Il est en passe d’occuper une position centrale au sein des ressources humaines… La raison ? Le développement RH contribue toujours plus fortement à la montée en compétences et au bien-être des salariés.
Le football comme levier de développement RH ? De prime abord inattendue, cette association est déjà bien en place chez Saint-Gobain, organisateur d’un tournoi, explique Isabelle Bonhomme, directrice du développement RH et du talent acquisition. « Nous essayons de créer une vision globale du groupe très en amont. Dans la Saint-Gobain Football Cup, nous mélangeons des futurs ingénieurs avec des étudiants d’écoles de commerce, femmes et hommes, pour diffuser la diversité de notre identité », dit-elle. Cette extension du développement RH jusqu’au vivier potentiel de candidats tient d’abord à la modification de l’environnement des entreprises. Depuis trente ans, la mondialisation, la digitalisation et, plus récemment, la pénurie de main-d’œuvre ont contribué à élargir le périmètre de cette fonction.
Le développement RH a vu son rayon d’action s’étendre à mesure qu’émergeaient de nouveaux enjeux, à commencer par le besoin croissant de montée en compétences des collaborateurs. Ce processus, gage d’efficacité pour l’entreprise mais aussi, pour les collaborateurs, de possibilités accrues d’évoluer ou de renforcer leur employabilité, est censé les faire « grandir ». En parallèle a surgi un autre enjeu, le bien-être au travail et l’expérience collaborateur. « La qualité de vie au travail (QVT), l’environnement de travail, les conciergeries, les mesures favorables à la parentalité sont autant de leviers pour assurer un développement psychique optimal, prévenir les risques psychosociaux (RPS), et donc améliorer la performance des collaborateurs », explique Mathilde le Coz, DRH de Mazars où développement RH et expérience collaborateur sont gérés par la même personne.
Dans un environnement de pénurie de main-d’œuvre, toutes ces cartes sont autant d’atouts pour augmenter la fidélisation des collaborateurs et combler l’écart qui les sépare des directions, explique Constance Philippon, directrice associée du cabinet Robert Walters. « Les couches stratégiques et opérationnelles des entreprises ne communiquent pas assez sur les buts poursuivis. Il y a souvent une difficulté entre les salariés qui sont en demande de sens, qui veulent avoir des perspectives de carrière, et des directions qui sont dans une optique “macro”, souligne-t-elle. Le développement RH permet d’inscrire les collaborateurs dans la stratégie globale de l’entreprise. » Mieux encore, cette fonction peut aussi favoriser une plus forte captation. « C’est un effet indirect de la satisfaction du salarié. Plus il sera satisfait, plus il sera en mesure d’attirer d’autres talents à travers la cooptation », enchaîne-t-elle. À ses yeux, cet enjeu va même mobiliser le développement RH pour de très longues années du fait de la pénurie durable de cadres consécutive à des départs massifs à la retraite qui ne sont que partiellement compensés par les jeunes arrivant sur le marché du travail.
Saint-Gobain l’a bien compris. Le groupe multiplie les actions en direction de ses différentes populations. Durant les Young Talent Days annuels, des alternants rencontrent des salariés – d’anciens alternants, si possible – qui leur racontent leur métier. Des conférences et des ateliers sont aussi organisés afin d’aider les collaborateurs à mieux rédiger leur CV pour postuler en interne ou gagner en visibilité sur LinkedIn. Avant la fin du premier semestre, ils vont aussi pouvoir accéder, sur l’intranet du groupe, à une carte interactive montrant tous les postes ouverts et un flyer sera distribué à ceux qui n’ont pas accès à un ordinateur dans leur activité. Des entretiens exploratoires sont organisés avec les cadres pour faire émerger les demandes et les aider à trouver l’évolution qui leur convient. Ceux qui le souhaitent peuvent aussi passer une journée avec une personne occupant le poste dans lequel ils se projettent. Pour accélérer encore les mobilités, Isabelle Bonhomme a déjà d’autres actions programmées en 2023 : « Nous allons lancer par secteur d’activité des push sur les offres d’emploi. Nous avons un site d’offres sur lequel les salariés peuvent créer des alertes, mais ils ne le font pas assez et trop peu sont informés des offres disponibles », indique-t-elle. Pour les cols bleus seront organisés en présentiel des forums internes par bassin d’emploi. « Le premier devrait avoir lieu en septembre dans la région Rhône-Alpes. Si cela fonctionne bien, nous en ferons d’autres dans des zones où nous avons une concentration d’implantations, comme Avignon ou Compiègne », ajoute-t-elle.
Pour piloter autant de paramètres, il faut disposer d’un tableau de bord complet, estime Mathilde le Coz. « Trois types d’outils digitaux sont indispensables, précise-t-elle. D’abord, ceux qui mesurent l’engagement, la satisfaction, etc., afin d’avoir le pouls des équipes. Ensuite, les outils de formation pour assurer la montée en compétences et enfin, les polls/surveys en remplacement des anciennes enquêtes de prévention RPS qui se faisaient une fois par an il y a quelques décennies. »
Pour amorcer ce circuit, encore faut-il autonomiser le collaborateur dans la gestion de sa carrière et lui fournir un outil efficace. « Il faudrait que le collaborateur y retrouve ses évaluations, les retours de ses managers et ses “ratings” de performance », précise la DRH de Mazars, qui cherche la bonne « brique technologique ».
Aussi indispensable soit-elle, la digitalisation ne doit pas faire perdre le contact avec le réel. La proximité est essentielle pour éviter les écrans produits par les jeux de pouvoir interne, prévient Constance Philippon, de Robert Walters. « Les équipes en charge du développement RH doivent avoir une proximité avec les talents indépendamment des baronnies managériales, afin d’avoir un mapping précis des compétences », explique-t-elle.
En répondant aux enjeux cruciaux des entreprises, le développement RH étend son périmètre, aussi bien en amont, vers les candidats potentiels, qu’en aval, par l’accompagnement des collaborateurs tout au long de leur carrière, voire après, puisque le retour d’un salarié dans l’entreprise qu’il a quittée n’est plus un tabou. S’il atteint cette position centrale, le développement RH pourrait alors devenir le pendant professionnel d’une tendance qui gagne du terrain à l’extérieur de l’entreprise sous le nom de développement… personnel.