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Les Seniors, de l’index à l’embauche

Chroniques | publié le : 20.03.2023 |

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Les Seniors, de l’index à l’embauche

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Benoît Serre Vice-président délégué de l’ANDRH

Le parcours parlementaire de la réforme des retraites se termine. Les débats laisseront des traces politiques et sociales probablement durables. C’est ainsi, mais le parcours dans la vie réelle de cette réforme devrait bientôt commencer et rien ne dit qu’il sera plus simple ou moins chaotique. Parmi les sujets mis sur la table par le gouvernement lui-même – et c’est heureux –, il y a bien sûr celui de l’emploi des seniors pour lequel notre pays n’est pas le bon élève de l’Europe, chacun le sait. Si les tendances depuis quelques années tendent à démontrer que les choses vont mieux, cela ne concerne réellement que la capacité des organisations à conserver leurs salariés plus expérimentés plus longtemps. En revanche, sur le front de l’embauche, les chiffres sont aussi têtus que mauvais. Une enquête du Medef de septembre 2022 a montré que l’âge était la principale discrimination à l’embauche. On ne peut évidemment se satisfaire durablement de ce constat socialement et économiquement désastreux. Il est curieux de constater qu’à l’heure où l’on reconnaît enfin la mission d’aidant, on n’en déduise pas qu’un salarié de 57 ans qui ne retrouve pas d’emploi touche négativement trois générations : la sienne, celle de ses enfants qu’il aide bien souvent et celle de ses parents pour laquelle il est aidant ou au moins soutien compte tenu des coûts à assumer dans les structures spécialisées. Un faible taux d’emploi des seniors est donc potentiellement une catastrophe sociétale et sociale. C’est aussi évidemment une perte économique sèche, car un collaborateur est avant tout une somme d’expériences et de compétences.

La mise en place d’un index – puisque ce projet a été réintroduit par le Sénat après avoir été malheureusement écarté par les députés – n’a qu’une vertu : mesurer les efforts, partager les bonnes pratiques des sociétés vis-à-vis de leurs salariés expérimentés, mais aussi et sans doute faire de cette question un enjeu d’entreprise, d’image employeur et d’une certaine manière de responsabilité sociale. Le sujet est donc moins la coercition que la conviction qu’il faut désormais mettre fin à une situation anormale, injuste, économiquement absurde et socialement irresponsable. C’est pour cette raison que c’est par des politiques RH structurées et suivies que nous parviendrons à lutter contre ce phénomène finalement assez français. Le déroulement d’une carrière et sa durabilité reposent certes sur la performance, mais tout autant sur la compétence, la formation, la mobilité professionnelle. C’est sur cela qu’il faut agir en urgence pour lutter contre l’obsolescence des profils qui justifie la séparation. Compter le nombre de seniors ne permettra jamais de résoudre cette équation de la productivité indispensable. En revanche, suivre, encourager et mesurer les efforts faits pour former, reconnaître, faire bouger les salariés tout au long de leur carrière constituent un élément de réponse crédible, car durable. Raisonner ainsi contribuera de plus à lutter contre les biais culturels que chacun connaît et qui ont la vie dure.

Pour autant, cette approche qualitative n’apportera de solution qu’à une partie du problème : celui du maintien dans l’emploi jusqu’au bout. Et ces politiques sont à la portée des entreprises, petites ou grandes, car elles reposent sur la volonté et la conviction. Les dispositifs de financement mutualisés feront le reste mais ils sont le soutien à une politique volontariste et non sa cause. L’urgence est aujourd’hui et en parallèle de débloquer l’embauche des plus de 55 ans qui ont perdu leur emploi. On sait que chaque mois qui passe les éloigne un peu plus de leur capacité à en retrouver un. Le Sénat a proposé la mise en place d’un CDI senior pour le faciliter et notamment pour répondre à deux enjeux présentés comme antinomiques : la crainte des entreprises de ne pas savoir gérer dans le temps un salarié pouvant rester jusqu’à plus de 68 ans et la peur du salarié de ne pas arriver au taux plein. Ces deux craintes sont parfaitement légitimes et il l’est donc tout autant de vouloir les résoudre, faute de quoi la situation continuera à se cristalliser et nous ne pourrons pas profiter réellement de l’embellie sur l’emploi pour corriger une situation anormale. Paradoxalement, c’est au moment où les débats font rage sur l’âge de départ à la retraite que la configuration économique et sociale semble la meilleure pour faire de l’âge un atout pour l’emploi et contre la pénurie de recrutement. On peut même y ajouter que les questions autour du futur du travail apportent des hypothèses de gestion humaine des salariés expérimentés plus larges que jamais. Responsabilité et opportunité peuvent parfois faire bon ménage !