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Main-d’œuvre : Le Québec veut avant tout attirer des francophones

Tendances | Travailleurs étrangers | publié le : 27.03.2023 | Ludovic Hirtzmann

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Main-d’œuvre : Le Québec veut avant tout attirer des francophones

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Aux prises avec une terrible pénurie de main-d’œuvre et le plus bas taux de chômage du Canada, le Québec mise sur l’immigration. Avec un bémol : la province veut des immigrants francophones – pour ne pas être noyé dans un continent anglophone…

« La grande séduction en Abitibi » titrait récemment le Journal de Montréal pour illustrer l’installation d’une soixantaine d’immigrants africains dans la ville de La Sarre, en Abitibi, dans le Nord-du-Québec. Ces jeunes travailleurs du Cameroun, du Congo, d’Algérie ou du Maroc sont aussi bien infirmiers que réceptionnistes. Faisant face à une forte pénurie de main-d’œuvre, les autorités de l’une des villes les plus reculées de la Belle province ont mis à la disposition des nouveaux venus des logements, des places de garderie et un premier soutien financier.

De fait, le Québec fait face à un double défi. D’une part, la province est, avec 4,1 % de chômeurs en février, celle qui a le plus bas taux de chômage du pays. Et tous les employeurs cherchent désespérément des candidats à l’embauche. Au point que certains vont jusqu’à acheter des appartements pour loger leurs salariés dans les villes où le nombre de logements à louer est trop faible. D’autre part, elle veut avant tout des francophones. Le gouvernement nationaliste du Premier ministre François Legault souhaite en effet attirer des immigrants qui parlent déjà français et éviter à tout prix l’immigration anglophone ou allophone (qui ne parle ni français ni anglais). Les 8,5 millions de Québécois sont en effet déjà noyés dans un ensemble nord-américain de plus de 350 millions d’anglophones. Et alors que le français était la langue de 27,2 % des Canadiens en 1971, il n’était plus que la langue de 21,4 % en 2021, selon l’institut national Statistique Canada.

Difficultés dans les régions éloignées

Autre objectif, lutter contre la désertification et le déclin démographique des régions, en faisant appel aux immigrants. Mais cette politique, déjà ancienne, a toujours été un échec. Entre 80 % et 90 % des nouveaux arrivants choisissent de s’installer essentiellement à Montréal et dans une moindre mesure, à Québec. Les étrangers rechignent en effet à s’installer dans des régions peu peuplées, glaciales l’hiver, là où nombre de natifs ne veulent plus vivre non plus… Comme le rappelle le Journal de Montréal, « si les bonnes conditions de vie et la sécurité ont attiré ces nouveaux arrivants au Québec, encore faut-il les convaincre de rester à La Sarre ». Et de donner en exemple 20 infirmières françaises venues dans la petite ville d’Abitibi. Au bout de deux ans, 19 étaient reparties… Pis, la pénurie de main-d’œuvre générale n’a fait qu’empirer celle des régions éloignées. « Cela crée une compétition féroce entre les entreprises. Certains employeurs ont dépensé temps et argent pour attirer des travailleurs (dans les régions éloignées du Québec) et ils risquent de les perdre une fois qu’ils sont arrivés », a déclaré Julie Lessard, une avocate spécialisée en immigration d’affaires, au magazine Les Affaires.

Le défi du français au travail

Quant à l’immigration française, si elle demeure élevée au Québec, elle est insuffisante et ce, même si le Canada est un aimant pour nos jeunes compatriotes. Montréal compte environ 130 000 Français installés sur place. Aux immigrants permanents français, il faut ajouter des dizaines de milliers d’étudiants, de travailleurs temporaires et de clandestins. Paris et Ottawa ont signé il y a bientôt 20 ans un accord de mobilité des jeunes de 18 à 35 ans en vertu duquel 14 000 jeunes Français et autant de Canadiens peuvent venir travailler chaque année dans les deux pays pendant deux ans.

Pour le gouvernement québécois, l’immigration francophone est un gage de maintien du fait français au Québec à l’avenir. Si la province facilite l’obtention de permis de travail pour les francophones, « les seuils d’immigration actuels du gouvernement québécois ne suffisent pas pour répondre aux besoins des entreprises », note Julie Lessard. D’autant que le Québec limite à 50 000 le nombre de ses immigrants chaque année, tandis que le Premier ministre fédéral, Justin Trudeau, a annoncé récemment un plan d’immigration massive – et de facto non francophone… Ottawa s’en défend, mais cette stratégie aura pour conséquence d’affaiblir encore plus le français. D’autant plus qu’une infime minorité de Canadiens anglais parlent français en entreprise, même au Québec. Et lors d’une réunion de travail, si un anglophone est dans la salle aux côtés de 20 travailleurs francophones, la réunion a lieu en anglais…

Auteur

  • Ludovic Hirtzmann