logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Le point sur

Nouvelles pratiques : Des fonctionnaires conducteurs de cars scolaires

Le point sur | publié le : 17.04.2023 | Nathalie Tissot

Face à la pénurie de main-d’œuvre, un décret permet depuis fin décembre aux agents des trois fonctions publiques de cumuler leurs missions avec un emploi de conducteur de cars scolaires. Ce dispositif expérimental doit durer trois ans.

« Nous savons que la rentrée scolaire 2023 va être une nouvelle fois compliquée », anticipe Ingrid Mareschal, la déléguée générale de la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV). Malgré la médiatisation des difficultés de recrutement de conducteurs de cars scolaires en 2022, aucune solution miracle n’est apparue en quelques mois pour pourvoir ces postes vacants, souvent à temps partiel. « Même si nous essayons d’augmenter les volumes horaires de nos salariés, il y a des endroits où ce n’est pas toujours possible. En zone très rurale, l’entreprise de transport n’a pas forcément d’autres missions à offrir à son conducteur », explique-t-elle. La fédération travaille donc à développer les cumuls d’emplois ou emploi-retraite pour les militaires, par exemple, qui disposent souvent d’un permis poids lourds, les gendarmes, les agriculteurs ou les indépendants qui cherchent à s’assurer des ressources stables et à cotiser aux caisses de chômage et de retraite… Des fonctions compatibles avec les horaires de desserte des établissements scolaires, entre 7 et 9 heures le matin et 16 et 18 heures le soir.

Accords entre entreprises

Au niveau local, des sociétés de transport signent parfois des accords avec des entreprises d’autres secteurs (services à la personne, restauration rapide…) pour faciliter la double activité de leurs collaborateurs, notamment par une meilleure organisation des horaires. Désormais, ce type de coopération pourrait aussi être imaginé avec les collectivités territoriales. Depuis le décret n° 2022-1695, publié le 29 décembre 2022, les agents de la fonction publique peuvent en effet compléter leurs fonctions avec ce type d’emploi pour un transporteur privé. Surveillants de collèges, employés de restauration collective… des transporteurs comme Patrick Groussin, gérant des autocars Groussin en Loire-Atlantique, espèrent ainsi attirer de nouveaux profils.

Parmi son équipe de conducteurs figurent déjà des agents territoriaux à temps partiel dans les cantines scolaires. Si la législation assouplit ces conditions de cumul et les élargit aux temps complets, elle ne règle pas le problème de la formation. « Il faut que les gens aient le permis D ou qu’ils se libèrent deux ou trois mois de leur activité principale pour le passer. C’est un frein aujourd’hui », déplore le chef d’entreprise, qui recherche toujours quatre conducteurs de cars scolaires. La FNTV a demandé aux organismes de formation de repenser leurs offres sur des temps partiels mais aucune évolution n’est pour l’instant actée. Persiste également la problématique du financement de ces formations, relativement chères. Quand le salarié accepte d’y avoir recours, le compte personnel de formation ne suffit pas à lui seul à couvrir les frais. De plus, le fonctionnaire doit obtenir l’aval de sa hiérarchie.

« Le cumul d’activité reste potentiellement un problème pour l’employeur si l’agent ne peut pas l’exercer en plus de son travail à temps complet. S’il est à 70 %, par exemple, et qu’il faut le remplacer à 30 %, comment trouver quelqu’un ? », interroge Bruno Jarry, DRH du conseil départemental du Maine-et-Loire. Sur son territoire, où les formateurs dans le domaine social et le personnel en charge de l’accompagnement d’enfants multiplient fréquemment les missions pour différents employeurs, la question est facilement abordée, assure le responsable, qui reste vigilant par rapport au rythme d’exercice. « Nous avons toujours une prudence en tant qu’employeur, car nous sommes confrontés à beaucoup d’inaptitude physique dans la fonction publique. Si elle est provoquée par une suractivité de l’agent qui cumule son métier principal avec un autre, c’est un problème parce que cela retombe sur nous », prévient-il. Mais le DRH voit également dans ces situations un avantage : la possibilité de reconversion pour les inaptes aux travaux physiques qui disposent déjà du permis D. « Le cumul peut devenir une source de recrutement à plus long terme pour les transporteurs », envisage-t-il, en citant le cas des agents d’exploitation sur les routes qui comptent, parmi leurs missions, en plus de la conduite, des activités de débroussaillage et de signalisation – qui peuvent cependant peser, avec le temps, sur leur santé.

Auteur

  • Nathalie Tissot