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« Le défaut de considération professionnelle envers les seniors est une erreur stratégique majeure »

À retenir | publié le : 17.04.2023 | Lys Zohin

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« Le défaut de considération professionnelle envers les seniors est une erreur stratégique majeure »

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Mandataire du Groupement Évolution (opérateur du CEP en Île-de-France, Hauts-de-France et Centre-Val de Loire) et directrice générale de Talent Solutions Tingari, Bénédicte Guesné invite les entreprises à s’emparer du conseil en évolution professionnelle, notamment dans le cadre du débat sur l’allongement de la durée du travail.

La réforme des retraites a relancé le débat sur l’emploi des seniors, quelle réponse proposez-vous ?

La question des retraites et l’allongement des carrières posent de manière critique la question du maintien dans l’emploi des seniors, dont seulement 56 % sont encore actifs chez les 55-64 ans (pour une moyenne de 61,3 % dans la zone euro). Il existe à cet égard un service efficace et pertinent : le CEP (conseil en évolution professionnelle). À la différence du bilan de compétences, que Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef, « estime nécessaire de rendre obligatoire à 45 ans » pour traiter « le problème d’employabilité des seniors », le CEP est un service public d’accompagnement totalement gratuit qui permet de faire le point sur sa situation professionnelle et d’envisager plus sereinement la dernière partie de sa carrière. Il offre un accompagnement personnalisé, réalisé par des conseillers experts du monde du travail et de toutes les questions RH. Aujourd’hui, ce service est encore insuffisamment mobilisé, alors que c’est un vrai levier pour soutenir les salariés dans leur dernière partie de carrière. Il doit donc être plus systématiquement proposé par les entreprises aux actifs âgés de 50 à 55 ans. Il existe bien une obligation légale de mentionner le CEP lors des entretiens professionnels, mais cette information n’est pas systématiquement faite.

Le CEP est-il efficace ?

Les témoignages des seniors accompagnés dans le cadre du « conseil en évolution professionnelle » s’accordent sur ce point : les entreprises, dans leur grande majorité, restent réticentes à embaucher les plus de 55 ans. On observe, passé ce cap, une durée moyenne de chômage de 805 jours… contre 370 pour le reste de la population en 2021, selon la Dares. Lorsqu’ils sont en activité, leur situation n’est guère plus favorable. Dans le cadre des plans de départ, les seniors sont vus comme la première variable d’ajustement et en termes de formation, les entreprises investissent peu sur eux, puisqu’ils sont avant tout perçus comme des retraités en puissance. Autant d’éléments qui réduisent leur employabilité ultérieure. Or ce défaut de considération professionnelle envers les seniors est une erreur stratégique majeure pour les entreprises. Elles doivent prendre conscience de la valeur des seniors sur le marché du travail et, pour cela, choisir de les accompagner dans leur évolution en entreprise. Voilà tout l’objet du CEP. Les seniors sont une ressource précieuse pour les entreprises. Ils sont une véritable source de compétences dont elles se privent, au lieu de l’entretenir. Dans un contexte où le marché du travail est plus tendu que jamais, avec des recrutements de plus en plus compliqués et des nouvelles recrues volatiles, les plus de 55 ans représentent un îlot de stabilité et de transmission de savoir-faire qu’il faut préserver. Les entreprises doivent donc davantage proposer le CEP aux futurs seniors pour préparer et construire la dernière partie de carrière. Bien entourés, les salariés ont l’opportunité de réfléchir sereinement à la suite de leur vie professionnelle, se repositionner au sein de leur entreprise, suivre un parcours de formation, voire se reconvertir, passer en temps partiel ou développer leur propre activité…

Quel devrait être le rôle des DRH ?

Les DRH ont un rôle clé à jouer. Le CEP n’est en fait qu’un volet de la réponse au maintien dans l’emploi des seniors : il doit s’inscrire dans un dispositif plus vaste, intégrant par exemple l’aménagement des conditions de travail en fin de carrière. D’après une étude publiée par l’Institut Montaigne, près de 41 % des travailleurs en sont demandeurs. Temps partiel, aménagement des horaires, adaptations destinées à réduire la pénibilité ou à préserver la santé des actifs âgés font partie des autres outils à mobiliser. Reste que, comme pour tout changement sociétal, la prise en compte des seniors à leur juste valeur professionnelle ne se décrète pas. Il s’agit d’une transformation qui doit s’opérer à la fois à l’échelle des institutions, des entreprises, mais aussi des individus.

Auteur

  • Lys Zohin