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Yvan William : La chronique juridique

Chroniques | publié le : 13.03.2023 | Yvan William

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Yvan William : La chronique juridique

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Plan de partage de la valorisation de l’entreprise

Le dialogue social peut être un moteur de changement. Pour qui en douterait, l’accord national interprofessionnel du 10 février 2023 relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise en est une belle illustration. Ambroise Croizat, cité par les partenaires sociaux en préambule de cet accord, formulait après-guerre cette utopie : « Vivre sans l’angoisse du lendemain, de la maladie ou de l’accident de travail, en cotisant selon ses moyens et en recevant selon ses besoins ». Le rêve de Croizat devenu réalité déchaîne en ce moment certaines passions…

Moins révolutionnaire, l’ANI du 10 février illustre le volontarisme des organisations patronales et syndicales et leur capacité à s’emparer d’un sujet complexe (la création de valeur et son partage avec les salariés) et à proposer des pistes d’actions novatrices en s’affranchissant du jeu politique. Les partenaires sociaux signataires (CFDT, CFTC, CFE-CGC, CPME, FO, Medef, U2P) ont notamment prévu la mise en œuvre de deux dispositifs obligatoires sur lesquels ils étaient très attendus :

• L’article 7 prévoit un dispositif d’épargne salariale obligatoire à compter du 1er janvier 2025 pour les sociétés de 11 à 49 salariés non couvertes par un dispositif de partage de la valeur qui réalisent un bénéfice net fiscal positif au moins égal à 1 % du chiffre d’affaires pendant trois années consécutives (2022/2023/2024) ;

• L’article 9 indique que les entreprises de 50 salariés et plus disposant d’un délégué syndical soumises à l’obligation de mettre en place la participation doivent prendre en compte les résultats exceptionnels (les fameux superprofits) dans leur dispositif d’épargne salariale.

Une réflexion intéressante sur l’association des salariés à la valorisation de l’entreprise au-delà de ses résultats est aussi concrètement introduite par l’accord. À cet effet, un plan de partage de la valorisation de l’entreprise est instauré par l’article 21 de l’ANI.

Concrètement, ce nouveau dispositif devra répondre aux conditions suivantes :

• être ouvert aux salariés ayant au moins un an d’ancienneté ;

• définir un montant indicatif (a priori sous forme d’enveloppe globale à répartir entre les salariés comme en matière d’intéressement) qui, associé au pourcentage de croissance de la valorisation de l’entreprise, permettra d’établir le montant individuel attribué à chaque salarié ;

• garantir un versement aux salariés après une durée de trois ans en cas d’atteinte des objectifs.

Les sommes attribuées en application du plan de partage bénéficieront des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les mécanismes traditionnels d’épargne salariale et seront fiscalement déductibles pour les entreprises. Seul bémol, la mise en place n’est possible que par conclusion d’un accord collectif. Pour les entreprises non dotées de délégués syndicaux, il conviendra de passer par les modes habituels de négociation dérogatoire. Verrou classique des dispositifs d’épargne salariale, les sommes distribuées en application du plan de partage ne peuvent se substituer à des éléments de salaires existants ou qui deviendraient obligatoires dans l’entreprise.

Ce dispositif n’est pas entré en vigueur car il est soumis à son extension par le ministère du Travail. Parallèlement, Élisabeth Borne s’est engagée à respecter le compromis trouvé entre les partenaires sociaux et proposera la transcription fidèle et totale de cet accord dans la loi sur le plein-emploi qui sera présentée au printemps.

Certains commentateurs sont dubitatifs et considèrent le dispositif flou et trop limitatif au regard des dispositifs d’actionnariat salarié existant. L’intérêt réside sans doute dans l’enrichissement des approches classiques d’évaluation de la valeur d’une entreprise par le seul résultat financier ou l’actionnariat. Le plan de partage permettra de prévoir l’instauration d’indicateurs financiers déjà présents dans les formules de calcul de l’épargne salariale (coefficient multiplicateur EBITDA…) mais permet d’y associer des indicateurs extra-financiers.

Cet instrument élaboré par les partenaires sociaux peut répondre à l’aspiration de collaborateurs et de nombreuses entreprises de contribuer activement à la construction d’un modèle de croissance pérenne et responsable. Il peut être utile à tout l’écosystème des start-up souvent très en pointe sur ces mécanismes qui permettent d’attribuer une rémunération différée, d’attirer et de fidéliser des collaborateurs cruciaux dans la valorisation en devenir de ces entreprises.

Les précisions légales et réglementaires attendues prochainement permettront de négocier des accords qu’il sera passionnant de suivre et d’analyser.

Auteur

  • Yvan William