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Recrutement : Mieux inclure les seniors dans l’emploi

Le point sur | publié le : 03.04.2023 | Gilmar Sequeira Martins

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Recrutement : Mieux inclure les seniors dans l’emploi

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Les seniors resteront-ils les grands exclus du marché du travail ? Si les stéréotypes et la philosophie héritée des restructurations industrielles du 20e siècle restent des freins, l’actuelle pénurie de main-d’œuvre – ou des règles plus contraignantes – pourrait bien faire évoluer les pratiques…

Alors que l’Insee prévoit une croissance très faible de la population active sur la décennie, sans parler de la réforme des retraites, les seniors vont-ils enfin sortir du ghetto où les ont enfermés les pratiques de mise en « préretraite » lancées dans les dernières décennies du 20e siècle ? Pour l’heure, ils restent encore boudés par les recruteurs… « Les actifs âgés de 50 ans et plus sont moins exposés que les autres tranches d’âges à la perte d’emploi, avec un taux de chômage à 6,3 %, mais, en cas de perte d’emploi, leur durée d’inscription à Pôle emploi est plus longue : 62 % des demandeurs d’emploi âgés de 50 ans et plus sont inscrits depuis plus d’un an, selon les données du 4e trimestre 2022, alors que c’est le cas pour 42 % des demandeurs d’emploi âgés de 25 à 49 ans. Cet écart peut s’expliquer en partie par les représentations des recruteurs sur les seniors, mais aussi par celles des demandeurs d’emploi eux-mêmes », explique ainsi Catherine Poux, directrice du développement des services aux entreprises à Pôle emploi.

Les mentalités changent, cependant. « À l’heure où il est difficile de recruter, les seniors représentent clairement un vivier, note ainsi Olivier Ducatillon, président de l’Union des industries textiles. L’argument qui consiste à dire qu’il vaut mieux prendre un jeune avec un regard neuf plutôt qu’un senior expérimenté qui coûtera plus cher perd en importance. » D’autant que Pôle emploi mène aussi un travail de sensibilisation auprès des entreprises. « Dans les faits, un senior peut être un gage de performance pour une entreprise parce que son expérience le rend plus efficace plus rapidement, relève Catherine Poux. Il sera aussi a priori plus stable que de plus jeunes salariés qui pourront vouloir construire une carrière professionnelle passant par des changements d’entreprises. Il faut aussi prendre en compte la transmission de savoir-faire, que peuvent assurer les seniors. »

D’ailleurs, une évolution positive se dessine. Selon les données analysées en 2021 par Pôle emploi, deux tiers des entreprises ayant rencontré des difficultés de recrutement indiquent avoir élargi leurs recherches à des profils différents. « Ces entreprises se disent prêtes à négocier les salaires, ce qui peut favoriser le recrutement des seniors », précise Catherine Poux. Elle souligne l’impact de dispositifs comme l’immersion professionnelle pour faire reculer les préjugés. « Cela permet au recruteur de se forger une conviction plus étayée, basée sur des éléments concrets et un contact avec le candidat », dit-elle.

Toujours est-il que selon Bérangère Gosse, professeure en gestion des ressources humaines à l’IAE Rouen Normandie, si les politiques publiques visent à favoriser le taux d’emploi des seniors en réduisant le niveau d’indemnisation chômage, il faut, en parallèle, que « les entreprises accompagnent le maintien en emploi des salariés âgés par une analyse de la pénibilité des postes et des conditions de travail », relève-t-elle.

Dégradation des conditions de travail

Cependant, l’inertie des attitudes reste un obstacle de taille. « Tant que les entreprises considèrent que l’analyse d’un poste et des conditions de travail ne présente pas d’intérêt du fait que les salariés qui l’occupent vont partir dans quelques années et qu’il est possible d’envisager la sortie du salarié grâce à des indemnités chômage, la solution de facilité prévaudra. L’analyse d’un poste de travail et son aménagement en vue du maintien en emploi ne sont pas dans la culture de la plupart des entreprises françaises », tranche-t-elle.

La baisse des indemnisations et des niveaux de retraites faibles pousseront certes nombre de seniors à rester sur le marché du travail. Et « si le marché est en pénurie, les seniors auront plus de facilité à être embauchés. Dans le cas inverse, ils auront plus de mal à trouver du travail. Mais dans tous les cas, cela risque de s’accompagner d’une dégradation des conditions de travail. Cela ne favorisera pas la prévention de la pénibilité », prévient-elle.

Pénalités en cas de rupture conventionnelle

L’une des options possibles serait, pour Bérangère Gosse, d’appliquer des pénalités pour limiter les ruptures conventionnelles proposées aux seniors. « Les ruptures conventionnelles semblent plus utilisées dans les grandes entreprises. Ce qui pose les questions suivantes : pourquoi le maintien en emploi des seniors semble-t-il plus fréquent dans les petites structures ? Par ailleurs, certaines pratiques de maintien en emploi existent déjà, quels sont leurs ressorts ? Et comment les dupliquer ? », se demande-t-elle. Elle note cependant que de grands groupes se montrent prêts à mettre en œuvre une autre politique d’emploi vis-à-vis des seniors… « Je reste optimiste, conclut-elle. Je crois que les différentes pièces du puzzle – RSE, inclusion, diversité – commencent à s’assembler et que nous allons dans la bonne direction pour faire évoluer la culture vis-à-vis des âges. » Un avis que partage Catherine Poux. « La situation actuelle de l’emploi constitue un terreau favorable pour faire évoluer les pratiques et les approches de recrutement bénéficiant aussi aux seniors », assure-t-elle.

Axa, entreprise senior friendly

Chez Axa France, 40 % des 13 500 collaborateurs ont 50 ans et plus. « Nous avons quatre générations parmi nos salariés et le multigénérationnel est l’un des cinq piliers de notre politique de diversité-inclusion », souligne Amélie Watelet, la directrice des ressources humaines. Parmi cette catégorie de salariés, 90 % ont suivi une formation pour acquérir de nouvelles compétences dans des domaines comme le développement informatique, la souscription ou l’organisation de tests sur les nouveaux applicatifs. Pour la DRH, l’apport des seniors n’est plus à démontrer. « Il est frappant de voir que l’apprentissage, le transfert de compétences et la complémentarité de différents profils et de profils d’âge créent de la valeur, de l’émulation et de la dynamique. Notre bonne santé business est le fruit de ces équipes multiculturelles qui savent bâtir sur le savoir des collaborateurs expérimentés. Nous veillons à conserver un équilibre représentatif des différentes générations déjà présentes au sein des équipes. »

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins