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Quand l’humilité devient une force des leaders pour mobiliser les équipes !

Chroniques | publié le : 03.04.2023 |

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Quand l’humilité devient une force des leaders pour mobiliser les équipes !

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Charles-Henri Besseyre des Horts professeur émérite à HEC Paris

Dans un contexte marqué par tant d’incertitudes liées à la crise sociale des retraites, à la transition climatique, à la révolution annoncée de l’IA conversationnelle comme ChatGPT1 et à la situation géopolitique, il semble crucial de s’interroger sur le type de leadership dont les organisations ont besoin aujourd’hui et demain pour affronter simultanément autant de défis – comme l’a montré l’expérience inédite de la pandémie il y a déjà trois ans. À l’époque, en effet, on peut se souvenir que ni les responsables de nos entreprises, à commencer par les PDG, ni les dirigeants du pays n’avaient de réponses toutes prêtes et qu’ils ont su faire preuve, une fois n’est pas coutume, d’une qualité peu commune dans ces milieux : celle de l’humilité !

Ce qui semblait être à l’époque une véritable découverte pour nombre de ces leaders n’est-elle pas en passe de devenir le nouveau mantra pour les managers, tant la posture haute du leadership traditionnel est de plus en plus rejetée, aussi bien par les collaborateurs, surtout les plus jeunes, que par les citoyens ?

Pour un manager, adopter une posture basse, être humble, constitue l’un des socles les plus importants pour bâtir une relation solide de confiance avec son équipe2. À l’heure de la révolution digitale, où le « reverse mentoring » (jeunes éduquant les seniors) est devenu la règle, la hiérarchie des rôles est bouleversée. Le modèle du « servant leadership »3, dans lequel le leader prend une posture basse, devient de plus en plus populaire. Avoir une posture basse, être humble, c’est accepter un lâcher-prise qui est indéniablement un fondement de la confiance – en laissant à son équipe le soin de développer de nouvelles activités ou de résoudre par elle-même les problèmes sur le terrain. Bref, la posture basse et l’humilité sont les conditions nécessaires pour développer une subsidiarité recherchée aujourd’hui dans de nombreuses entreprises, sans tomber dans l’illusion magique de l’entreprise libérée4.

Pour mettre concrètement en œuvre une posture basse et adopter un comportement d’humilité, il importe tout d’abord de faire un travail en profondeur sur soi, surtout lorsqu’on a eu, en tant que manager, une autre posture pendant des années. Et ensuite d’identifier les potentialités de chacune des personnes avec lesquelles on est en interaction pour mener un projet ou accomplir une mission : les membres de son équipe ou d’autres partenaires. Il faut enfin construire les relations avec ces personnes en s’appuyant sur leurs forces leur donnant des ressources pour mener, en autonomie, les tâches ou les missions qui leur sont confiées. C’est le sens de l’innovation managériale mise en œuvre par le dirigeant indien Vineet Nayar5, qui a redonné aux employés de terrain (value zone) toute l’autonomie nécessaire pour développer de nouveaux business et retenir les clients.

Dans une perspective similaire, un article récent, faisant la synthèse de la recherche académique sur le leadership humble6, montre que les trois caractéristiques les plus importantes de l’humilité pour les dirigeants sont les suivantes : la conscience de soi, la capacité à transmettre et à recevoir du feedback, l’appréciation pour les autres. Par ailleurs, l’humilité est source de performance des équipes : quand les managers adoptent une posture humble et font confiance à leurs équipes en leur donnant plus de contrôle sur leur travail, on observe une réduction de près de 75 % du stress perçu et de 40 % du sentiment d’épuisement professionnel, ainsi qu’une augmentation allant jusqu’à 50 % de la productivité7. On peut expliquer de tels résultats par le fait que l’humilité contribue largement à construire un environnement où la sécurité psychologique est déterminante pour développer la performance individuelle et collective8.

En définitive, la posture basse et l’humilité ne sont des sources de confiance et de sécurité psychologique que si elles sont authentiques. Le risque de manipulation existe si l’on reste plus sur le paraître que sur l’être. La culture du « like » que nous a apporté la révolution digitale est particulièrement dangereuse ici, car adopter une posture basse et faire preuve d’humilité ne signifient pas seulement vouloir se faire aimer. Ici encore, les DRH ont un rôle clé à jouer pour sensibiliser et former les leaders de leurs entreprises à l’idée que l’humilité est aujourd’hui une véritable force pour mobiliser leurs équipes – dans un contexte de plus en plus imprévisible.

(1) Besseyre des Horts, C.H. : « ChatGPT : opportunité ou menace pour les DRH », Entreprise &Carrières, n° 1616, du 20 mars au 26 mars 2023, p. 22

(2) Truong, O., De Geuser, F., Wiersch, E., Besseyre des Horts, CH., & Chavanne, PM. : Le Management par la confiance, Eyrolles, Septembre 2020.

(3) Greenleaf, R. : The Power of Servant Leadership, Berret-Koehler, 1998

(4) Besseyre des Horts, C. H. : « Apprendre de la crise sanitaire : responsabilité et subsidiarité », Entreprise &Carrières, n° 1510, du 11 au 17 janvier 2021, p. 22.

(5) Nayar, V : Employés d’abord, clients ensuite, Diateino, 2e ed, 2018.

(6) Kelemen, T., Matthews, S., Matthews, M. & Henry, S. : « Humble leadership : a review and synthesis of leader expressed humility », Journal of Organizational Behavior, n° 44, Février 2023, pp. 202-224.

(7) O’Connell, B. : « Lead with humility, humble leaders drive better organizational performance », HR magazine, Winter 2021, pp. 83-83.

(8) Edmonson, A. : The Fearless Organization, Wiley, 2018.