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Dérèglement climatique : Myriam Maestroni, de l’énergie à revendre

Les pionnières | publié le : 06.03.2023 | Lys Zohin

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Dérèglement climatique : Myriam Maestroni, de l’énergie à revendre

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Son parcours professionnel reflète son évolution personnelle et sa propre transition. Aujourd’hui présidente de la fondation E5T, Myriam Maestroni a commencé, à 24 ans, dans le pétrole, puis le gaz. Si son premier but a été de faire faire des économies d’énergie à ses clients, son ambition, désormais, est de convertir toutes les entreprises à la lutte contre le dérèglement climatique.

« Vous vous imaginez, une femme, jeune, qui va complètement à l’encontre du business modèle traditionnel. J’ai eu du mal à me faire entendre… », déclare Myriam Maestroni avec un sourire et un accent chantant. Elle est jeune, en effet, lorsqu’elle commence sa vie professionnelle dans le secteur de l’énergie – une passion de toujours et où, en tant que femme, elle s’est sentie bien seule, dans les années 90. Le pétrole, d’abord, puis le gaz. Elle prend la direction commerciale, puis la direction générale de Primagaz. Avec une vision qui détonne, en 2005. « On m’avait alerté sur le fait que l’entreprise perdait des clients, raconte-t-elle, je me suis dit : “on va les aider à économiser l’énergie”. » En cette période d’abondance, une telle proposition de valeur en direction des clients avait de quoi surprendre. Mais cette pionnière s’accroche. « À part les hydrocarbures, j’avais aussi une autre passion, déjà, pour le développement durable », poursuit-elle. Le film d’Al Gore, Une vérité qui dérange (An Inconvenient Truth), sort l’année suivante. L’idée selon laquelle il faut améliorer la façon dont l’énergie est utilisée – dans les usines, pour les processus de fabrication, ou dans les logements, pour se chauffer – mettra du temps à mûrir. Rien à voir, évidemment, avec la nécessité actuelle, imposée par les effets de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Contrairement à d’autres, les derniers évènements géopolitiques n’ont pas cueilli cette spécialiste à froid. Après avoir organisé, en 2011, sa sortie de Primagaz – du fait qu’elle avait « atteint le plafond de verre » – et négocié d’emporter avec elle un site sur les économies d’énergie qu’elle avait lancé, elle le transforme en start-up. Qui met à disposition des ménages comme des entreprises une plateforme regroupant toutes les offres, les solutions et les avantages proposés par l’État dans le but de mener à bien des travaux en vue d’économiser l’énergie. « Entre 2011 et 2019, date à laquelle la start-up a été vendue au Groupe La Poste, nous sommes passés de 8 salariés à 350 et de 0 à 150 millions d’euros de chiffres d’affaires », s’enorgueillit-elle.

Net zéro

Sa route est désormais tracée. Convertir le plus grand nombre d’entreprises et de citoyens à la transition énergétique, puisque tout ce qui n’est pas énergie fossile n’émet pas de gaz à effet de serre et tout ce qui ne pollue pas va dans le sens de la lutte contre le dérèglement climatique, est son nouvel objectif. Pour cela, elle a mis en place un outil et une équipe de choc : la fondation E5T, pour énergie, efficacité énergétique, économie, environnement et territoire. « Nous savons où nous allons maintenant, c’est vers le net zéro », dit-elle, en faisant allusion aux ambitions affichées par une partie des grands pays industrialisés, dont ceux de l’Union européenne, en matière de réduction des émissions à horizon 2050.

Mais pour atteindre cette cible, encore faut-il embarquer tout le monde, et pour cela, sensibiliser et convaincre. Comme elle a de l’énergie à revendre, Myriam Maestroni est sur tous les fronts. La fondation offre en effet aussi bien une plateforme ouverte de réflexion que des universités d’été, des formations et des débats – sur le mix énergétique et l’amélioration de l’efficacité des diverses énergies utilisées, dans le cadre de la mobilité, de l’habitat, de la production industrielle… « Nous avons toujours eu une longueur d’avance, mais il nous faut mettre l’accent sur la formation », assure-t-elle. Outre toutes les activités de partage de la connaissance déjà en place, la fondation E5T s’est récemment lancée dans une nouvelle aventure. Avec un collectif d’experts et d’entreprises engagés dans la transition écologique et énergétique, baptisé les 100 Leaders pour la planète, elle propose de former tous ceux qui, notamment au sein des entreprises – responsables RSE, DRH, managers –, veulent en savoir plus sur les grands enjeux environnementaux et climatiques pour agir plus vite et mieux. « La transition écologique ne se fera pas sans nouveaux leaders capables d’ouvrir des chemins et de réinventer nos organisations, nos villes, notre société », martèle Myriam Maestroni.

Formation

Cela suffira-t-il à faire bouger les lignes ? « Les grandes entreprises ont déjà eu une prise de conscience, mais les petites structures, PME ou artisans, n’étaient pas du tout préparées à voir leurs factures d’électricité multipliées par dix. Maintenant, elles sont acculées », répond-elle. Quant aux particuliers, nombreux sont ceux, à travers toute l’Europe, qui habitent encore dans des passoires thermiques. Alors qu’une planification, de la part de l’État, aurait pu avoir lieu, il se trouve que, gouvernement après gouvernement, cela n’a pas vraiment été le cas. Reste donc aujourd’hui à aller au-delà de simplement « passer l’hiver », pour mettre en œuvre une politique de fond. Et si les entreprises attendent des règles émanant des pouvoirs publics français, elles sont aussi sous le coup des multiples directives européennes, qui ne cessent d’évoluer, de surcroît. D’où la nécessité d’une formation de pointe, par le biais des 100 leaders, pour les responsables du reporting extra-financier, par exemple, reporting auquel devront se plier une grande partie des organisations. Mais avec ou sans obligation, « les entreprises doivent être plus au clair sur leur consommation d’énergie, que ce soit pour les bureaux et les sites ou pour les processus de production. Et elles doivent être plus explicites vis-à-vis de leurs clients et de leurs salariés. Enfin, bien sûr, elles doivent former leurs managers et leurs équipes pour la transition énergétique et écologique », tranche Myriam Maestroni. Mais ce n’est pas tout. L’entreprise a aussi une autre obligation, dans le cadre d’une responsabilité sociale et environnementale élargie, celle d’aider ses salariés, voire les habitants du territoire sur lequel elle est implantée, à eux aussi faire des économies d’énergie, à opter pour des mobilités douces, à adopter de nouvelles façons de travailler, y compris à la maison.

Les défis sont de taille. Le temps est compté. Les femmes joueront-elles un rôle, à parité avec les hommes, dans la nécessaire transition écologique ? « Si leur place est clairement insuffisante actuellement, alors qu’elles sont porteuses de ces valeurs, elles ont quand même quelques rôles modèles, y compris dans de grands groupes du secteur, comme Isabelle Kocher, ex-directrice générale d’Engie, remplacée par une autre femme, Catherine MacGregor, ou Estelle Brachlianoff, à la direction générale de Veolia », déclare-t-elle. Mais cette pionnière a toutefois une crainte concernant la place des femmes : « Que l’impératif induit par les effets de la guerre en Ukraine ne l’emporte sur la nécessité d’agir pour la parité dans le domaine de la transition énergétique. » Elle qui a souvent eu raison avant tout le monde espère bien avoir tort cette fois-ci…

Auteur

  • Lys Zohin