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Sur le terrain

Formation : Les cadres seniors américains fuient la retraite

Sur le terrain | publié le : 03.04.2023 | Caroline Crosdale

Passé le seuil des 60 ans, un bon nombre de cadres ou de cadres supérieurs américains n’ont aucune envie de partir à la retraite. De prestigieuses universités ont concocté pour eux des programmes sur mesure, afin de les aider à imaginer la suite.

« Je veux me sentir vivante et prolonger ma joie de vivre » : c’est ainsi que Katie Connor, 65 ans, directrice du programme DCI (Distinguished Careers Institute) de l’université Stanford, en Californie, décrit les 20 prochaines années de sa vie professionnelle… Sourire éclatant, elle raconte ses premiers pas à Stanford. Elle avait franchi le cap de la soixantaine et se demandait que faire ensuite. L’ancienne cadre de l’université du Colorado est donc redevenue étudiante. Pendant un an, elle a exploré ce que pourrait être sa seconde carrière, dans le cadre du DCI. Elle s’est remise au français, a pris des cours de batterie. Elle a échangé avec ses pairs et les professeurs. Elle a rencontré de jeunes étudiants. Et finalement, elle a pris la tête du DCI…

Contrairement à leurs homologues français, les cadres d’Amérique du Nord ne rêvent pas d’une retraite à 60 ans, durant laquelle ils joueraient au golf. C’est pourquoi une bonne vingtaine d’universités leur ont concocté des programmes spéciaux leur permettant de se poser et d’imaginer la suite. Sans diplôme à la fin, juste un certificat.

Se réinventer

Stanford, Harvard, l’université du Texas à Austin, Queen’s University au Canada, Loyola à Chicago… ont toutes mis au point des études de six mois à un an pour leurs seniors, à des prix élevés : 70 000 dollars pour Stanford (près de 65 000 euros), 60 000 à l’université du Texas, 18 000 du côté de Queen’s University… « C’est une année sabbatique », explique Gaylen Paulson, doyen associé du programme Tower Fellows à Austin. La vingtaine d’étudiants quinquas et sexagénaires est là pour se « réinventer » lorsque leur première carrière prend fin. « Ils font des choses super cool tout en imaginant comment ils pourraient contribuer à la société d’une autre manière en travaillant pour une association ou des start-up », dit-il. « On s’amuse beaucoup, témoigne ainsi Paul Kinscherff, 65 ans, un ancien cadre du groupe Boeing devenu conseiller spécial du président de l’université du Texas. J’ai étudié les bases de l’astronomie et le business d’Hollywood. J’étais assis au fond de la classe avec le fondateur de CarMax, une entreprise de vente de véhicules neufs et d’occasion. J’y ai beaucoup appris. » Même enthousiasme chez Jeff Mihm, 57 ans, qui a assisté à un concert des Rolling Stones avec de jeunes étudiants et savoure les déjeuners avec les professeurs de la faculté. « Les profs nous apprécient, assure-t-il. Nous comprenons leur humour quand ils racontent des histoires vieilles de 30 ans… » C’est d’ailleurs en discutant avec les enseignants que Jeff Mihm a découvert sa vocation. L’ancien patron de Noven Pharmaceuticals anime des cours de stratégie sur les affaires internationales qu’il enrichit de sa propre expérience. « Je ne travaille plus 70 heures par semaine, dit-il. Juste une vingtaine d’heures. » Il ne gagne pas non pas des mille et des cents. « Je n’essaie plus de courir après l’argent, confie-t-il. J’ai trouvé mon équilibre. »

Give back to society

Ces formations sur mesure ont souvent un côté social. Un juge anglais, ex de Stanford, s’est ainsi inspiré d’un programme américain de réhabilitation d’anciens taulards pour créer sa propre version en Grande-Bretagne. Quant à Queen’s University, au Canada, elle promet à ses étudiants qu’ils auront un « impact social ». L’un de ses anciens, Patrick Dlamini, dirigeant de la DBSA, banque de développement en Afrique du Sud, s’apprête à animer un réseau de 200 cliniques qui soigneront les pauvres pour un prix raisonnable.

Le concept de la deuxième carrière est souvent teinté d’une envie de give back. Il s’agit de rendre à la société le bien dont on a bénéficié. Une notion très anglo-saxonne, peu développée en Europe. Pourtant, quelques institutions pionnières au Royaume-Uni, mais aussi en Suisse, se lancent dans l’aventure. Ainsi, l’université de Saint-Gall va démarrer sa première séance en juin prochain, avec, espère-t-on, 40 participants. « Nous sommes en retard, reconnaît Herb Riband, 56 ans, l’un des initiateurs du projet. Mais en Europe aussi les gens vivent plus longtemps, et lorsqu’ils arrêtent leur carrière, ils ont encore beaucoup de temps et d’énergie. » Herb Riband sait de quoi il parle. L’ancien cadre d’Amgen et Medtronic « s’est réveillé un jour avec l’envie de faire autre chose », dit-il. Il a suivi la formation DCI de Stanford et s’est réinventé en consultant. Un expert en santé capable d’aider les start-up du secteur à grandir.

Auteur

  • Caroline Crosdale