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Diversité : Franprix met les stéréotypes à nu

Le point sur | publié le : 03.04.2023 | Gilmar Sequeira Martins

Pour diversifier ses effectifs, l’enseigne a modifié son mode de recrutement et conçu une formation pour déconstruire les biais, dont ceux vis-à-vis des seniors. Aujourd’hui, 20 % des effectifs ont plus de 50 ans.

Les seniors sont les bienvenus chez Franprix. Si l’âge de la « séniorité » varie selon les acteurs impliqués dans le recrutement, pour Jonathan Goldfarb, directeur du recrutement, de la formation et des projets digitaux RH de Franprix, la barre peut être fixée à 50 ans. « Je dirais qu’à partir de cet âge, les personnes atteignent un niveau de séniorité dans leur expérience professionnelle », dit-il. Prévoyante, l’enseigne a d’ailleurs adopté une « politique de diversité » dès 2018 et fait évoluer son mode de recrutement l’année suivante. Ainsi, l’entretien téléphonique a été supprimé. « Tout le monde n’est pas forcément à l’aise avec l’exercice ou ne se trouve pas dans les meilleures conditions pour y répondre », explique Jonathan Goldfarb. Le sacro-saint CV est aussi passé à la trappe et l’approche du recrutement est devenue… anonyme, pour que chacun puisse postuler. En parallèle a été mis en place « un jeu basé sur les valeurs des postulants, détaille le directeur du recrutement. Il consiste à noter, de 1 à 5 étoiles, une quarantaine d’images selon son degré d’importance et de signification pour le candidat. Chaque image porte des valeurs qui ont été testées au préalable auprès d’un échantillon de 10 000 personnes. In fine, le jeu fait ressortir les cinq valeurs clefs du candidat et si elles coïncident avec les nôtres, il accède à la session de recrutement. »

Ce changement dans le recrutement a fait arriver dans les effectifs des candidats issus d’horizons tels que la restauration, le bâtiment, les fonctions administratives, de même que des personnes issues de la grande exclusion ou des cadres ayant exercé à l’étranger. Pour piloter cette évolution, un accompagnement des directeurs de magasins et du management a été mis en œuvre. Les stéréotypes sont en effet légion et ceux sur les seniors ne manquent pas. Jonathan Goldfarb les connaît d’autant mieux qu’il a une formation de psychologue clinicien. Il a pu constater que les seniors sont souvent dépeints comme manquant de dynamisme, ayant plus de problèmes de santé que d’autres catégories de salariés ou avec une propension au changement plus faible. Il a donc mis sur pied une formation spécifique d’une demi-journée pour que les directeurs et managers se « libèrent » de ces a priori négatifs. « L’objectif est de mettre à jour les biais inconscients et les stéréotypes grâce au jeu, à des échanges, à l’évocation d’exemples de la vie personnelle et à des mises en situation », explique-t-il.

Un mécanisme « fainéant »

Ces formations ont pour but principal d’expliquer aux participants comment se construisent les stéréotypes. Un processus d’une simplicité désarmante, selon Jonathan Goldfarb. « C’est une croyance qui se renforce par l’observation, un mécanisme “fainéant” qu’utilise le cerveau en faisant un raccourci pour gagner du temps et de l’énergie », précise-t-il. Comment s’en détacher ? En les exposant et en les mettant à nu afin qu’ils perdent de leur puissance, indique ce spécialiste, qui confronte aussi directement son public. « Quand je me trouve face à un directeur de magasin qui a 50 ans, je lui demande s’il se reconnaît dans ce portrait de “senior”. Cela produit souvent une prise de conscience et déclenche un échange autour des points positifs qui sont occultés », poursuit-il. Les 420 directeurs de magasin ont déjà suivi la formation.

Franprix compte aujourd’hui plus de 640 seniors parmi ses effectifs, soit 20 % du total. Cet ensemble se divise en deux catégories distinctes : les présents dans l’enseigne depuis longtemps et les récemment embauchés. Dans tous les cas, Jonathan Goldfarb estime que leur apport est indéniable. « Nous leur reconnaissons de multiples qualités, dit-il. Une certaine tempérance, leur capacité à prendre du recul, d’apaiser et de résoudre des situations délicates, un goût pour le travail bien fait qui se rapproche de l’artisanat, peut-être un peu perdu dans notre société qui va toujours plus vite, et un pouvoir de transmission, de conseil et d’accompagnement des plus jeunes. » Il ajoute que la diversité des parcours peut aussi apporter un nouveau regard sur l’équipe, le travail, le rapport au client…

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins