Comment va évoluer le « bureau », désormais bien moins occupé qu’avant la crise sanitaire ? Le directeur associé du cabinet Bluebird Immobilier, spécialisé dans la stratégie immobilière, dresse un bilan de la situation et des nouvelles dynamiques à l’œuvre.
Nous constatons parmi nos clients que l’hybridation des modes de travail est toujours en gestation, mais qu’un ajustement s’opère entre télétravail et présentiel. C’est très disparate, mais certaines entreprises qui avaient adopté une moyenne de 3 à 4 jours de télétravail par semaine reviennent à un niveau de 2 à 3 jours, car la relation à distance est plus compliquée à gérer d’un point de vue managérial. Elles ont conscience qu’il faut recréer un sentiment d’appartenance et ancrer les valeurs de l’entreprise, établir un lieu qui permet de fédérer les équipes pour susciter des échanges et de l’émulation. Ces entreprises sont engagées pour la plupart sur des baux au coût élevé (c’est le deuxième poste de charge après les salaires), et souvent peu flexibles, avec des fenêtres de sortie tous les trois ans. Avant la crise, le taux d’occupation des postes de travail allait de 50 % à 70 %. Aujourd’hui, il est parfois descendu à 30 %. Cela s’accompagne d’une refonte des modes de travail, avec une croissance des espaces mutualisés et de nouveaux aménagements de type flex office. Les tâches réalisées collectivement disposent dorénavant de 40 % de l’espace total. Désormais, lorsque les collaborateurs viennent au bureau, ils vont souvent directement dans les espaces mutualisés. Pour certaines activités qui exigent un équipement informatique spécifique, les salariés ont deux ordinateurs de même qualité, l’un au bureau, l’autre à domicile. La plupart bénéficient maintenant à domicile d’un ordinateur portable.
Beaucoup de nos clients, c’est-à-dire des entreprises qui louent des bureaux, souhaitent redimensionner leur empreinte immobilière. Nous constatons une diminution des besoins de surfaces de l’ordre de 30 %. La renégociation des baux permet à certaines conditions de libérer ces espaces devenus superflus. Dans Paris, cela permettrait de créer un appel d’air, compte tenu du taux de vacance relativement bas (autour de 4 %). C’est en première et deuxième couronne que se libèrent davantage de surfaces, dans des localités comme Saint-Quentin, Massy ou Vélizy. Pour répondre au besoin de flexibilité des entreprises, certaines foncières développent également des espaces de coworking et des solutions de bureaux opérés, qui consistent à externaliser la gestion des locaux et permettent aux clients de se concentrer sur leur cœur de métier. Ils se voient libérés de la contrainte des baux et signent en lieu et place un contrat de prestation de services qui offre l’avantage d’un préavis plus court qu’un bail classique (six mois) et un engagement plus souple qu’un bail de neuf ans. Compte tenu de l’afflux de surfaces sur le marché, il est clair que certaines foncières seront plus exposées. Pour retrouver un équilibre financier et attirer de nouveaux locataires, elles vont devoir augmenter leurs propositions de services. La Défense se présente comme un cas typique, puisque beaucoup de tours de bureaux sont en passe d’être livrées alors même que la demande se réduit…
Il y a une décennie, les nouveaux immeubles de bureaux devaient arborer des labels environnementaux, au risque d’être pénalisés. Aujourd’hui, les immeubles qui n’intègrent pas le bien-être des salariés et leur mode de vie auront un handicap face à ceux disposant d’une certification Well, par exemple, sur la qualité de l’air et de l’eau, l’ergonomie, l’acoustique, la luminosité, les espaces d’activité physique… Les services offerts aux salariés évoluent aussi : la restauration se transforme et se digitalise avec l’essor des réfrigérateurs connectés, les espaces sont utilisés à la fois pour le travail collectif et les moments de convivialité, les escaliers sont ouverts sur les paliers pour inciter à l’exercice. Le flex office a également progressé. Il permet de redéployer les organisations en créant des espaces mutualisés et des îlots qui préservent les formats d’équipes et favorisent la communication entre différents services. Les entreprises vont de plus en plus devenir des espaces de « team building », fédérant les équipes autour de projets et de valeurs communes. Ce qu’on appelle habituellement le bureau ne va pas disparaître, mais devenir un outil au service des managers et des collaborateurs pour incarner l’ambition de l’entreprise.