À l’heure des pénuries de main-d’œuvre, montrer aux collaborateurs l’intérêt que leur porte l’entreprise devient un enjeu majeur. Natixis l’a bien compris, comme le détaille Cristel Guillain, head of transformation de Natixis (groupe BPCE). « Notre problème, dit-elle, était le suivant : comment aider nos collaborateurs à mieux se connaître et mieux connaître leurs compétences pour s’orienter vers les opportunités leur correspondant le mieux ? Comment faisaient-ils : ils devaient chercher par eux-mêmes les métiers qui pouvaient les intéresser ou se tourner vers leur manager ou leur RH, or aucune de ces fonctions n’avait une vue complète de tous nos métiers – plusieurs centaines –, sans compter la problématique des nouveaux métiers qui émergent et sont peu connus. » Les enquêtes internes montraient par ailleurs que les collaborateurs étaient en attente de davantage d’accompagnement. Enfin, l’équipe RH souhaitait constituer une base de données avec l’ensemble des compétences présentes au sein de l’entreprise pour proposer les postes à pourvoir en priorité aux collaborateurs. À cela s’ajoutait un troisième enjeu : mieux exploiter un catalogue de formation très riche, comprenant plusieurs centaines de formations.

La solution de Neobrain, sélectionné après un appel d’offres et des tests avec des collaborateurs, a été baptisée Jimmy chez Natixis en référence au programme stratégique de développement des compétences « Jobs in Motion », soit Jim… D’abord déployé en phase pilote en septembre 2021, il est accessible aux 10 000 collaborateurs, dont la moitié travaille en France, depuis juin 2022. « Une fois la plateforme entreprise disponible, l’utilisateur est invité à compléter son profil de compétences, indiquer son niveau de maîtrise et sa motivation à les mobiliser, explique Cédric Leonardo, head of delivery and customer success de Neobrain. Avec ces deux actions, l’utilisateur vient personnaliser la plateforme qui lui suggère ensuite des formations, des offres d’emploi, et toute autre opportunité en adéquation avec son profil professionnel. La prise en compte de la motivation est centrale car si elle est faible, il est vain de lui proposer des opportunités qui mobilisent fortement ces compétences. »

Si les collaborateurs sont les premiers utilisateurs, ils ne seront pas les seuls. Jimmy sera aussi utile durant l’entretien professionnel avec le manager, qui se tient habituellement entre juin et septembre. « Il peut y avoir un échange avec le manager autour de ce niveau de maîtrise des compétences, explique Cristel Guillain. Il ne s’agit pas d’évaluer une performance, c’est du ressort de l’entretien annuel d’évaluation, mais d’aider le collaborateur à maîtriser et à développer ses compétences en continu. » Jimmy est aussi censé apporter des suggestions qui pourront être discutées. Avec l’outil, ce type d’échange permettra d’orienter les collaborateurs vers les formations les plus adaptées. Les équipes RH seront le troisième grand utilisateur de Jimmy : une meilleure connaissance des compétences des collaborateurs leur permettra d’améliorer le sourcing interne mais aussi de proposer aux salariés des parcours professionnels plus motivants.

Depuis son déploiement, Jimmy a déjà fait progresser le taux de mobilité par rapport à celui de 2020. Pour l’améliorer, Cristel Guillain mise sur une hausse du taux de complétude des profils. « À ce jour, 50 % de nos collaborateurs ont rempli leur profil. Nous avons pour objectif d’atteindre 80 % fin 2024 », indique-t-elle. À l’instar des autres systèmes d’IA, l’efficacité de Jimmy est fortement corrélée à la masse de données disponibles. Pour inciter les collaborateurs à franchir le pas, des suggestions de postes leur seront envoyées par mail. L’opération doit débuter en mars sur un périmètre pilote. Elle sera accompagnée d’une communication « plus proactive » qui insistera sur les futures fonctionnalités de Jimmy, comme l’accès sur mobile via une appli, disponible à la fin du trimestre. Cristel Guillain estime que Jimmy a une importance « primordiale » et qu’il contribue « fortement » à la rétention des talents. « Il s’agit de prouver aux collaborateurs que Natixis s’intéresse à leur développement et leur carrière, que l’entreprise mise sur eux. J’ai l’habitude de dire que Jimmy est un “cadeau” pour leur carrière », explique-t-elle. Peut-être ce « cadeau » sera-t-il bientôt vanté aux futurs candidats comme un avantage différenciant de l’entreprise…