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Travailler sur le travail

Chroniques | publié le : 03.04.2023 |

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Travailler sur le travail

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Benoît Serre vice-président délégué de l’ANDRH

Les soubresauts parfois violents et en tout cas troublants de la réforme des retraites auront finalement peut-être eu comme vertu de faire prendre conscience à tous les acteurs publics, privés et syndicaux, qu’une réforme touchant le travail ne peut plus être abordée comme avant. Compte tenu des tensions et des incompréhensions qui se sont fait jour, plusieurs voix s’élèvent désormais pour demander que les impacts de la crise Covid, de l’éco-anxiété mais aussi de la transformation des modèles de production, du développement exponentiel du numérique et de son cortège d’innovations soient désormais pris en considération de manière structurée. Ce qui est une demande est désormais une obligation. Nous devons impérativement intégrer ou tout au moins évaluer ce qui s’est passé et qui se stabilise peu à peu.

Nous sommes confrontés à une transformation profonde du travail qui se caractérise par au moins trois éléments indissociables : le rapport au temps, les nouveaux équilibres de vie et le rapport à l’entreprise. Cette évolution de la vie au travail et du travail dans la vie participe d’un mouvement régulier depuis plus d’un siècle. Pour autant, durant les 30 dernières années, ce sont essentiellement les conditions de travail qui ont été l’objet des débats et des décisions. Cela est désormais bien insuffisant pour apporter des réponses structurelles : d’une part, ces sujets importants sont traités même s’il demeure des progrès à faire, mais d’autre part, ils ne constituent pas la réponse attendue par les salariés, les candidats et cela, quelle que soit la génération. Ce n’est pas non plus la solution attendue par les entreprises car nous pouvons constater que les efforts faits en la matière ne garantissent pas pour autant le maintien et la stabilité du collectif.

Les débats autour de la semaine des quatre jours, du travail hybride, du partage de la valeur, de la comptabilisation du temps de travail, des modèles de management, de l’équité entre télétravailleurs et travailleurs postés sont autant de signes que c’est bien le travail lui-même dans toutes ses composantes qui est interrogé – non seulement pour le remettre en cause dans ses formes multiples, mais aussi dans son fond. Le résumer par le sens est également insuffisant car c’est une notion trop élastique pour être intégrée de manière concrète dans la vie des salariés et même de l’entreprise elle-même. Il n’y a ni paresse, ni disparition de la valeur travail, ni défaut d’engagement, ni conflit intergénérationnel dans ce nouveau rapport au travail.

La question qui est posée est triple : comment intégrer dans un modèle de production classique plus de liberté d’organisation – ce qui suppose l’autonomie et donc la confiance ? Comment être associé concrètement dans la réalisation d’une production commune où chacun sait quelle est sa place et surtout, l’essentialité de son rôle – ce qui implique reconnaissance et écoute ? Comment favoriser l’intelligence collective – ce qui impose collaboration et là encore, confiance ?

Ce n’est pas la législation qui apportera seule les réponses à ces questions. En revanche, elle ne peut les ignorer quand elle est proposée au « chemin démocratique », car la transformation du travail viendra de celle de l’entreprise et non l’inverse. Les organisations doivent absolument prendre le leadership sur la transformation du travail. Sans cela, elles seront taxées, à tort ou à raison, de vouloir maintenir un état qui les arrange mais provoque désengagement, démotivation, incompréhension – ce qui ne fera que provoquer une perception négative de travail… L’accord interprofessionnel sur le partage de la valeur en est un exemple, car malgré les réticences des uns et des autres, une solution a été trouvée par les partenaires sociaux. D’ailleurs, sur ce point-là, il est intéressant de noter que le législateur devrait reprendre in extenso le texte négocié. Voilà une preuve que lorsque les entreprises et leurs partenaires s’entendent pour transformer, la loi suit le mouvement, car il est d’adhésion et non de contrainte. Des solutions innovantes à la transformation du travail peuvent aussi être trouvées au sein même des entreprises par le biais de l’accord majoritaire.

Il est évident que ces transformations dans notre rapport au travail seront longues, car elles touchent profondément nos organisations – dans leur management, leur pyramide managériale, les habitudes. Finalement, les réflexions à mener et les actions à engager sont d’ordre culturel et non uniquement organisationnel. Ce sera long mais ce sera durable, car on agit mieux par conviction que par obligation !