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Lorsque la montée des femmes dans les instances dirigeantes inquiète les hommes

Chroniques | publié le : 06.03.2023 |

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Lorsque la montée des femmes dans les instances dirigeantes inquiète les hommes

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Lucille Desjonquères, Présidente Leyders Associates, Présidente France International Women’s Forum ; Charles-Henri Besseyre des Horts professeur émérite à HEC Paris

Dans le cadre de ce numéro d’Entreprise &Carrières consacré à la place des femmes dans l’entreprise, il est utile de rappeler l’impact de loi Copé-Zimmermann de 2011 qui positionne, en 2022 – une fois n’est pas coutume –, la France en tête des pays développés pour la féminisation des conseils d’administration avec 46 % de femmes1. Dix ans plus tard, en 2021, la loi Rixain a la même ambition en imposant des quotas de 30 % de femmes en 2027 et de 40 % en 2030 dans les instances dirigeantes que sont les comex et les codir. Par ailleurs, une RSE vigilante renforce la loi au point de ne plus permettre aux entreprises en non-conformité de répondre aux appels d’offres publics2.

Faut-il pour autant considérer la guerre des sexes terminée, avec la victoire des femmes par chaos technique ? En réalité, l’édifice ancestral de l’hégémonie masculine dans les organes de pouvoir ne se laisse pas démonter aussi facilement… En s’appuyant sur cette domination facilitée par les réseaux informels noués depuis l’enseignement supérieur, les hommes développent une résistance active au changement. Chaque fois que les femmes investissent une profession de façon massive, les hommes la désertent – comme on l’observe dans l’éducation, la santé, la justice ou le social3. Les résultats d’une étude suisse à paraître en mai 2023 montrent « une tendance substantielle et claire des hommes à quitter leur emploi lorsque davantage de femmes y entrent », et les chercheur(es) de rajouter « qu’une augmentation de 10 % de la proportion de femmes qui accèdent à un emploi réduit la probabilité pour les hommes de rester d’environ 12 % »4.

De fait, les hommes ont peur d’être émasculés, d’être une génération sacrifiée… Sachant qu’avec la loi sur la parité, les postes « clé » sont rares, que va-t-il advenir d’eux ? Les femmes qui ont fait leur révolution ont un « après » glorieux, une existence en progrès par rapport à la servitude d’avant. Mais les hommes, que gagnent-ils ? S’ils s’en tiennent à leurs prérogatives traditionnelles, la réponse est : « rien »… La femme puissante renvoie en effet l’homme – non à son incapacité mais à sa vérité : exister de manière authentique, composer avec la fragilité, tomber le masque, apprendre l’altérité. N’est-ce pas là la révolution si difficile à opérer pour notre « homo masculinus », empêtré dans ses préjugés ancestraux de mâle dominant ? Cessons désormais de remettre en permanence la guerre des sexes sur la table et inventons de nouveaux sujets de réflexion permettant la confrontation libre des idées entre les femmes et les hommes, sans rapport de force dominant de l’un ou l’une sur l’autre, comme le défend avec passion l’autrice d’un livre récent5.

Comment rassurer les hommes, pour qui les places au soleil se font plus rares ? Chez quelques malins, pour pallier cette démotivation masculine observée et ce sentiment de faire partie d’une génération sacrifiée, des dirigeants astucieux ont augmenté les sièges des comex. D’autres responsables ont choisi de proposer aux hommes un parcours international leur permettant d’être confrontés à des univers culturels différents. Mais pour un certain nombre d’autres cadres, il faudra quelques années encore pour qu’un changement durable se mette en place. Reste que réinventer les relations entre les femmes et les hommes dans l’entreprise ne peut avoir lieu que si le mode d’éducation depuis l’enfance évolue, en s’appuyant sur quelques unes des propositions suivantes (non exhaustives) :

• éduquer les jeunes garçons en leur permettant d’exprimer aussi leur sensibilité et leurs émotions,

• Amener les jeunes filles à être plus nombreuses à choisir des carrières scientifiques,

• Partager les corvées domestiques équitablement entre les garçons et les filles,

• établir une bonne fois que la réussite ne peut être que collective et non genrée,

• Démontrer que la différence nous apprend l’altérité, l’écoute de l’autre, qu’elle est source d’enrichissement, qu’il y a plusieurs manières de résoudre un problème et que la complémentarité femme/homme est une immense opportunité de progrès.

Pour conclure, on peut affirmer, sans risque de se tromper, que le contexte actuel et futur de pénurie des talents nécessite une alliance des genres dans le respect d’une parité soudée par le respect de l’autre – pour le bien de l’entreprise.

(5) Lesueur ; L. : Manifeste contre un féminisme radical et pour un féminisme éclairé, Le Cherche Midi, 2023.