a déclaré la colonelle Lisa Noonan, directrice des besoins en production de personnel des FAC, au quotidien en ligne La Presse. Dans un pays où le système de santé public laisse à désirer, l’armée donne aussi accès à des mutuelles de qualité ainsi qu’à des fonds de pension.

Afin de séduire les plus jeunes, le ministère de la Défense met en avant les interventions de ses personnels lors des catastrophes naturelles dues aux changements climatiques. Il est même possible de s’enrôler directement en ligne. Et pour plus d’inclusion, les hommes qui le souhaitent pourront porter une jupe, opter pour des piercings, avoir des ongles de couleur ou les cheveux longs…

Attirer les femmes

Les forces armées ont en outre lancé la révolution du genre depuis l’arrivée au pouvoir de Justin Trudeau, le Premier ministre. Et tentent d’attirer plus de jeunes femmes dans ce milieu encore très largement masculin. Une mission difficile d’autant plus que plusieurs hauts gradés masculins, chefs d’état-major et le précédent ministre de la Défense, ont été accusés de harcèlement sexuel. Ils ont pour la plupart d’entre eux été innocentés lors de jugements, mais non réintégrés. Cela a eu pour effet de promouvoir des femmes aux postes clés : une ministre de la Défense et plusieurs hautes gradées. Les recruteurs tentent aussi de favoriser la diversité. Depuis plus d’une décennie, l’armée canadienne accepte les personnes transgenres. S’il existe peu de chiffres, le ministère de la Défense aurait payé au moins 19 opérations de changement de sexe entre 2008 et 2015 pour un coût de 16 000 dollars chacune. Selon l’agence Presse canadienne, l’armée comptait environ 200 personnes transgenres en 2017. L’armée met en avant sur son site « un changement de culture » et ajoute : « Chaque membre de l’équipe des FAC et du ministère de la Défense nationale a le droit de travailler dans un environnement de respect mutuel, de dignité et d’inclusion. » Et de préciser que lors des promotions, « une formation sur la sensibilisation aux préjugés est maintenant nécessaire. »

Pour autant, le fait de privilégier la diversité interdit parfois aux hommes blancs de postuler à certaines positions, comme c’est le cas dans d’autres secteurs. Interrogée par La Presse sur le nombre d’hommes blancs dont la candidature a été rejetée, la cheffe du recrutement des FAC, la brigadière générale Krista Brodie a confié : « Nous ne pouvons pas en mesurer les répercussions à l’heure actuelle… »

Auteur

  • Ludovic Hirtzmann