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Les clés

Une disposition symbolique des bureaux

Les clés | À lire | publié le : 17.04.2023 | Irène Lopez

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Une disposition symbolique des bureaux

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Le livre Le travail et ses espaces, de Jean-Pierre Bouchez, propose une analyse historique contemporaine des lieux de travail au regard du management et de l’organisation. « Dis-moi dans quel bureau tu travailles, je te dirais quelle est la stratégie managériale de ton entreprise », en somme…

De l’entreprise aux étages hiérarchisés au flex office, l’ouvrage de Jean-Pierre Bouchez, très documenté, met en lumière l’agencement physique des espaces de travail. L’originalité de l’ouvrage repose sur une double perspective : d’un côté, une étude approfondie de la dimension temporelle afin d’appréhender les mutations successives et, de l’autre, un cadre d’étude pluridisciplinaire mobilisant la sociologie, l’histoire, l’économie, l’organisation, le management. Les propos sont illustrés par des exemples emblématiques. L’organisation de l’énorme édifice de quatre étages dans lequel s’installe la compagnie parisienne du gaz en 1864 est le symbole d’une scrupuleuse attention à des préséances hiérarchiques, de bas en haut. L’imprimerie est au sous-sol, le rez-de-chaussée est réservé à l’accueil de la clientèle. Le premier étage est celui du prestige : il concentre les pouvoirs. De chaque côté du couloir central se distribuent les lieux de la décision. Le bureau du directeur est attenant à la salle du conseil, celui du sous-directeur lui fait face… C’est la proximité ou l’éloignement par rapport à la salle du conseil qui témoigne du rang occupé. Le deuxième étage est principalement occupé par les tables à dessin. Les bureaux des ingénieurs chefs de service sont toujours positionnés dans des endroits stratégiques : près d’un escalier ou au coin d’un couloir, lieux de surveillance. Au début du 20e siècle, les entreprises commencent à développer les premiers grands espaces collectifs. C’est à cette époque que l’on conçoit notamment de grands « pools » de dactylos, comme chez Renault : une centaine de femmes en blouse blanche sont penchées sur leur « Remington » de part et d’autre d’une immense pièce, séparées par une allée centrale. Il n’y a pas de lampes individuelles. Une surveillante souligne la constance de la vigilance portée sur le personnel. L’heure est à l’ordre, la discipline et la recherche de l’efficacité. Les bureaux dits paysagers des années 1960 créent une sorte de désordre apparent. Les mobiliers de rangement et les plantes vertes qui font office de séparateurs peuvent être déplacés en fonction des besoins. Cela conduit à placer côte à côte celles et ceux qui échangent constamment des informations. Cet aménagement, marque d’une logique de flux horizontale, est cependant critiqué pour le bruit occasionné. L’arrivée de l’informatique dans les années 1970 conduit à repenser l’aménagement des espaces et fait émerger le combi-office visant à favoriser les communications et la collaboration tout en préservant la concentration. La société IBM innove en mettant en place un espace de travail sans bureaux cloisonnés ni postes attribués de manière permanente et une zone dite « de calme » qui peut être utilisée pour des réunions de travail ou des travaux nécessitant une forte concentration. L’envolée des prix de l’immobilier (et, par conséquent, la rationalisation des espaces) ainsi que de nouvelles façons de travailler (télétravail) n’ont fait qu’accentuer cette organisation pour donner lieu au flex office, à la mode de nos jours.

Auteur

  • Irène Lopez